Chapitre 16

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Nathan vient me chercher dans ma chambre après qu'il se soit douché. Ses cheveux sont encore mouillés, ces longs cils aussi. Il me regarde tendrement. Je finis de mettre du mascara, je porte une jolie robe blanche, mes cheveux sont détachés et légèrement ondulés. Je ne lui accorde aucune attention, pourtant je sais qu'il se tient toujours à l'entrée, les yeux rivés sur moi. Lorsque j'ai finis de tout prendre dans ma chambre, je m'approche de lui d'un pas hésitant. Il a une veste en jean sur un tee shirt noir. Il me souris gentiment et me laisse passer pour descendre au garage.

-Raphaëlle tu veux conduire?

-Non merci, pour une fois conduis!

Il démarre le moteur. Et nous voilà partis pour deux heures de trajet. Il me fait signe de brancher mon téléphone pour mettre de la musique et s'allume une cigarette. La façon dont la fumée se faufile entre ses lèvres réveille en moi une folle envie que j'ai depuis quelques jours: l'embrasser. Mais il ne le faut pas. Je le sais.

-Tu vas vraiment partir demain alors?

-Oui.

-Tu ne vas même pas te battre pour rester?

-Me battre? Il était préférable pour ta famille que je parte, c'est normal que je respecte ça. Ton père a déjà fais beaucoup. Surtout s'il laisse Emma rester chez vous!

-Mais tu vas te retrouver seul, ou en foyer de sans-abris si tu ne trouves pas de travail.

-C'est la vie Raphaëlle. Parfois on a pas le choix.

-C'est de ma faute tout ça. Je t'ai poussé vers la sortie depuis que tu es arrivé...

-J'aurai fais pareil. Tu es une boule de nerf. Et je suis encore pire. C'était évident que ça n'aurait pas collé. Et puis ton père m'a proposé de rester tout à l'heure. C'est moi qui ait refusé.

-Quoi? Mais pourquoi?

Il remonte le son de la radio et jette sa cigarette par la fenêtre. Il n'en dira pas plus, c'est évident. Je le regarde du coin de l'œil et soudain, je sens un sentiment très étrange se faufiler dans chaque parcelle de mon corps: la peur. Je meurs de peur. J'ai peur de ne plus le revoir, j'ai peur qu'il se sente abandonner, j'ai peur qu'au fond lui aussi, il ait peur.

J'ai peur d'avoir peur.

Il s'arrête sur un parking dans le centre ville. Je n'ai aucune idée de ce qu'il veut acheter à sa sœur, mais je n'ai pas envie de demander. En même temps, la plupart de mes questions restent sans réponses. Tout à coup, il s'arrête devant un marchand de glace. Il commande une glace à l'italienne pour lui et me commande deux boules de sorbets banane et mangue. Je n'en revient pas. C'est un sans faute. Après l'avoir remercié, je lui demande:

-Comment... Comment tu fais?

-Comment je fais quoi, mademoiselle?

-Comment arrives tu toujours à me surprendre? Toujours à savoir des choses à propos de moi que personne ne sait... Qui n'intéressent personne?

-Je peux te dire quelque chose?

-Oui Nathan, dis moi.

-Quand je t'ai vu la première fois, j'ai eu envie de te gifler. Je déteste les filles comme toi, qui parlent mal. Mais plus les jours ont passé et plus j'ai compris certaine chose sur toi. J'ai aimé découvrir des parcelles de ce que tu ne montres pas.

Je vais pour lui répondre mais je me tait. Je ne veux pas gâcher ce moment. Ce dernier moment.  Il comprend que j'ai fais le choix de me taire et je vois un sourire se dessiner sur ses lèvres. Son regard moqueur me fais monter le rouge aux joues et il m'entraîne dans un magasin. C'est une sorte de paradis pour enfants. Il y a des tonnes d'ateliers de créations de bijoux, de poterie, de dessins et même de peluche. Il s'assoit à ce dernier atelier et me tend des matériaux afin de réaliser un tigre en peluche. Sans un bruit, nous travaillons pendant une heure et demi et le résultat est splendide. Il brode en dessous d'une des pattes du tigre les initiales de ses parents et de sa sœur et lui. En sortant, il s'assoit sur un banc afin de fumer une cigarette. Il m'en tend une que je refuse, comme toujours.

-Un jour Raphaëlle, tu fumera une cigarette devant moi.

-Pourquoi je ferai ça?

-Parce que ce jour là, je t'aurai prouvé que tu pourra avoir confiance en moi.

-Nathan, pourquoi avoir fait un tigre en peluche?

-Quelques semaines avant que papa meurt, il a parlé à Emma de réincarnation. Elle lui a dit qu'elle aimerait être un tigre. Il lui a souri et lui a dit que si elle était un tigre, il le saurai aussi, parce qu'il était de sa famille, pour toujours, quelques soit la vie dans laquelle ils se retrouveraient. Depuis Emma est persuadée qu'il n'est pas au ciel, mais qu'il court, savourant sa liberté quelque part dans le monde.

Ce souvenir me dévaste. Il a l'air tellement touché mais je ressens le bien qu'il a de me raconter cette histoire, qu'il a dû garder pour lui tout ce temps. Je lui prend la main sans rien dire, et je ne la lache pas jusqu'à la voiture. Mes doigts s'entremêlent dans les siens. Je n'ose pas le regarder dans les yeux, j'ai juste besoin de le toucher, de lui donner un peu de ma force. Arrivé dans la voiture, il ne démarre pas. Pendant quelques secondes qui semblent durer une éternité, il reprend ma main et la serre très fort. C'est magnifique. C'est puissant.

Il redémarre le moteur et met le nouvel album de Coldplay. Mes yeux ne se détache pas de lui, il ne le remarque pas. Je me sens paisible, et je m'endors ainsi avec un sentiment que je découvre. Je suis bien. Et je suis déjà nostalgique de ce moment, de cette musique et de sa main.

SMOKEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant