29. Les mains sur le volant

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L'animal me tourne le dos, à moi et à la direction que nous devons prendre. Je le rejoins rapidement:

- Ou est-ce que tu vas? Il faut qu'on y aille, et vite!

Mais il n'écoute pas, et se contente de me grogner dessus.  Je soupire du plus fort que je peux. Je ne veux pas lui dire la raison pour laquelle nous devons nous diriger vers la voiture, parce que c'est de ma faute, et ma fierté en prendrait un coup. Il y a suffisamment de personnes au courant. Je me contente donc de le suivre en ronchonnant. J'observe ses muscles se tendre puis retrouver leur forme initiale au fur et à mesure qu'il avance. Leur volume est impressionnant, et il me domine largement de ce côté là. Dans la même forme que lui, je suis plus fine, plus élancée. 

Il s'arrête brusquement et me fait un signe de tête.  Je fronce les sourcils, essayant de comprendre où il veut en venir. Il recommence plusieurs fois la manœuvre,  mais je ne vois toujours pas ce qu'il veut me dire. Il finit par s'impatienter et lève les yeux au ciel.

- Désolée,  je comprends pas, je hausse les épaules.  

Il s'allonge près d'un bosquet, s'étendant de tout son long.  Ce n'est que lorsque j'entends le craquement de ses os que je comprends ce qu'il voulait me dire. Mais je ne peux pas détourner les yeux de ce qu'il se passe devant moi. Sa peau ondule par à-coups, se tordant sous la pression de  ses côtes qui semblent vouloir s'extirper de sa cage thoracique.  Ses phalanges s'allongent,  et ses griffes sont avalées par ce qui ressemble de plus en plus à des doigts.  Le spectacle est horrible à regarder, mais je suis comme fascinée.  

Je veux voir exactement ce que mon corps fait lorsqu'il change d'enveloppe, même si cela semble être plus facile pour Feii. Il ne vomit pas, ni ne crache du sang. En seulement cinq minutes, il retrouve sa forme humaine. Je reste interloquée.  Je dois vraiment être nulle, ça a l'air si simple pour lui. 

Je détourne le regard rapidement avant d'en apercevoir trop, et le rouge me monte aux joues.
J'attends quelques secondes,  et deux mains aux doigts fin fondent sur ma taille. Je sursaute alors qu'une mèche de cheveux roux me chatouille le visage.
Un rire cristallin jaillit de la gorge de mon assaillante. 

- Je t'ai eue! 

Je lui souris en fronçant les sourcils, partagée entre l'amusement et la surprise. Nous nous mettons rapidement en marche, Feii derrière nous. 

- Si tu maîtrisais mieux tes sens, je n'aurais pas pu te faire peur. 

Je la regarde attentivement. Je me demande ce qui me vaut ce soudain élan de sympathie de sa part. En temps normal, elle m'aurait déjà envoyé quelque chose dans la figure, mais sa remarque n'est pas du tout hostile, peut-être même amicale. J'en profite donc pour tenter de me rapprocher d'elle:

- Vous vous connaissez tous depuis longtemps?

Ses yeux s'illuminent:

- On a grandi ensemble, mis a part Eniel. On habitait tous dans la même la même colonie. 

Je hoche la tête, l'incitant à continuer:

- Nous sommes, Veenyr, Feii, et moi, trois vétérans de l'est. En gros, les meilleurs combattants de la colonie dans laquelle nous avons grandis. Lors des tournois, personne n'a jamais réussi à nous battre.

Je la détaille, interloquée. C'est sûr que c'est facile à deviner pour les deux hommes, puisque Feii est recouvert de cicatrices, et que Veenyr n'a pas hésité à trancher la gorge de la femme qui m'avait agressé la dernière fois. Mais, même si je ne doute pas de la grande agilité de la rousse, je n'aurais jamais pensé qu'elle soit si douée. Marine m'a dit qu'elle est très rapide. 

Sul'Een T1: Les Sanglots De L' ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant