Partie sans titre 22

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Je sortais de l'hôpital, la tête encore remplie des indications du médecin « Vous commencerez à saigner d'ici trois ou quatre heures, le temps que la pilule face effet, ensuite, d'ici cinq à six jours, vous reviendrez me voir pour qu'on fasse une autre échographie afin de s'assurer que tout s'est bien passé. Si d'ici demain matin vous n'avez toujours pas saignée, revenez me voir, sans rendez-vous cette fois, je vous donnerais alors une dose plus puissante... »

Les larmes amères couraient sur mon visage. J'étais bien comme celles de la salle d'attente, triste et froide.

Je repérais la veste rouge de Castiel un peu plus loin, il était adossé contre un arbre, sa moto garée à côté. Je me rapprochais de lui comme un zombi. Quand je levais la tête et croisais son regard de chien battu, mon cœur s'arrêta un instant de battre.

Qu'est-ce que j'avais fait ?

Alors qu'il allait me prendre dans ses bras, je le repoussais violement, pris appuie sur l'arbre d'une main alors que de l'autre j'enfonçais deux doigts au plus profond de ma gorge.

Mes nausées matinales combinées à ce geste contre-nature me donnèrent de violents haut le cœur suivis peu après de vomissements...

Là, sur le sol, la pilule bleue assassine ne ferait plus de mal à personne et certainement pas à mon bébé !

Quand enfin mes haut le cœur cessèrent, je me rendis compte que Castiel me frottais le dos pour m'aider à me calmer.

Je me retournais pour lui faire face, mon visage défiguré par les larmes et l'émotion...

-JE NE PEUX PAS !

C'était un cri de douleur, de souffrance, mais aussi de libération. Le cri de la vie en quelque sorte. Puisqu'à cet instant précis, je me suis sentie mère pour la première fois.

Castiel écarta les bras pour m'accueillir contre son cœur. Je m'y jetais à corps perdue, effrayée de ce qui s'était passé, peut-être encore plus que de ce qu'il allait se passer.

J'avais l'impression de n'avoir fait que pleurer depuis des jours, moi qui avant étais tellement fière de mon self-control, tout ça a été jeté aux orties, balayé par l'amour.

Une fois enfin calmée, je sortais de mon sac une bouteille d'eau, me rinçais la bouche et le visage puis me séchais avec un mouchoir en papier. Cast à mes côtés n'avait pas prononcé un mot. Il me tendit mon casque et je montais derrière lui. Je fermais les yeux et le laissais me conduire, bercée par les mouvements de la route, la chaleur de son corps. Les yeux fermées, je commençais à penser à cette vie en moi, que je n'avais pas voulue voir en face jusque là. Ce bébé qui serait bientôt le mien.

Une résolution nouvelle, une force que je ne me connaissais pas m'envahie alors. Quoiqu'il arrive, j'aurais cet enfant !

La moto s'arrêta, j'ouvrais les yeux, nous étions à la plage. Je pensais qu'il me ramènerait à la maison.

J'enlevais mon casque, le posais sur la moto alors qu'il faisait de même. Pris la main qu'il me tendit.

Je le suivais un peu perplexe, mais je n'avais pas la moindre envie de briser ce moment de tendresse entre nous.

Je m'asseyais à ses côtés, me glissais contre son flanc alors que son bras m'attirais à lui.

-Tu as pris la bonne décision Thèm.

Bah voilà, je pleurais de nouveau.

-Mais comment on vas faire, il y a le lycée, les concerts, l'album... Je ne veux pas tout gâcher...

-On se débrouillera.... Tu pense pouvoir aller jusqu'au bout du premier contrat ?

-Bah... Ouais... Enfin si je tombe pas dans les pommes à chaque fois que je monte sur scène...

-Alors on verra après le premier contrat, avec ce qu'on touchera, on pourra au moins se trouver un appartement à acheter, après... ça dépendra de l'agence.

-Mais...

- Ecoute Thèm, te met pas la rate au court-bouillon ! De toute façon, si on a signés, c'est grâce à toi, si les autres sont pas contents on s'en fout !

-Vas falloir le dire aux parents....

Mon Castiel si sure de lui à l'instant devient d'un seul coup blanc comme un linge.

-Ils vont me tuer...

-Moi les miens vont me laisser tomber, comme d'hab...

Il me serra plus fort contre lui.

-Y'a qu'un moyen de le savoir. Viens, je te ramène à la maison.

Je le retenais par la manche de sa veste.

-Restons encore un peu... Je veux faire une pause avant d'avoir d'autres problèmes sur le dos...

Il me regarde avec ce sourire en coin que j'aime tellement.

-ça serait pas plutôt sur le ventre ?

Je lui file un coup de coude dans les côtes alors qu'il se met à éclater de rire. Je me mets à rire moi aussi, finalement soulagée d'avoir pris la bonne décision, et surtout soulagée de le voir toujours à mes côtés comme il me l'avait promis.

En le dévisageant, je devenais d'un coup plus sérieuse. Je me penchais vers lui et l'embrassais.

-Je t'aime Cast...

Il me rendit mon baiser, tout en douceur.

-Je t'aime aussi Thèm. Allez, rentrons, il faudrait pas que tu attrape froid.

Je ne m'étais pas rendu compte que le reste de la journée avait passée durant notre ballade. Alors que je me levais, mon ventre fit un espèce d'énorme gargouillis vraiment pas classe. Je rougissais alors que Castiel éclatait de nouveaux de rire.

-Je crois qu'il va falloir te nourrir un peu avant de rentrer, sinon tu vas finir par me bouffer !

J'enfilais mon casque sans dire un mot pour dissimuler mon visage écarlate et le laissai me conduire à une baraque à frite pas très loin de la plage avant de rentrer à la maison.

Lorsque nous rentrions Castiel et moi, ses parents étaient déjà couchés. Le lendemain serait un début de week-end, alors on aurait aucun mal à leur annoncer dans la journée.

Epuisée, je m'allongeais à ses côtés dans son lit. Mon dos contre son ventre, son souffle sur ma nuque, un bras protecteur glissé autour de ma taille. La sensation était vraiment étrange. Je me sentais à la fois sereine et terriblement angoissée.

Je repensais à tous ce que nous avions déjà partagés lui et moi. A ces moments de complicités uniques qui nous unissaient. Je ne doutais pas un instant qu'il serait un bon père, mais moi, est-ce que j'arriverais à aimer cet enfant ? Quand je vois la relation tendue que je peux avoir avec mes parents, je m'interroge... On reproduit souvent les mêmes schémas familiaux...

Je me retournais pour voir le visage de l'homme que j'aimais. Il était endormi, un léger sourire restait figé sur ses lèvres. Je posais la main sur son visage, le dévisageant, cherchant dans ses traits l'enfant qu'il était, me demandant à quoi ressemblerait celui qui grandissait en moi. J'avais du mal à comprendre pourquoi les gens le trouvaient difficilement abordable, Castiel avait un sacré caractère, mais il a toujours été tendre envers moi.

Je fermais les yeux, le sourire aux lèvres, alors que dans ma tête l'image d'un enfant espiègle comme nous l'avions été prenait forme.

Elle s'appellera Lilly.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant