Chapitre 18

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Ses mains, ses yeux, sa bouche deviennent désormais confus, presque gêné. D'un mouvement brusque je me rassois sur mon siège et j'essaie de reprendre mes esprits. J'entends encore son souffle, je sens encore mon cœur battre. Je sens son parfum d'ici et il me tourne désormais la tête. Il a l'air mal à l'aise d'un côté et anéanti de l'autre. Il a l'air de regretter. Je sens le rouge me monter aux joues. Je viens de commettre une énorme erreur. J'hésite, puis je me lance.
- Je suis désolée, c'était vraiment ridicule.
Il démarre la voiture, en m'ignorant. Je réessaye:
-On a rien à faire ensemble. Je sais pas ce qu'il s'est passé. C'était vraiment stupide.
Il fait comme s'il ne m'entendait pas. Il est dur. Très dur. Mais je reprend mes esprits, je remet mon masque. Il ne doit jamais savoir que j'ai aimé ce moment.

Je chuchote:
-Demain tu ne sera plus la, et ce sera comme si jamais rien ne s'était passé. Jamais.

Le reste du trajet se fait en silence. Mes mains ne cessent pas de trembler. Je n'ose pas lui jeter un regard. Je suis pétrifiée. Lorsqu'on sort dans la voiture, j'ai comme l'impression que c'est la dernière fois que je ressentirai ça, la dernière fois que je serais aussi proche de lui. Je ferme les yeux essayant de mémoriser chaque détails. Chaque minutes que l'on a passé.

Nous nous dirigeons devant la porte d'entrée et je sens que quelque chose en lui s'est brisé. Je sens qu'il aimerait parler. Se livrer. Mais il n'y arrive pas. Il est Nathan. Il est comme moi.
En ouvrant la porte, il me murmure:
-Raphaëlle, il faut que je te dise que...
-SUR-PRISE

Il me regarde, là regard paniqué et lorsqu'on découvre le salon, je remarque Emma, Papa et Noé qui nous attendent. Je cours vers mon frère et lui saute dans les bras. Le voir ici, comme avant, me rend terriblement joyeuse. Je le serre fort. Nathan arrive et lui sert la main, heureux de le voir, avant que papa nous tendent des coupes de champagne. Il fait signe qu'il a une annonce à faire et s'exclame:
-On est en réalité chercher Noé à la gare. Il reste une semaine à la maison pour réviser tranquillement. J'aimerai donc que tu reste une semaine de plus Nathan, ça fait longtemps que vous ne vous êtes pas vu. Ça me ferait plaisir. Maintenant tu es de la famille, tu es comme un fils, et comme un frère pour mes enfants.

Le mot frère provoque un énorme choc. Je baisse les yeux, l'air tranquille, mais tout mon corps est en panique. Frère. Nous sommes comme des frères. Et l'on embrasse pas son frère. Ce n'est pas autorisé. Ce n'est pas bien, pas conventionnel.
Nathan hoche la tête, mais je sais qu'il est aussi paniqué que moi. Parce qu'en plus d'être "une famille", nous allons cohabiter. Nous l'avons déjà fait. Mais cette fois les choses sont différentes. Plus jamais je pourrai le considérer comme "mon frère", et jamais ma famille pourra le considérer comme mon "petit-ami".
Tout est voué à l'échec. Nous avons juste à tout oublier, c'est évident. Et pourtant, pourtant j'ai envie de lui remettre la mèche de cheveux qui dépasse sur son front, de caresser la cicatrice qu'il a en dessous du menton, de mordiller sa lèvre qu'il mordille depuis tout à l'heure. Mais ces pensées doivent désormais disparaître. Et Nathan doit donc disparaître de ma vie. Je ne dois plus y penser. Je ne dois plus l'apprécier. Je n'ai plus le droit.

Lorsque je remonte dans ma chambre, Noé et Nathan monte aussi. Noé demande où nous étions, et Nathan lui répond qu'on a passé une horrible soirée, que nous voulions apprendre à nous connaître mais que l'on était décidément fait pour s'entendre.
Je ne sais pas si c'est réel ou s'il brouille les pistes mais mon cœur se déchire. Lorsqu'ils vont pour fermer leur chambre, Nathan me jette un coup d'œil, et il peut lire sur mes lèvres: Désolé, oublions.

Je jette un dernier regard. Je mémorise le grain de beauté sur son front, la mèche de cheveux plus clair derrière son oreille, la forme de sa mâchoire et chacune des formes de son corps. Je respire un grosse bouffée d'air.
Il referme la porte et je referme la mienne. Je lui dis au revoir pour la nuit, et adieu pour la vie.

SMOKEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant