Chapitre 24 - Avenir incertain

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- Bonsoir, souffle-t-elle.

- Salut, répond Bigo en premier, alors c'est toi sa nouvelle go ?

Je masse frénétiquement mon front, soudainement malaisé.

Il faut toujours que ce bouffon dise un truc déplaisant.

- Euh, non... je... Balbutie-t-elle.

- C'est bon je rigole, bonne soirée. Il sort et la dépasse avant d'ajouter. Sors couvert Jazzy.

- J'compte pas sortir.

Je soupire et lui propose d'entrer. Le barbu grisonnant resté derrière grimace et me fais un enchainement de signes que je ne comprends absolument pas.

- Annule la mission, j'arrive à lire sur ses lèvres. Je répète, annule la mission avant que les flics viennent faire une perquiz'.

La porte que je lui claque au nez en guise de réponse résonne en un violent fracas.

Céleste s'enfonce dans le salon à tâtons et se retourne pour enfin me regarder. Elle annonce d'un ton las.

- Je suis désolée.

Elle tape nerveusement du pied comme si ces mots lui avaient arraché un bras.

- J'suis foncedé, ou tu viens réellement de t'excuser ?

Elle lève les yeux au ciel mais ne répond pas.

- Pourquoi tu t'excuses ?

- J'tai traité comme un malpropre la dernière fois. Alors que... Tu ne le méritais pas.

- La dernière fois... C'était il y a un mois quand même.

- Vingt six jours précisément, j'suis encore dans les temps.

Elle s'approche du canapé et me demande la permission du regard, que je lui octroie d'un geste de menton.

- Je sais que tu dois prendre ça pour du foutage de gueule. J'ai pas le droit de t'envoyer chier puis de revenir comme si on s'était quittés la veille. Mais j'avais besoin de réfléchir, sur tout ça.

- J'pige pas, avoué-je, sincèrement.

Elle soupire tout en fermant les yeux, et lève la tête comme pour implorer les cieux.

Qu'est-ce qu'elle pourrait demander à Dieu ? Une excuse valable ou du courage pour un aveu ?

J'ai un peu de mal à la suivre, alors je la détaille en deux deux.

Ses cheveux sont attachés, elle porte une parka beige, un jean et des bottes fourrées. Un style simple que je ne l'ai jamais vue arborer.

Elle ressemble à une poupée.

Son teint porcelaine et ses joues rosées par la gêne accentuent son air coquet.

- Tu ne me laisse pas indifférente, Jazz. Finit-elle par déclarer.

Elle fixe désormais le sol, comme si sa révélation l'avait désarmée.

- Tu me vois comme une ado attardée qui fume des joints en cachette, je le sais que ce n'est pas l'image idéale et que tu recherches sans doute un modèle féminin plus mature et élancé mais...

Elle s'arrête et humidifie ses lèvres gercées.

Debout devant elle, je la regarde lentement s'enfoncer.

- Mais c'est moi ! Je suis peut-être jeune, trop jeune pour toi, mais ça ne t'as pas empêché de m'apprécier. T'as fait une tonne de choses pour moi que tu aurais pu refuser, et la dernière fois quand tu m'as repoussée mais que t'es revenu, j'ai compris...

Nos regards se croisent enfin.

- Il se passe quelque chose entre nous, tu ne peux pas le nier.

C'est la fin.

Elle a avoué.

Elle cherche à s'évincer mais je ne compte pas rester sur ma faim.

- Ça veut dire quoi ça, qu'est-ce que tu cherches ? Je demande.

- J'en sais rien, ton ressenti vis-à-vis de tout ça, peut-être ?

- Tu veux savoir si j'ai envie de m'engager ?

- Non, je veux savoir si tes sentiments sont partagés.

Elle se mord la lèvre et espère par son regard pathétique me soutirer une réponse sympathique.

Sûrement, je n'en sais rien, je ne sais plus.

- Céleste...

- J'te demande rien de sérieux, Jazz. Rien. Je te demande juste un soir. Un verre, un café autour d'une table. On parle et on voit où ça nous mène.

Elle fourre les mains dans ses poches et conclut.

- Ta fierté occulte la vérité mais tes gestes eux, sont réels. Si tu n'as pas envie de me répondre alors soit, acceptes le café.

Ma conscience jusque-là absente m'ordonne de décliner. Et mon cœur, répond positif de par ses battements frénétiques.

J'ai déjà dû faire face à des dilemmes plus problématiques,

Mais le constat est fatidique.

J'ai envie de la revoir, même si ses mimiques m'emmerdent et que sa désinvolture me nargue.

Même si elle vit encore au crochet de son daron et que son éternel mystère me largue.

Elle a réussi à me donner envie de la connaître d'avantage. Je suis coincé entre le souvenir de ses lèvres et l'éventualité de pouvoir goûter à celles du bas.

Mon esprit pervers m'a devancé, ce qui m'attire vraiment chez elle, c'est l'idée de braver les interdits. Avec elle, je tente un coup de poker et je mise tapis.

Ça marche, tant mieux, ça ne marche pas, tant pis.

Il ne faut pas oublier que je vise deux extrêmes, m'embarquer dans une relation non identifiée et devoir me cacher pendant une belle décennie, ou alors me forcer à l'oublier sans avoir gouté cette parcelle fraicheur consentie.

J'sais pas où me foutre, j'sais pas quoi choisir.

Céleste se lève, prête à sortir.

- Un café, une heure. Et c'est tout.

Elle ne répond rien d'autre qu'un sourire.

Les sept pas qu'elle ébauche pour combler l'espace me font fléchir.

- Ça suffira amplement, puisqu'il faut s'abstenir.

Elle m'embrasse la joue avant de partir.

Et je me frappe le front pour me punir, sachant pertinemment que je vais devoir lutter pour me retenir.

TroubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant