Trouble

Sans titre (2)

2 mois

Point final.

J'ai fini l'épilogue, et je m'apprête à le poster.

Une histoire terminée.

Une page à tourner.

Et pourtant, je ne me sens pas à mon aise.

Je n'arrête pas de penser à lui, à nos soirées et à sa présence qui m'apaise.

Le serai-je encore longtemps ?

Mon histoire est sans gravité, deux, trois vérités étalées, mais rien de scandaleux à déclarer. Mais si tout ça lui parvenait est-ce que je serais prête à assumer ?

Bien trop de questions fusent et s'emmêlent dans mon esprit, que je tente d'évincer par quelques taffes de mon joint déjà entamé.

Il est sept heures. J'ai rendez-vous dans une heure avec la réplique parfaite de Kennedy. Un comble pour un prof d'histoire.

Je n'ai pas dormi de la nuit, je n'ai fait que réfléchir et fumer, bercée par quelques basses et mon envie soudaine de broyer du noir.

J'ai la tête qui tourne, je ne veux pas y aller. Mais je m'efforce d'aller jusqu'à la salle de bain, avant d'une fois de plus, regretter.

Un soupir en entrainant un autre, un shampoing et un jet d'eau brulant, me voilà sortie après une quinzaine de minutes à décompresser.

Je m'habille, laisse la case maquillage de côté pour m'éviter une corvée, et sors, me retrouvant nez à nez avec un vent glacial et révolté.

Je vais attraper la crève, sûrement, mes cheveux sont encore mouillés.

Je cours jusqu'à la bouche de métro la plus proche et souffle longuement, appréhendant d'emblée la journée à venir.

Je n'ai jamais autant apprécié ma professeur d'anglais qui a décidément bien du mal à gérer ses débuts de grossesse. De ce fait, je suis libre à quinze heures.

- Nina ? On m'interpelle.

Je me retourne et souris à Céleste qui me rejoint d'un pas rapide.

- Tu fais quoi ce soir ?

- Rien, je crois.

- Tu viens chez Nat' ? Elle fait une soirée sympa.

- Je verrais.

- Allez, on te voit jamais en ce moment, t'es en dépression ?

- Du tout, je suis juste exténuée.

- Ton père m'a appelé mercredi, il voulait savoir si t'étais chez moi.

- Et qu'est-ce que t'as dit ? M'enquis-je légèrement paniquée.

- Je t'ai couverte, t'étais avec qui ?

J'esquisse un sourire tout en continuant ma route. Céleste accélère le pas tout en attendant ma réponse sans doute.

Je l'aime bien Céleste. Ce n'est pas une grande amie, mais on s'entend bien. Il m'arrive même de l'envier par moments. Elle est belle est élancée, mince mais bien formée. Elle fait du sport et s'entretient, ses résultats scolaires sont plus que satisfaisant... Puis elle, tout simplement elle, en attire plus d'un.

J'aimerai être elle, des fois.

- Quelqu'un fille ? Ou quelqu'un garçon ? Demande-t-elle, un sourire en coin.

- Laisse tomber.

- Comme tu voudras, comptes pas sur moi pour te donner mes cours de maths.

Elle sourit et je limite silencieusement. La sonnerie de mon téléphone nous coupe soudainement.

- Allô ? Je demande prudemment.

- Oui, Nina Morel ?

- C'est moi.

- Bonjour, Olivier Fevre, je dirige les éditions Le cercle point, je ne vous dérange pas ?

Je ralentis le pas sous la prompte lourdeur de mon cœur.

- Non... Non, non, pas du tout.

- Je viens à peine de terminer la lecture de Trouble, que j'ai beaucoup apprécié, j'aimerais vous rencontrer pour en parler, sauf si vous avez déjà signé avec un autre éditeur ?

- Non... Je... Vous êtes les seuls... Enfin les premiers à m'avoir répondu, je rectifie, prise de court.

- Parfait ! Quelles sont vos disponibilités ? Le mardi sept, ça vous irait ?

Je lui demande poliment de patienter et éloigne le cellulaire de mon oreille.

- Qu'est-ce qu'on a le sept ? Je demande soudainement à Céleste.

- Euh... Maths, SVT, Espagnol...

- Y a pas un jour où on a trois heures de maths ?

- Le jeudi en semaine B ?

- Je ne suis pas disponible le sept, mais le jeudi en huit, si ça vous arrange ?

- Très bien. Disons pour dix heures ?

- C'est d'accord, dix heures.

- À dans deux semaines alors.

Je réponds positif et raccroche.

- C'était qui ? Pourquoi tu fais cette tête ? Demande la blonde à mes côtés.

- Tu te rappelles quand je te disais que j'écrivais des trucs pour passer le temps ?

- Ouais, je crois m'en rappeler...

- Une maison d'édition vient de me contacter, je vais peut-être être publiée.

Elle sourit et me prends dans ses bras et je réalise enfin, alors je resserre l'étreinte et saute avec elle.

- Mais c'est génial, Nina ! T'as percé, tu vas devenir célèbre !

- J'sais pas...

- J'veux te lire en première !

- D'accord, dis-je le sourire aux lèvres.

- Il faut absolument que tu viennes à la soirée pour l'annoncer !

- Personne ne doit le savoir pour l'instant.

- Pourquoi ?

Mon sourire s'affaisse et la réalité me rattrape rapidement.

Il faut que je lui dise avant qu'il ne l'apprenne.

Et qu'il m'en veuille, un long moment.