Bleeding Scars [Vkook]

Prologue

Allongé dans l'herbe, alors qu'il laissait le vent jouer avec ses cheveux châtain, le regard d'un jeune homme se perdait dans les profondeurs et l'obscurité de la voûte céleste parsemée d'étoiles scintillantes.

Cela faisait des heures qu'il était là, étendu sur le sol, immobile,les yeux levés vers le ciel. C'était une habitude. Tous les jours après les cours ou tout simplement, une bonne partie de son temps libre, Jungkook venait ici et se couchait dans la prairie, le regard vide de toute émotion, pour attendre la venue de la nuit, dans un silence absolu.

Jamais un son ne s'échappait de ses lèvres. En réalité, aucun son ne sortait plus de la bouche du garçon depuis bien longtemps. Après son quatrième anniversaire, il n'avait jamais plus prononcé un mot. Personne ne savait pourquoi. Depuis qu'il avait refait surface devant la porte de chez lui, tout crasseux, la peau sur les os, le corps affreusement meurtri et les vêtements en lambeaux, en janvier après un an de disparition pendant lequel ses parents l'avaient cherché sans relâche, il n'avait jamais parlé. L'enfant avait grandi muré dans le silence. Et il semblait toujours absent, ses yeux noirs dans le vide. Il semblait si loin, dans un autre monde, le sien.

Pendant un temps sa famille avait tenté par tous les moyens possibles et imaginables de lui faire émettre un son à nouveau et lui rendre son sourire et son énergie, mais un jour ils s'étaient résignés, et plutôt que de récupérer leur ancien Jungkook, avaient choisi d'avoir un autre enfant. Ils continuèrent bien entendu de s'occuper du muet, de l'envoyer à l'école, de le nourrir, de le vêtir, mais abandonnèrent l'idée de lui faire retrouver sa voix, et le laissèrent dans sa solitude.

Ainsi plus personne ne s'inquiétait pour lui alors qu'il ne rentrait pas après l'école. Ses parents ne s'alarmaient plus, ils savaient depuis le temps où le garçon se rendait, et bien qu'ils ne comprenaient aucunement son comportement, le laissaient faire pour se consacrer à sa joyeuse et adorable petite sœur Kyungae. Mais cela ne dérangeait nullement Jungkook, au contraire. Il aimait le calme. Il aimait la solitude. Il aimait la nuit. C'était beau. Quand il la contemplait, il se sentait bien. Apaisé. Le reste du temps, il ne se sentait pas bien du tout. Pour autant, il n'était pas heureux. Il était juste calme, tranquille. Oui, c'était ça le mot : apaisé.

En fait, au tout début, après son retour, le garçon n'avait pas pu se rendre à l'école : la présence d'êtres humains autres que ses parents le mettait dans une terreur sans nom. Les différents médecins et ses parents avaient cherché la raison de ces crises, en vain. Enfin, on supposait évidemment que le jeune garçon avait vécu un terrible traumatisme pendant sa disparition, mais il était impossible de déterminer ce que c'était et de le soigner. Cependant, avec un peu de temps, il lui était devenu possible de se contrôler en présence d'humains, il ne faisait plus de crises, mais elles s'étaient transformées, pour Jungkook, en une angoisse perpétuelle qu'il parvenait à contenir en lui-même.

En cet instant, étendu dans l'herbe fraîche sous le ciel étoilé, Jungkook avait vingt ans. Il observait la course des nuages et appréciait la lueur argentée de la lune, toute ronde, sur le fond bleu presque noir. Il ne pensait à rien. Rien d'autre que l'immensité sombre au-dessus de lui ne comptait. Il n'entendait pas les feuilles des arbres proches frémir au gré du vent, ni le passage des voitures sur une route au loin, totalement coupé du monde. Une seule pensée traversa son esprit et ne le quitta plus : rester éveillé, à tout prix. Bien que la nuit l'apaisait d'une certaine façon, elle le terrifiait aussi, plus que tout.

***

Dans la ville la plus proche, un garçon descendait d'un train, traînant sa lourde valise derrière lui. Une fois sur le quai, il détailla attentivement les alentours d'un coup d'œil circulaire et enjoué. Il leva la tête et prit une profonde inspiration en levant les yeux vers le ciel noir, il esquissa un sourire, puis s'avança d'un pas assuré vers la sortie de la gare.