Sul'Een T1: Les Sanglots De L' Âme

5. Mise au point

Marine  s'éloigne de plus en plus de moi, non sans me lancer des regards que je ne peux interpréter. Avant-hier, elle m'a demandé pourquoi je parlais aux autres et ce que je leur trouvais. Puis elle est partie sans attendre ma réponse. Cela me fait de la peine même si nous ne nous connaissons que depuis quelques mois. J'avais l'impression que l'on s'entendait plutôt bien. J'ai beaucoup de mal à la comprendre. Parfois elle semble absente, d'autres fois elle ne peu s'empêcher de sourire... Il faut définitivement que je lui demande des explications. De plus, plus le temps passe moins j'arrive à garder contact avec mes anciens amis. Je ne cherche pas à trouver le coupable, mais cela me blesse un peu. Même Coralie avec qui j'était sûre de rester proche ne me parle plus aussi souvent qu'avant.

Accompagnée de Ficelle, je me vautre sur le canapé neuf, devant la télé. Lui semble le chat le plus heureux du monde ; il est complètement étalé sur mes genoux, m'exhibant son ventre tout blanc. Sa fourrure est tellement douce, j'aurais aimé avoir un oreiller avec la même consistance.

Je suis dans un état d'ennui profond, ce qui m'apparaît que très rarement... J'ai horreur de regarder la télé. Sérieusement, qui aime regarder des cons qui se gueulent dessus à longueur de journée ? Et pourtant les gens regardent ça, puisqu'on continue à diffuser cette merde. Les personnes qui participent à ce genre d'émission sont aussi intelligentes que ceux qui boivent les paroles des publicités.

Mais attendez, il y a pire ; les émissions ou on note ce que vous faites. On en est à un point où, bientôt, on va noter la taille de nos excréments ! Je peste toute seule devant la télécommande. Décidément, ce n'est pas mon jour.

À force de zapper, je me résigne enfin à éteindre cette boite de malheur.

Lorsque je regarde mon portable, j'ai reçu deux messages. L'un est de Coralie, qui me demande de mes nouvelles, enfin. Soulagée, je lui réponds rapidement et découvre avec étonnement le second. C'est Marine... Elle me demande de la rejoindre au lac.

ො

Plus je m'en approche, plus je me dis que j'ai paniqué pour rien lors de ma dernière visite. La vie me paraît parfois longue et morose, et j'ai tendance à avoir une imagination débordante. Parfois j'ai l'impression que ma vie est toute tracée, et ce, dès ma naissance. Tout ça dans quel but, finalement ? Je ne veux pas que l'on prenne les décisions à ma place, et tant pis si je me trompe.

J'ai toujours voulu croire qu'il y avait quelque chose de surnaturel derrière le quotidien. Alors, quelques fois j'imagine que je vis une aventure, une vraie. Avec de l'action, et des créatures qui sortent de mon imaginaire. Même si je sais que c'est complètement idiot,et queje sais parfaitement que ça n'arrivera jamais, je continue d'espérer.

Il s'avère que j'ai raison, le brouillard s'est dissipé, et malgré la noirceur de l'eau, tout semble normal. J'évite quand même d'emprunter le même chemin que celui de la dernière fois, par peur de perdre l'équilibre dans les ronces. Marine n'est pas encore arrivée. Je vais donc m'asseoir contre un arbre, sur l'herbe haute.

On sent bien que l'hiver s'est déjà installé. Ma respiration conduit à la production d'un petit nuage de chaleur lorsque j'expire. Mes mains restent la plupart du temps glacées, alors je les mets dans mes poches. Les gens ont sorti les gros pulls et les écharpes, ces derniers temps. Les animaux se font plus rares, se réfugient dans leurs abris. Parfois, les oiseaux viennent quémander un peu de nourriture derrière la maison, et mon frère leur donne des graines de tournesol. Il arrive à faire en sorte de se retrouver avec les volatiles sur les bras, et mon père a dû prendre un millier de photos de cette scène.

Marine arrive quelques minutes plus tard, me cherchant du regard. Je lui fais un signe et elle se dirige dans ma direction, le regard droit et déterminé. Elle semble réfléchir un moment, puis se lance :