Aujourd'hui, septième jour que je suis ici. Cinq jours depuis la crise. Je crois devenir folle. Ça va mieux, physiquement. Mais j'ai vraiment besoin d'air. Marine vient d'entrer dans ma chambre.
- Salut ! s'exclame-t-elle, tout sourire.
- Hey, je lui réponds plus sobrement.
Elle tient un énorme bouquet de fleurs jaune d'or, et le pose sur ma table de nuit.
- C'est des Arnicas. C'est ce qu'on utilise pour les bleus des enfants, me signale-t-elle en désignant les plantes.
- Merci.
Marine me parle beaucoup. J'apprends qu'elle a fait un jardin, et que la glycine qu'il y avait déjà va faire des fleurs cette année. Elle continue de prendre soin de la maison et a décidé d'arrêter d'aller au lycée.
- Je préfère profiter tant que je peux encore, tu comprends. Après, ça ne sera plus pareil.
Lorsqu'elle dit cela, c'est comme si sa maladie n'était plus en elle. Ce doit être pire que moi, de vivre avec cette chose qui la ronge. Mais, immédiatement, sont visage rayonnant refait surface.
- Feii m'a dit que tu seras bientôt guérie, que tu es assez forte pour supporter ton état. Il faut que tu te tiennes prête pour le jour J, rit t'elle.
Je l'interroge des yeux.
- Le jour où tu devras sortir de l'hôpital, elle soupire en levant les yeux au ciel.
ො
Nous avons reçu les résultats des analyses ADN. Les médecins ont d'abord parlé à mes parents, puis le docteur Catelli est entré.
- Ninah, comme tu as du entendre, nous avons eu les résultats ce matin. Nous avons eu la confirmation qu'il s'agit d'un problème génétique.
Il s'assoit sur le bord du lit.
- Mais, tout comme ta réaction à différents médicaments, ils sont insolites.
Il gratte sa barbe noire et quelques pellicules de peau tombent sur le carnet qu'il tient sur ses genoux. Je cache ma mine de dégout.
- Tes cellules rejettent tout traitement et il est automatiquement considéré comme une toxine à éliminer.
J'ai l'impression qu'il compte tourner autour du pot pendant longtemps, et je fini par n'écouter que le moitié de ce qu'il raconte.
- ... après avoir vérifié plusieurs fois sur plusieurs prélèvements, il s'avère que tu possèdes 31 paires de chromosomes, contre 23 chez un humain normal.
Je reste interloquée. C'est logiquement impossible, je ne devrais pas être en vie. Ils se sont trompés ça ne peux être que ça. Je ne suis pas un extraterrestre ni un super-héros qui a été victime de modification corporelles.
Mais après réflexion, je me rends compte que je n'en sais rien. Je ne connais pas mes origines, je ne connait pas mes parents biologiques.
ො
Je me réveille en sursaut. Quelque chose me brûle l'œil droit. Je me lève d'un coup pour aller voir devant le miroir. Une fois debout je me rends compte que je n'ai plus mal du tout. Je me sens même mieux qu'avant d'être malade. Je peux courir, danser, respirer comme il faut. Un sourire se dessine progressivement sur mon visage alors que je redécouvre les fonctionnalités de mon corps. J'en profite pour ouvrir la fenêtre, attrapant la petite cuillère que j'ai volé hier afin d'en crocheter la serrure, et j'inspire enfin l'air frais. Quand le dernier rayon de soleil du mois d'avril vient me chatouiller le visage, je ferme doucement les yeux. Ce qui me rappelle pourquoi je m'étais levée. Je marche donc vers la glace, en attrapant mon portable. J'envoie un message à Marine :
« Tu avais raison, je suis guérie ! *-* »
Un liquide rouge et visqueux s'est répandu sur ma joue depuis mon œil, un peu comme du sang, mais en plus collant. De l'autre œil, une traînée noire s'est formée, celle-ci beaucoup plus liquide ressemblant à de l'encre de chine. Mais aucune des deux coulées ne semble vouloir s'en aller. J'ouvre donc le robinet quand un bruit sourd survint depuis la vitre ouverte. Je fais volte face et remarque une silhouette sombre se déplacer silencieusement dans ma direction. Je cherche quelque chose à attraper pour me défendre, mais je ne trouve rien.
Cependant, lorsque je distingue les traits de mon agresseur, je suis encore plus surprise que si c'était quelqu'un que je ne connaissais pas.
- Qu'est-ce tu fais là ? et pourquoi t'es passé par la...
- Shh...
Feii me fait signe de me taire, puis me murmure :
- Il faut que tu viennes avec moi.
Je fronce les sourcils en secouant la tête. Il se fou de moi ? Il ne vient pas me voir, soit. Mais il se pointe par effraction, qui plus est, et il veut que je m'échappe avec lui alors que je suis sur le point de guérir ?
- Tu me fais confiance ?
- Pourquoi ? je te connais à peine, au final.
Il soupire, et passe pour la énième fois sa main dans ses cheveux.
- Même si tu vas mieux, tu crois qu'ils vont te laisser sortir ? Et il suffit que l'info se répande que tu aies une maladie inconnue pour que les médias rappliquent.
- Co-comment tu sais ça ? Je balbutie.
- Je crois que j'en sais plus sur toi que tu n'en a idée.
Décidément, il n'arrêtera jamais son arrogance...
- Alors, qu'est-ce qu'il m'arrive? Et si tu le savait depuis longtemps, pourquoi tu ne me l'a pas dit avant? J'insiste.
Il se passe encore une fois la main dans les cheveux, avant de me répondre:
- Parce que je n'en était pas sûr, et que depuis que tu es ici, tu n'es pas en état de te déplacer.
Honnêtement, ça m'aurait étonnée qu'il réponde vraiment à ma question.
- Je ne bougerais pas tant que tu ne m'aura pas expliqué.
Je lui lance le regard le plus noir possible, et m'assoit dans un coin.
- On a pas le temps.
Il attrape ma main et me traîne jusqu'à la fenêtre. Sans aucune hésitation, il saute du rebord de la vitre. Du premier étage, ok, mais je ne me sens pas de faire ça.
- Va-y, je te rattrape.
Je secoue la tête, mais il fini par me convaincre. Je n'ai rien à perdre, si ce n'est une cheville cassée... Je saute et ferme les yeux. Contrairement à toute attente, il réussit à m'attraper délicatement. Je me doute de toute la force qu'il a du déployer mais c'est comme si c'était naturel chez lui. Je me sens toute petite entourée de ses bras. Il me repose au sol et me fait signe de courir pour le suivre jusqu'à l'endroit où il a garé sa vieille voiture, dont je doute très fortement de sa fiabilité au vu de son état.
Je m'installe du côté passager, bien décidée à lui poser toutes les questions du monde en guise d'explications.
- Alors, qu'est-ce que tu sais sur moi ? Je hausse les sourcils, bien déterminée à avoir des réponses.
Il met tout de même un temps à répondre.
- Que tu es comme moi.
- Hein ? c'est-à-dire ?
- Tu es née au même endroit que moi.
Je suis interdite. C'est bien, mais qu'est-ce que ça m'apporte ? Est-ce qu'il est sérieux, là ?
- Il va peut être falloir être un peu plus clair, en fait. J'espère que je ne t'ai pas fait confiance pour rien.
Je sens que tout ça commence à m'énerver.
Ma douleur au ventre, la même que la dernière fois reprend, mais beaucoup moins intensément, ce qui ne m'empêche pas de grimacer. Feii le remarque et m'interroge du regard.
- Rien, c'est mon ventre...
La douleur s'accentue d'un coup et je suis violemment secouée. Je me penche jusqu'à la vitre pour vomir. J'halète tandis que la chaleur de la fièvre revient, en mille fois plus fort. Entre deux spasmes, j'ai le temps de voir les yeux de Feii s'affoler.
- Merde ! tient le coup jusqu'à ce qu'on arrive au moins !
Des gouttes noires et rouges tombent sur ma chemise de nuit, qui ne sera sans doute plus jamais blanche. Je salive tellement que je suis incapable de dire quoique ce soit. La voiture s'arrête sur un chemin caillouteux et Feii m'aide à sortir.
- Il va falloir marcher un peu, d'accord ? Tu vas y arriver ?
C'est la première fois qu'il me parle aussi gentiment. Mais je n'ai pas le temps d'y faire attention.
Je secoue la tête pour lui dire que je n'en aurais pas la force. Il m'attrape les jambes et passe une main dans mon dos pour me porter. Je crois que nous avons marché longtemps avant qu'il me dépose dans l'herbe. Il s'accroupit et se penche au-dessus de moi :
- Tu va y arriver, tu as fait le plus dur.
Immédiatement, après qu'il m'a dit ça, je sens la douleur fuser de partout. Ma mâchoire se déboîte, mon nez est comme fracturé. J'ai l'impression que l'on m'a ouvert la boite crânienne pour frapper sur mon cerveau. On entend un énorme « crac » et je me rends compte que mes côtes se sont pliées en deux vers l'intérieur. Puis, tout se calme. Feii est toujours à mes côtés, et pose un regard encourageant sur moi.
La pause fut de courte durée. De nouveau, on essaye de rentrer mes cuisses dans le reste de mon corps, on tire sur mes pieds et mes mains pour arracher mes chevilles et mes poignets. Ma tête, elle roule cruellement entre les mains d'un enfant qui fait de ma cervelle un bout de pâte à modeler. A force de ces distorsions, ma peau tire tellement fort que je suis presque sûre qu'elle se soit déchirée à certains endroits.
C'est tellement douloureux que je veux mourir.
Des gémissements incontrôlables sortent de ma cavité buccale à peu près toutes les secondes. Mes cheveux, collés à un mélange de transpiration, de bave, de sang, et des espèces de larmes colorées qui sortent de mes orbites, semblent disparaître progressivement. Je suis presque sûre que j'aperçois mon nez bien au-delà de ce qui devrait être.
L'herbe, d'ordinaire si douce au toucher, me fait l'effet de braises ardentes au contact de mon épiderme meurtri.
Puis, c'est comme si l'on m'enfonçait des aiguilles, une dans chaque pore de la peau.
Et tout s'arrête.
Feii me murmure :
- C'est fini, maintenant. Repose-toi.
Il n'eut pas besoin de le répéter, je fermais les yeux.
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Sul'Een T1: Les Sanglots De L' Âme
ParanormalNinah est une jeune fille qui ne connait pas ses origines. Après le décès de sa grand-mère, elle et ses parents déménagent dans une petite ville, où elle fait connaissance avec la mystérieuse Marine ainsi que son frère. Mais qui sont t'ils vraiment...