Chapitre 4

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Lorsqu'on arrive dans l'église, la noirceur de cet endroit me serre la poitrine. Nous nous asseyons discrètement et la cérémonie commence. Arrivé au moment des discours, mon père se lève et, avec beaucoup de finesse et d'émotions, entame un discours qui lui vaut des applaudissements pleins de larmes de l'assemblée. Il revient vers moi et lorsqu'il s'assoit, je l'entend jurer:
"Pas ça, merde."

Je lève ma tête et aperçoit une jolie blonde décolorée aux yeux bleus habillée d'une robe noire assez courtes et de talons si haut, que j'en ai mal au pied pour elle. Je regarde mon père d'un regard questionneur et il me chuchote dans l'oreille:

-C'est l'ex femme de Marc, ils ne s'étaient pas parlé depuis 15 ans. Je ne sais pas ce qu'elle fou là. Nathan vas sûrement...

Mais un énorme bruit l'empêche de finir sa phrase. Je vois un jeune garçon, très très grand, habillé d'une veste en cuir et d'un jean gris, se lever violemment de son banc et claquer la porte de l'église de toutes ses forces en s'exclamant: "Quelle blague!".
Sa sortie laisse un lourd silence dans l'église et je comprend que c'est lui, c'est lui Nathan.
Lorsque la commémoration est finit, nous sortons et je vois mon père s'approcher de Nathan qui est assis sur un muret et lui passer la main sur l'épaule.

- Ça vas bonhomme?

Le jeune homme se retourne et j'aperçois ses yeux, d'un bleue turquoise qui me laisse sans voix. Il a les cheveux châtain, et un petit grain de beauté sous l'oeuil droit.

-Salut Thierry, merci d'être venu. Ça lui aurait fait plaisir.
- C'est normal, ton père était comme un frère. Je te présente Raphaëlle, ma fille.
-Salut, dis-je à voix basse.
Il me regarde pendant ce qu'il me paraît être une éternité. Il a l'air en colère contre moi pour je ne sais quelle raison et clairement déboussolé. C'est à ce moment que je décide que je ne l'aime pas.

-Salut, lance-t'il.

Puis se tournant vers mon père:

-Elle n'avait rien à faire là, qui l'a invité?
-Je ne sais pas Nathan, je ne sais pas. Tu veux qu'on rentre? Tu as pris tes affaires?
-Oui. J'aimerai bien que cette journée de merde se finisse enfin. C'est cool de m'héberger, vraiment.

Il détourne alors son regard et je crois voir de la haine passer dans ses yeux. Il agrippe la blonde décolorée, sa mère je veux dire, par ses manches et la plaque contre le mur.
Elle pousse des petits cri et mon père les séparent au bout de quelques secondes.

- Chéri laisse moi au moins te parler, je t'en supplie.
-Je ne veux plus jamais te voir ici, tu me dégoutes.

Mon père prend Nathan par l'épaule et le conduit à la voiture. Emma se joint à nous, et je découvre une jolie petite blonde avec de jolies yeux noisettes. Elle doit avoir à peu près 10 ans et pourtant, je sais qu'après cette journée, son enfance sera brisée a jamais, comme l'a été la mienne. Je vois papa se retourner et lancer:

-Tu ne peux pas te comporter de cette manière. C'est une femme, et c'est ta mere. Il vas y avoir des règles chez moi, et je ne veux aucune violence. C'est compris Nathan?
- Oui.

Le trajet du retour se fait en silence. Je me sens un peu gênée de l'ambiance massacrante qu'il y a.
Arrivée à la maison, papa fait un tour rapide de la maison pour la leur montrer et j'entend Nathan, quelques minutes plus tard mettre de la musique dans la chambre de mon frère, qui est dorénavant la sienne, et qui, est juste à côté de la mienne. J'allume mon enceinte et je décide de mettre de la musique encore plus forte. J'espère qu'il aime Beyonce et toute ces chansons de filles, parce qu'il vas être servi monsieur grincheux.
La soirée passe tranquillement et arrivée à table, Emma semble avoir les yeux dégonflés. Nathan n'est pas là. Mon père me murmure qu'il n'avait pas faim. Ça peut se comprendre.

Cette nuit là je n'arrive pas à m'endormir. Je sais que ça ne devrait pas m'atteindre, je ne connaissais même pas Marco et je n'apprécie pas son fils désagréable, mais c'est plus fort que moi, je n'arrête pas d'y penser. Quand Nathan est parti lors de la cérémonie, ce garçon m'a paru presque familier. C'est difficile de l'avouer mais je me suis presque reconnue en lui et ses réactions excessives. Quand maman est partie à l'hôpital, quelques semaines avant son décès, j'ai refusé d'aller la voir. J'avais tellement de rage au fond de moi. Encore aujourd'hui, elle me consume. C'est seulement quelques heures avant qu'elle parte que papa m'a poussé à y aller pour lui dire au revoir. Personne n'a jamais voulu comprendre, personne n'a jamais vraiment essayé d'ailleurs.
J'entends un gros bruit de volet. Décidément, ce garçon n'est pas très discret. Je pousse discrètement la porte de mon balcon et sort. Il est la, assis sur le rebord de la fenêtre. Il a l'air totalement perdu, il fume sa cigarette. Lorsqu'il daigne enfin me regarder il me lance:

- Qu'est ce que t'as? Tu vas aussi me faire la leçon?
- C'est pas vraiment mon genre. Surtout que ça m'importe guère de te parler. On est pas dès frères et sœurs tu sais, on est même pas amis toi et moi.
- En même temps, tu n'as pas l'air d'avoir beaucoup d'amis, envoie-t'il.

C'est bien lancé. Un point pour lui. Je devrai sûrement me vexer mais à vrai dire ca n'a jamais vraiment été un problème pour moi de ne pas avoir beaucoup d'amis.

-Tu as sûrement raison, dis je doucement.

Il a l'air de s'en vouloir, comme s'il avait peur de m'avoir blessé.

-Tu veux une cigarette Raphaëlle?
-Non.
- Non? Je croyais que tu fumais.
-Oui c'est vrai. Mais je le fait toujours seule. Si on fumait ensemble, ça nous rendrait intime. On serait sûrement obligé de se raconter nos vies et tu te rendrai compte que je suis une fille qui ne crains pas tant que ça. Tu tomberai sûrement amoureux et je serai obliger de briser ton petit cœur, bien que je ne sois pas sure que tu en ais vraiment un.

Il sourie et je crois même l'entendre rire pendant quelques minuscules secondes.

-Évidemment je rigole. Je n'aime juste pas la compagnie, et je ne crois pas que j'aimerai la tienne. D'ailleurs tu n'aimerai sûrement pas la mienne non plus.
-Tu es ce genre de petite garce qui a réponse à tout c'est ça?

Je lui sourie tendrement. Je sais qu'il ne pense pas un mot de ce qu'il dit. Il est comme moi. Excessif.

-Il faut croire...

Je me retourne et j'attend qu'il dise un mot, mais il reste silencieux. Je rentre alors dans ma chambre et ferme mes volets.

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