28. Réconciliation

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Je la laisse percer mes failles, se frayer un chemin pour pouvoir contrôler la forme de mon organisme. Le blocage dans ma poitrine qui m'empêchais de respirer disparaît, et je prends une inspiration bruyante.

Ma vue se rétablit rapidement, et je fixe mes mains au sol. Les veines violettes qui les parcourent pulsent à travers ma peau rougie, comme si leur contenu cherchait à s'évader. Je tremble, soulagée de pouvoir enfin apporter de l'oxygène à mes cellules. Des petits cailloux se sont incrustés dans mes paumes, y laissant des traces lorsque je les retire.

Je ferme les yeux et Elle me fait face, en position d'attaque. Ses crocs dévoilés, elle me regarde avec une méfiance accrue. Comme on me l'a dit je ne cherche plus à me battre contre Elle. Je me sens même coupable de nous avoir fait subir cela. Je ne devrais pas lutter contre moi-même, c'est ridicule. Il faut juste que j'apprenne à me connaître. Je décide donc de ne rien faire, et la laisse faire son choix, en sachant que si Elle me tourne le dos, je me doute que ce qui m'arrivera ne sera pas joyeux.

Derrière sa colère noire, je peux lire de la peur et de la déception. Elle me tourne autour, beaucoup moins docile que la dernière fois. Je n'ose pas bouger, de peur qu'elle tente de recommencer à me taillader de l'intérieur. Je suis autant effrayée qu'elle, mais je pense pouvoir parvenir à le cacher. Petit à petit, ses dents ne sont plus visibles, et la colère disparaît.

Je tends la main dans sa direction, et elle effectue un bref mouvement de recul.

- Je suis désolée, je murmure. Je ne comprenais pas.

Ce qui est, en fait, toujours le cas, même si j'en apprends un peu plus chaque jour. Elle tend ses oreilles dans ma direction, et j'en déduis qu'elle m'écoute. Elle s'arrête et s'assoit, ce qui la fait paraître encore plus grande.

- Viens.

Je tapote le sol à ma droite. Elle s'attarde sur le mouvement, tentant de l'analyser, et se redresse. Lentement, mais sûrement, elle se rapproche. Mon cœur bat plus rapidement, et je me souviens de notre dernière rencontre. Je suis impatiente de ressentir à nouveau son point de vue.

Lorsque la distance est négligeable entre nous, je peux passer mes paumes dans sa fourrure. Elle se révèle incroyablement douce, dotée d'un sous-poil épais. Nos yeux se font face, et nos esprits fusionnent.

***

J'ouvre les yeux alors que la douleur se répand dans mon corps. Mes côtes craquent, se cassent, pour se placer plus verticalement. Mes phalanges se résorbent, laissant place à des griffes rétractiles. Je souffle, afin d'éviter tout gémissement qui attirerait l'attention. J'accepte la souffrance, je lui permets de circuler dans mes veines.

Soudainement, le temps s'arrête, et mon organisme fait le chemin inverse. Je reprends forme humaine en quelques minutes, et m'effondre dans la poussière. Les membres étendus en étoile, je fixe le ciel bleuté. Des nuages d'un blanc pur se déplacent au gré du vent, qui murmure doucement entre les feuilles. Des oiseaux, en formation de V parcourent l'océan d'en haut, migrant vers le sud.

Une brève odeur de verdure vient me chatouiller les narines, rapidement remplacée par les senteurs du gazole.

Des visages se penchent sur moi, m'obstruant la vue paisible que j'avais jusqu'à présent.

- ça va, je souris aux faciès inquiets qui me fixent.

Une main se tend et je l'attrape pour me relever. La douleur précédemment ressentie semble avoir totalement disparue. Je frotte mon short pour enlever la poussière du sol qui a blanchi le tissu. J'essuie le liquide noir provenant de ma pupille, et fait face aux autres.

Sul'Een T1: Les Sanglots De L' ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant