Tout en replaçant sa perruque rouge vif, Analisa se regarda dans le miroir. Ce soir, un gosse de riche de son lycée donnait une soirée sur le toit d'un immeuble du centre-ville et elle faisait partie des quatre-cents et quelques invités. Généralement, elle n'allait pas dans ces endroits où tout le monde se bourre, se drogue et couche avec des inconnus mais ce soir, elle voulait changer. Ne plus être la Analisa que personne ne remarquait, dont les rêves étaient trop complexes et les histoires trop peu intéressantes. Ce soir, elle serait Ana, et personne ne la reconnaitrait.
Replaçant les paillettes sur son visage et le rouge sur ses lèvres, elle sorti du taxi pour atterrir dans ces lieux où tout lui était inconnu. Il était 22h et tout semblait fait pour que la soirée se passe bien. Dans l'ascenseur, Ana tenta vainement de cacher les quelques mèches blondes qui dépassaient de sa perruque. Elle aurait presque eu envie de rire d'elle même tant cette attention qu'elle portait à son physique lui ressemblait peu. Mais ce soir elle était Ana.
Quelques filles alcoolisées la saluèrent et lui offrirent une cigarette à l'arrivée sur le toit. Elle l'alluma et eut l'impression qu'elle venait de s'empoisonner tant la fumée lui brula les poumons. Mais elle reprit plusieurs taffes, tout en avançant sur le toit bondé. D'ici, la ville illuminée semblait magique, d'une magie rassurante qui semblait la comprendre. Elle se sentit un peu moins seule à cette vue. Ne reconnaissant personne (et personne ne la reconnaissant), elle se dirigea près du bar et se servit une coupe du champagne.
« A la tienne ! » lui lança une voix.
Se retournant, elle découvrit un garçon qu'elle ne connaissait pas.
« Plutôt sympa, ton look » ironisa t'il
Elle était coiffée de rouge certes, mais avait choisi une robe qui allait aux antipodes de la basique qu'elle était normalement : froufrous, paillettes et provocation. De longs talons ornaient le tout, bien qu'ils soient trop longs (elle les avait pris à sa mère). Elle semblait tellement opposée aux autres de la soirée, habillés sobrement de marques qu'elle ne pourrait jamais s'offrir.
« Merci, je l'ai justement fait pour qu'on m'aborde au bar alors que j'essaie de profiter seule de mon verre »
« Ah, sarcastique en plus de ça... Comment tu t'appelles ? »
« Anali... Ana »
Tout semblait tellement surjoué, tellement différent... Et la façon dont ce garçon la regardait comme un morceau de viande lui donnait de plus en plus envie de quitter la soirée.
« Tu veux aller discuter plus tranqui... »
« EHHH ! Comment tu vas chérie ? » cria une voix derrière Ana, la tirant loin du bar.
S'éloignant du garçon, elle se retrouva face à une fille habillée d'une manière vintage et tenant une cigarette à la main. Elle lui expliqua qu'elle connaissait la réputation de celui qui s'appelait Michaël et qu'elle n'aurait pas fini la soirée toute habillée si elle l'avait suivie.
« Oh... merci, du coup » souffla timidement Ana
« T'es pas d'ici toi, hein ? Ca se voit à tes yeux »
En réalité, si, elle était bien d'ici, mais tellement différente qu'elle aurait tout aussi bien pu vivre dans un autre pays. La jeune fille, qui s'appelait Sophie, l'invita à venir s'asseoir sur des transats posés à l'extrémité du toit.
« Je n'aime pas cette soirée. Je devais venir voir Camille, ma meilleure amie, mais elle est depuis le début dans le jacuzzi avec Stéphane, du coup je me suis enfilée seule deux bouteilles de Rhum, si tu vois ce que je veux dire » déclara t'elle immédiatement après s'être allongée.
Ana ne comprenait pas. Comment pouvait-elle se plaindre d'avoir la vie qu'elle même rêvait d'avoir ?
« Et puis tu sais, au lycée, je me sens tellement seule »
« Moi aussi, si tu savais » répondit honnêtement celle dont la perruque commençait à tomber.
Elles ne cessaient de boire à pleines gorgées dans les bouteilles qu'elles trouvaient près d'elles. Ana commenca à parler de son père qui l'avait toujours battu et de comment elles s'étaient réfugié dans les livres, ses seuls amis. De comment elle trouvait les gens de la soirée superficiels, pris dans leurs mondes de faux problèmes et d'amitiés en carton. Elle avoua de ô combien elle craignait tous ces populaires tout en rêvant d'être eux, de comment elle changeait de trottoir quand elle les croisait et de cette façon qu'elle avait de se sentir si impuissante face à ceux qui avaient toujours tout eu.
« Tu sais quoi, Ana ? Lundi, appelle moi. Voici mon numéro. Tu viendras avec nous. On te montrera la ville, on t'intégrera. Personne n'a à se sentir triste et rejeté comme ça. Je te promet de tout faire pour changer ça »
Ana senti son coeur accélérer : une nouvelle vie lui était offerte par Sophie. Elles discutèrent alors des heures durant, Ana s'ouvrant à sa nouvelle amie à coeur ouvert. Derrière ces deux énergies, les lumières de la ville reflétaient les nouvelles promesses qui l'attendaient. Le vent glissa dans sa perruque et la musique monta de plus en plus fort.
Quand Analisa se réveilla le lendemain, la tête lourde et la bouche sèche, elle n'eut aucuns souvenirs de comment elle était rentrée ni de la fin de la soirée. Prenant peu à peu ses esprits elle se saisit immédiatement de son téléphone, cherchant le numéro de Sophie à la va-vite. Elle lui offrait une nouvelle vie.
Quand Sophie décrocha, Ana réalisa que sa perruque avait disparu.
« Oui ? » demanda Sophie
« Sophie, c'est moi ! Ana ! Tu es bien rentrée hier ? »
« Ana ? Ah... Ecoute, hier était sympa mais j'ai retrouvé Camille maintenant et on a réalisé que l'on ne veut pas des gens comme... toi parmi nous. Mais merci pour le passe-temps ! A plus »
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Morceaux d'adolescence
ContoRecueil de (très, très) courtes nouvelles sur l'amour, la jeunesse, l'art, les doutes et l'amitié.