Sul'Een T1: Les Sanglots De L' Âme

31. L'entretien

Feii

Les rayons lumineux, filtrés à travers les larges feuilles des arbres, indiquent que c'est le milieu du jour. La sueur de l'effort a trempé ma peau, et mes mains moites peinent à tenir la lame tranchante que Yeel m'a donné. Je ne comprends pas pourquoi il veut absolument que j'apprenne à utiliser ce genre d'armes. Je suis bien meilleur à mains nues, que ce soit à deux ou quatre pattes. En utilisant ces outils, je perds tout le temps contre Veenyr, et Nelluna n'en rate jamais une pour se moquer de moi. Je la déteste. Elle est jalouse de moi, parce qu'elle ne gagne jamais quand nous nous battons. Heureusement, cette fois, je me retrouve contre mon cousin, qui ne nous rejoint que très rarement. Peu d'enfants participent avec nous aux séances intensives d'entraînement. Ils préfèrent aider leurs parents dans leurs tâches quotidiennes, et savoir chasser leur suffit amplement. 

Moi j'aime me battre, ça m'occupe. 

Mon adversaire charge dans ma direction en lâchant un cri de guerre minable. J'esquive aisément sa manœuvre, attrape sa jambe, et le plaque au sol pour la cinquième fois de la matinée. Il fait la moue, et se relève en époussetant ses jambes de la terre qui colle à sa peau. Je me prépare à un nouvel asseau, mais Yeel nous fait signe d'interrompre le combat. Je le rejoins au pied d'un arbre avec les autres. Je pose mes armes, et frotte mes mains sur le tissu qui recouvre mes hanches. 

J'irai bien piquer une tête dans la cascade, cet après-midi, histoire de me rafraîchir un peu. J'espère secrètement que Nelluna n'y sera pas, elle qui y passe presque toutes ses journées. 

- Feii, j'aimerais que tu sois un peu plus gentil avec ton cousin. Il n'a pas autant de temps que vous pour s'entraîner. 

Yeel me réprimande, encore une fois. Mais je sais qu'il m'aime bien. Ce n'est pas de ma faute si ce qui me sert de cousin est nul. Il n'a qu'à réfléchir avant de me foncer dessus comme un débile. Malgré tout ce qu'on me dit sur lui, il n'a pas l'air d'être si intelligent. 

- Demain, je pars pour la grande chasse de la saison, alors il n'y aura pas d'entraînement jusqu'à la prochaine lune, si tout se passe bien.

Je jette un regard noir à mon instructeur. Je vais encore passer mes journées à traîner dans la forêt, et dénicher toutes sortes de petites bêtes. Je n'ai pas envie de jouer à grimper dans les arbres avec les autres, et encore moins d'aider ma mère pour les préparatifs de la nouvelle lune. Heureusement, je n'aurais qu'à attendre trois ou quatre jours. Après s'être excusé, Yeel nous laisse partir. Nelluna s'en va avec un garçon, en lui attrapant la main. Ce n'est pas le même qu'hier, il me semble. Mais bon, j'ai arrêté de regarder quand elle changeait d'amoureux il y a bien longtemps. Quelqu'un viens chercher mon cousin, et je quitte l'endroit dans une direction opposée. J'aurais pu accompagner Veenyr, mais même si je m'entends bien avec, je n'ai pas envie de rester avec lui. Je préfère être seul. 

Je prends le chemin de ma cabane. Je souhaite de tout mon cœur que ma mère n'y soit pas. Depuis qu'elle est revenue, Yeel m'a obligé à habiter avec elle. Avant, j'étais bien avec mon instructeur, il ne m'embêtait jamais, ni ne me disputait quand je faisais des bêtises. Il m'avait pris sous son aile il y a presque six ans, lorsque la femme qui m'avait donné la vie m'avait lâchement abandonné. Et voilà qu'elle débarque comme une fleur, croyant que je lui ai pardonné, que je vais l'aimer comme un enfant sage. Je la déteste, elle aussi. Beaucoup de personnes de la colonie sont d'accord avec moi, mais elle ne part pas. Je lui ai pourtant fait comprendre que je n'ai pas besoin d'elle. Tout ce qu'elle a trouvé à dire, c'est "je suis désolée, je vais rattraper mes erreurs" mais moi je ne veux pas. Je ne veux pas qu'elle me fasse un sourire faux tous les matins, en faisant semblant de s'intéresser à moi! 

Je donne un coup de pied dans une pierre qui roule jusqu'à ma petite sœur. Elle me sourit, avec ses petites dents blanches, et ses yeux bleu trop clairs.