Les larmes de mascara

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Ce soir, je fête mes dix-sept ans, et vous pouvez compter sur moi pour que cette fête soit d'enfer. Mes amis et moi on sait mettre l'ambiance de toute façon.

Tout est prévu. Je dois retrouver Sophie dans l'après-midi pour qu'on aille essayer des robes et acheter de l'alcool avec nos fausses cartes de crédit. Normalement, Thomas, mon copain, nous rejoindra et on rentrera chez moi.

Là, il va falloir mettre en place les ballons et cuisiner les apéritifs. Je sais plutôt bien cuisiner, du coup je m'en charge. La musique est déjà décidée et les enceintes placées, tout est mis en oeuvre pour que ce soit une fête démente.

Les adultes ou les autres trouveraient surement tout ça ridicule et totalement irresponsable, et ils ont peut être raison après tout, mais est-ce important ? Lorsque la musique retentit et que nos corps se rencontrent sur la piste, nos soucis s'envolent et épousent la pop et les percussions. Chaque verre d'alcool nous envoi vers un bonheur certes éphémère mais intense, que nous cherchons tous à obtenir.

Ca ne mène a rien de se soûler, de fumer à en avoir la tête qui tourne et les pupilles dilatées, mais c'est ce qui nous permet de changer de monde, l'espace d'un temps. Je ne prône en rien cette conduite et sait qu'elle est plus que nocive, mais que faire d'autre ? On pleure des larmes de mascara dans les salles de bain en se moquant de nos ex et en prenant des photos pour les réseaux sociaux. C'est la nouvelle adolescence, les nouveaux bonheurs.

Ce soir, je passe un cap, je grandis et m'éloigne un peu plus de l'innocence. Cette expression est tellement drôle : « l'innocence de la jeunesse ». Celui qui a dit ça n'a certainement pas été un adolescent en 2016. Les rumeurs et les amours coulent à foison et on agit comme des idiots alors qu'on sait très bien ce qu'on fait, au final.

Les coeurs brisés se retrouvent pour danser, les incompris se rejoignent dans l'alcool. Je suis la première à crier les paroles de mes chansons préférées en boîte ou à prendre en photo mes copines quand on sort, parce que si on ne célèbre même plus ces petits bonheurs, qu'est ce qu'il nous reste ?

On est les jeunes dont vos parents vous ont averti. On est ceux qui n'ont pas les meilleures notes, qui se perdent mais ne se retrouvent pas et qui ne croient pas en eux. Pourtant, un sentiment d'amour pour la vie flotte dans les airs et les fumées de nos cigarettes. Quand on se retrouve en classe ou qu'on discute sur les terrasses des cafés nos âmes tourmentées sont apaisées.

Allez faire comprendre aux adultes les problèmes de nos générations. Il n'y a qu'à regarder nos séries. Sérieusement, qui pense que l'adolescence se passe comme dans Soda ? Je suis admirative de cette non-importance qu'on nous donne, à nous les jeunes, parce que justement on est trop petit pour comprendre la vie. Si vous voulez mon avis, les adultes auraient beaucoup à apprendre de nous s'ils se donnaient la peine de nous écouter.

Alors oui ce soir je fête mon anniversaire mais c'est bien plus que ça. Cela va au-delà de la parfaite tenue et de la meilleure musique. C'est une ode à la jeunesse, à notre monde que personne ne peut comprendre et qui ne nous appartiendra bientôt plus. C'est une célébration de cette fille qui boit pour oublier et de ce garçon qui fume pour se rappeler, de ces groupes qui commèrent pour ne pas avoir à penser à la réalité ou ce type qui souhaite que tout le monde comprenne qui il est alors que lui même ne le sait pas.

C'est la consécration de notre quotidien.

Morceaux d'adolescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant