Sul'Een T1: Les Sanglots De L' Âme

1. Un premier pas

- Ninah !

La voix de ma mère me sort de mes rêvasseries. J'enlève ma main du plexiglas de la fenêtre de ce qui fut jusqu'à aujourd'hui ma chambre, en soupirant.

- Oui ?

- Tu as chargé tous les cartons qu'il restait ? On y va.

- Oui, oui...

Ma paume longe le mur du couloir tandis que je me dirige vers la sortie. Nous déménageons. Un changement radical, comme a dit ma mère... Ce n'est pas que déménager me dérange, mais je vais devoir dire au revoir à mes amis. Qui plus est, je suis certaine que je vais me retrouver dans un lycée de campagne. Je suis pourtant beaucoup plus à l'aise en ville, où tout est beaucoup plus facilement accessible. J'espère ne pas m'y ennuyer...

J'attrape mon sac, contenant le nécessaire pour le voyage ; mon portable, mon casque, mon mp4, et mon carnet de dessin. En sortant, ma mère me pose une main sur l'épaule :

- Ça va aller chérie, ne t'inquiète pas !

Le sourire qui illumine son visage me rassure. J'ai toujours admiré ma mère. Elle est parfaite pour son âge. Ses cheveux d'un châtain brillant lui arrivent aux épaules et ses yeux sont semblables à la couleur de l'océan. Elle soigne toujours son apparence, et il en va de même pour ses relations. Infirmière, elle est appréciée de tous ses collègues ; comment ne pourrait-on pas aimer une telle personne ? Mais surtout, ma mère sait comment redonner le sourire à quelqu'un.

Quand j'ouvre la portière de la voiture, mon petit frère dort déjà. Je remets la couette sur ses épaules et m'assois à côté de lui avec mon casque sur les oreilles. Lorsque nous partons il est deux heures du matin, et il y a trois cents bornes à parcourir. J'aime voyager de nuit, parce qu'il n'y a presque personne sur la route et tout est calme. Je m'appuie sur l'accoudoir, regardant les étoiles à travers la vitre en me demandant à quoi ressemblera ma nouvelle vie. Je finis par fermer les yeux.

Lorsque je me réveille, le soleil est haut dans le ciel. Mon frère est déjà sorti de la voiture. Mon père me tapote doucement l'épaule pour me réveiller en m'appelant. Je mets un pied dehors et m'étire les jambes.

Alors que j'éteins ma musique, mon père s'exclame :

- On est arrivé !

Je scrute la maison lentement. Le vieux crépi a une couleur étrange : il est bleu. Une petite porte de bois est à moitié cachée par un large porche aux colonnes décorées. Pour y accéder, deux marches recouvertes de carrelage donnent sur un chemin de galets. C'est une assez grande maison, pourvue d'un immense jardin. Mes parents en ont héritée quelques mois après le décès de mon grand-père maternel. Je n'y ai jamais mis les pieds à cause des violentes disputes entre celui-ci et ma mère, mais elle nous a souvent vanté son aspect et le large espace qu'il y a en tant que jardin. Cela lui permettra sans doute de pouvoir jardiner à nouveau, elle qui aime ça.

J'ouvre le coffre et en sors tous les cartons. Mon frère court déjà partout autour de la maison, imaginant où il pourra mettre ses jouets. Si on l'écoutait, il y en aurait partout...

ො

Je m'affale sur mon lit, dans ma nouvelle chambre. Mon père a monté mon sommier juste après celui de mon frère, et j'y ai mis le matelas. Étant donné que j'ai une armoire murale, il ne reste plus que le bureau et l'étagère à assembler. Tous mes cartons sont éparpillés dans la pièce, scotchés de manière négligée. Même si je me suis reposée, le voyage m'a épuisée et les cartons étaient vraiment lourds.

Avec le peu de motivation qu'il me reste, je me lève pour faire mon lit, me dirigeant vers le carton où est noté «  literie de Ninah » en grosses lettres écrites au marqueur noir. Je coupe l'adhésif à l'aide de mes ongles, un peu trop longs à mon goût. Je déballe une housse de couette et toute sa panoplie assortie, et je commence à installer le drap-housse ivoire. Au moment de mettre la taie d'oreiller, je m'aperçois que celle-ci ne convient pas du tout à la forme de mon oreiller. Génial, ça commence bien, si tout est déjà mélangé ! Je déteste devoir chercher quelque chose pendant des heures.