Force et menace

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Ace parti, je me penchais et observais un morceau de roche qui gisait près de moi.
Après tout, à côté du reste, cette faculté de guérison extraordinaire pouvait presque passer pour un détail. Presque.

Tout en observant mon bras, je ramassais mes vêtements et me rabillais en vitesse. J’étais couverte de terre, mes habits sentaient la mousse a plein nez et je me sentais à la fois forte et honteuse.
Croyez-moi si vous devez un jour vous transformer en loup, choisissez un instructeur qui ne vous enseigne pas avec des sarcasmes grinçants et des humiliations en série, parce que franchement, ça craignait.

Ace était hors de vue, mais je sentais encore son étrange odeur,comme incrustée dans ma peau et dans l'air ambiant. Elle était tellement différente de celles des autres, bien plus dure à identifier, plus ténue aussi. Comme camouflée.

Je fermais les yeux et respirais profondément. La montagne avait un tel parfum, vivant et profond. Cela sentait l’humus et la terre, la vie fourmillait autour de moi.

Je redécouvrais les choses avec délice. La moindre plante avait une signification, une odeur particulière, distincte et unique. Et je reconnaissais chacune d’elles. Le soleil passait à travers les feuilles m' éclaboussant de ses rayons. Ma perception de la lumière avait changée également, les rayons du soleil miroitaient sur les goutes de rosée et projetaient des éclats d’arc-en-ciel.

Mes yeux étaient hyper sensibles et les tourner vers le ciel m’éblouissait pendant quelques instants, le temps de m’habituer au violent soleil. En revanche, la montagne me semblait plus merveilleuse que jamais auparavant.
Je m’attardais sous les arbres, me promenant et découvrant les merveilleux sens dont j’étais maintenant pourvue. Je me décidais à ne pas rentrer tout de suite, surtout sachant que Ace m’attendait sans doute au campement et je n'avais aucune envie de le revoir. Plus que tout à cet instant, j'avais besoin de solitude. Sans savoir où j’allais, j’avançais.

Sous mes pieds, la terre laissait tantôt place à de la mousse, tantôt à des flaques boueuses. La pente devenait  plus raide tandis que je me dirigeais vers le sommet. Malgré les kilomètres et mes sandales inadaptées à une telle marche, mon allure restait tonique et ma respiration régulière et inchangée. Quand j’arrivai finalement à un lac, étonnamment déserté de tout touristes et baigneurs, je n’étais toujours pas essoufflée.

La rivière qui se déversait dans le plan d’eau gazouillait gentiment, dans un bruit apaisant. Timidement, je trempais le pied dans l’eau, puis satisfaite de sa température, entrepris de me dévêtir.

N’ayant aucune envie de me faire (encore!) surprendre par un éventuel pervers portant, qui sais, le nom de Ace, je gardais mon tee-shirt et mes sous-vêtements. Sûrement ridicule pour vous, mais rassurant. Dans un doux clapotis, je m’imergeais dans l’eau. La tête sous la surface, j’expulsais tout l’air de mes poumons en même temps que mon amertume et ma colère. Sentiments qui laissèrent bientôt place l’apaisement.

Je remontais à la surface plus fraiche et tranquille que je ne l’avais été depuis longtemps. La nature avait ce don d’apaiser mon esprit et mon coeur, plus que n’en serais jamais capables les hommes. J’étais mouillée, changée, et incapable de prédire ce qui allait m’arriver, mais j’étais heureuse. Ou presque.

Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il pouvait être, ma marche dans la montagne avait été rapide pour un trajet aussi long, mais midi était passé depuis déjà quelques heures ou en tout cas, le soleil était moins haut dans le ciel.

Il était hors de question d’avoir faim, déjà parce que je n’avais rien à manger, mais surtout parce que je me rapellais encore du goût écoeurant du sang du cerf dans ma bouche. Ou ma gueule, je n’étais plus sûre de rien. Un haut-le-coeur me saisie à nouveau à cette idée.
Je le reprimais difficilement, mais la pensée de cette chair dans mon estomac m’acheva et je rendis tripes et boyaux derrière un buisson.

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