Je la vois.
Elle, sa robe bleue marine et ses cheveux châtains. En train d'arpenter les gradins.
Je la vois.
Sourire, après avoir embrassé un homme à sa gauche, pleine d'entrain.
Je la vois.
Retenir ses larmes quand elle monte sur l'estrade et remercier ceux qui étaient là, quand elle n'était rien.
Elle n'était rien. Et maintenant c'est mon tour.
Elle a l'air d'aller bien et d'être heureuse en amour.
Alors qu'elle remercie quelques uns de ses proches, et celui sans qui rien ne serait possible.
J'essaye de lorgner d'où je suis, celui qu'elle prend pour cible,
Mais en vain, elle redescend en prenant soin de ne pas marcher sur sa traine et nous passons à la suite.
Je la vois, retourner à sa place dans les premiers rangs tout en serrant son lingot d'or fièrement.
Je la vois, mais pas elle. Et je me demande ce qui m'a pris de me rendre à cette cérémonie absurde.
Cinq ans que je n'ai pas eu une seule nouvelle, et la voilà qui déambule dans les abysses de cette immense salle avant mon cœur.
Elle est belle comme une fleur. Belle-de-jour, comme de nuit.
Je l'ai reconnue avant même qu'elle aille récupérer son prix.
Et dire que je suis la source de ce film que je n'ai pas osé voir. Une adaptation de sa trahison faite à mon égard. Mais ma haine a eu le temps de disparaître même si son image refait naître des souvenirs et quelques sensations que j'aurais préféré oublier. Mon nœud papillon est d'un coup, bien trop serré.
Je m'excuse auprès des gars et m'évince de cette ambiance qui m'incommode. Etre un pingouin sur une banquise gelée et silencieuse n'est décidemment pas fait pour moi. Le vigil est perplexe mais me laisse tout de même sortir. J'emprunte la première issue de secours et sors de ma poche un pilon que je tire.
Chaque taffe a pour objectif d'apaiser mon mal être soudain mais elle ne le fait qu'à moitié.
J'ai envie de tout casser mais au lieu de ça, je me mets à rêvasser.
Des souvenirs d'antan que je me surprends à ressasser.
Une bouille d'enfant qui s'est indéniablement surpassée.
- Bonsoir.
Je jette mon joint et arbore un air lassé. À peine surpris, il fallait bien que je me fasse rattraper par mon passé.
- Bonsoir.
Je ne l'entends pas durant quelques minutes, je me demande presque si elle est partie.
- Je ne pensais pas te trouver ici.
- Arrêtes tes phrases pré-faites, on n'est pas dans Trouble.
Elle s'approche pour se trouver à ma droite.
- Félicitations, je lâche finalement.
Elle ne répond pas tout de suite et je sens mes mains devenir moites.
- Tu me détestes toujours autant ?
- Je ne te déteste pas.
Je profite du silence pour chercher mes mots mais elle me devance, maladroite.

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Trouble
Fanfiction« Cette gamine dépasse les bornes, elle est butée, bancale et hardcore mais je lui trouve un petit charme sur les bords. »