Chapitre 19 - Au delà des à priori

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Le concert touche à sa fin, je remercie le mini public et relaye mon micro à la première main que je vois.

Elle a disparu de mon champ de vision, et j'ai la nette impression qu'elle est en train de se faire la malle. Je quitte alors rapidement la pièce où l'air se fait rare, et la distingue parmi quelques personnes, longer le couloir.

J'accélère le pas pour la rattraper avant qu'elle ne pénètre dans l'ascenseur.

- Tu comptais partir comme une voleuse ?

Elle se retourne et me jauge du regard, de mauvaise humeur.

- Tu t'attendais à quoi ?

- J'sais pas, tu me snobes depuis des jours, alors je pensais que cette invitation serait une opportunité pour parler.

Son rire contraste avec son aigreur.

- Maintenant tu veux parler ? Tu te foutais pas mal de ce que j'avais à te dire moi, la dernière fois.

- Écoutes...

- J'écoute pas. Vu qu'à tes yeux je ne suis qu'une enfant sans cervelle, laisse-moi me comporter comme tel.

Je soupire et lève les yeux au ciel tandis qu'elle me tourne le dos pour appeler l'ascenseur.

- J'ai pas dit ça, je souffle.

- Tu la pensé très fort.

- Peu importe, je voulais juste que les choses soient claires entre toi et moi. J'voulais pas que tu t'imagines des trucs.

Elle se retourne, d'un air inquisiteur.

- Des trucs ? Genre sortir avec toi ?

- Entre autre.

- Tu crois que t'es le seul mec attrayant de Paname ? Je suis courageuse mais pas au point de me taper un rappeur, je te rassure. Vous n'êtes qu'une bande de beaux parleurs.

Je préfère ne pas répliquer pour ne pas accentuer sa colère. Je ne pensais pas qu'elle serait aussi rancunière. Bien au contraire, j'ai eu la naïveté de penser qu'en faisant un énième pas vers elle, elle serait prête à tirer un trait sur notre précédent échange délétère.

Mais j'étais à côté. Elle n'a pas l'air prête à discuter, et peut-être qu'elle ne le sera jamais. Alors ma fierté préfère s'en mêler, elle en a marre de se faire rabaisser.

- Si t'es venue ce soir, c'était quand même pour me voir, alors tu peux faire la meuf busy autant que tu le veux mais le constat est là.

Elle se retient de sourire en aspirant ses joues, puis croise ses bras sur sa poitrine avant de répliquer.

- Je suis venue pour Esso.

Ses paroles foncent tout droit vers mon égo qui se dégonfle crescendo.

La raillerie se lit dans son regard et son sourire suborneur m'indiquent qu'elle éprouve un malin plaisir à jouer avec moi.

Sa provocation est perceptible dans ses mots et sa posture. D'ailleurs elle se retourne une ultime fois pour me poster son postérieur.

- Pourtant c'est moi que tu regardais.

- C'est toi qui étais mis en avant, j'allais pas fixer le mur.

- Pourquoi tu refuses d'avouer que t'es venue pour moi ? Je demande, taquin.

- Pourquoi tu veux à tout prix que je t'avoue un mensonge ? Elle réplique, du tac au tac.

- Arrête de fuir mon regard et peut-être que je te croirai.

Elle soupire à son tour, longuement mais ne bouge pas.

Je prends alors l'initiative de me mettre face à elle, en lui bloquant par la même occasion, le passage à l'élévateur.

- Tu sais, le fait que tu reviennes à moi comme ça, c'est flatteur.

Je fronce les sourcils, m'apprêtant à rétorquer mais elle reprend, en me regardant cette fois.

- Mais si tu penses que j'vais te lécher le cul parce que t'as un problème de conscience, tu peux aller voir ailleurs.

Elle se décale et appuie sur le bouton pour descendre.

C'est fou, mais son impertinence m'excède au même point qu'elle me transcende.

Elle me fait sentir comme un daron sans autorité. Je devrais lui répondre aussi sèchement qu'elle, et arrêter de me dégonfler.

Mets ta putain maturité de côté pour la faire taire, m'ordonne ma conscience, éreintée.

Mais je vais la jouer soft et sacrifier ma fierté, pour mieux l'amadouer.

- Je suis désolé.

Elle arque un sourcil.

- Je suis désolé de t'avoir rabaissé à une vulgaire adolescente en rut. C'est la première fois que j'suis confronté à ce genre de situation. J'ai pas su gérer. Pour moi, t'avais réellement quelque chose à gagner en trainant avec moi. Mais à croire que je me suis trompé.

Son regard s'adoucit à vu d'œil et ses paupières papillonnent. Elle a l'air touchée par mes mots.

Je suis aussi perdu qu'elle sur ce que je viens d'avancer. J'ignore si mes mots étaient calculés pour la calmer ou s'ils ont dépassé ma pensée.

- Qu'est-ce que je suis censée répondre ? Réplique-t-elle, suspicieuse.

- Ce que tu veux, je peux même te laisser partir puisque je t'en empêche depuis tout à l'heure.

J'esquisse un demi sourire et m'évince pour partir.

Un pas,
Deux pas,
Trois pas...

- Attends !

Ma conscience me félicite pour la première fois depuis longtemps. Mon pouvoir d'apaisement est décidément encore influent.

De simples mots pour calmer les maux, et la voilà dépendante.

- T'as tellement insisté pour me lire, j'aimerais pas briser ton petit cœur, me dit-elle une fois retourné.

- T'as de quoi occuper ma soirée ? Je demande.

- Pas sur moi, mais quand l'envie de prends, tu connais mon numéro.

- Tu répondras cette fois ?

- Peut-être.

Oui mon gars.

- J'suis débordé cette semaine, j'te capte lundi ou mardi prochain, je l'informe à reculons.

Elle entre dans la cabine, le pouce en l'air avant que les portes ne se ferment et me laissent seul.

J'pensais pas être pressé de la revoir, ni de me prendre d'admiration pour une nana qui a autant de gueule.

TroubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant