Sul'Een T1: Les Sanglots De L' Âme

22. Merveilleux contact

Je cherche tout au fond de moi cette étrange chose qui grandit et prend de la place. Je ferme les yeux, me concentrant plus fort. Je distingue une petite lumière et me retrouve dans un grand espace.

L'Amarok m'apparaît, plus grand que la taille que j'avais atteinte la dernière fois, plus majestueux. La couleur de son pelage est plus claire, et reflète des lumières bleutées. La femelle me toise de haut, relevant la tête avec un regard dominant et fier. Ses larges pattes caressent le sol à chaque pas, soulevant un nuage de poudre blanche, ses omoplates roulent l'une contre l'autre, et elle déploie ses coussinets au contact de la neige. Ses oreilles aussi larges que celles d'un serval s'agitent, indiquant un certain degré de nervosité.  Pourtant,  elle se déplace avec élégance dans le plus grand des calmes. Sa posture, la tête et la queue relevée,  montre clairement qu'elle ne se laissera pas dominer.

L'endroit où nous nous faisons face pour la première fois est une immense plaine blanche, s'étendant jusqu'au delà de l'horizon. Cela est étrangement similaire au rêve que j'ai fait il y a quelques jours, mais ça n'a rien à voir. Je me sens bien, cette fois-ci, et je n'ai pas froid. Je suis en sécurité.

 Je l'observe, bouche bée, incapable de faire le moindre mouvement devant tant de beauté sauvage. La petite cicatrice qui descend de son œil noir semble s'être allongée, et des petites veines sont visibles autour de la traînée noire. De longs cils blancs entourent ses pupilles, les rendant encore plus grandes.

Nous allons bientôt rentrer en contact, et des yeux plus curieux me sondent maintenant. La magnifique créature semble hésiter un moment puis tends son museau sombre vers moi. Du haut de son mètre quarante au garrot, elle est vraiment impressionnante. Je tends une main tremblante en sa direction, et son souffle chaud vient me chatouiller la main. La fumée expirée s'éparpille dans l'air froid, et je remarque que nous inspirons en même temps. Elle me renifle, analyse mon odeur et nous entrons en contact. Ses paupières se closent, et je sens les battements de mon cœur s'unir aux siens. 

Je ressens sa joie, lorsque pour la première fois, elle a foulé le sol. Son excitation quand elle a poursuivi sa proie, et sa colère, sa soif de sang, d'il y a seulement quelques heures. Alors je comprends; il n'y a pas d'elle et moi, il y a juste un nous, un "je" commun. Elle est moi, je suis elle. 

Un immense sentiment de plénitude m'envahit, bien plus puissant que jamais. Je me fais assaillir d'une foule de sentiments dont certains que j'ignorais même leur existence. Je suis certaine de connaître le bonheur, à présent.

Je reviens à la réalité, ou il semble ne s'être écoulé qu'une seule seconde pendant ce moment incroyable. Mes jambes sont toujours en mouvement, et une énergie nouvelle a pris place dans mes veines.  Dans chaque artère,  chaque capillaire, une immense puissance circule.
Alors je sais que je suis encore capable d'accélérer. La mustang arrive à notre niveau et nous dépasse en un rien de temps. On ouvre la portière arrière du côté ou nous sommes.  Veenyr redouble d'effort pour rattraper le bolide alors que celui ci semble ralentir légèrement.  Quelques dizaines de mètres devant moi, mon prédécesseur s'accroche au véhicule et y monte. 

J'ai peur de ne pas y arriver,  et pourtant,  il le faut.  Je redouble d'efforts et me rapproche de mon objectif.  Je me rappelle la course contre ma proie,  dans la forêt et mon corps effectue les mêmes mouvement à la même rapidité que cette fois-ci. L'air me fouette le visage, arrachant des larmes à mes pupilles.  Lorsque je me trouve a quelques dizaines de centimètres, je bondit, et tente de me raccrocher à quelque chose, mais je ne trouve rien. Je vais tomber, et à cette vitesse je doute que je reste en un seul morceau.  

Une main me rattrape, m'empêchant de faire une chute grave. Je pose mon pied sur le siège en cuir et entre dans la mustang. J'ai réussi. 

Je pousse un soupir de soulagement et m'installe plus confortablement. Mais la joie est de courte durée quand je m'aperçois de l'état de Marine, étalée sur les genoux de son frère.  Son abdomen recouvert de sang séché se soulève au rythme d'une respiration difficile. Les yeux fermés,  elle est plongée dans un sommeil agité et un film de transpiration recouvre son visage.  Sa plaie à été grossièrement pansée par un morceau de tissu bleu.