Chapitre 29 - Faux semblants

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La pile de dossiers qui s'amoncelait en bordure de son bureau, et qui menaçait de s'effondrer incessamment sous peu était le cadet des soucis de Simon Fangmeyer. Le loup blanc était trop occupé à la tâche ardue de composer un rapport préliminaire des évènements incroyables que lui avait rapporté son acolyte inattendu, Finnick.

L'appel avait été passé à la hâte, très tôt (ou très tard, question de point de vue), dans la nuit... Il était un peu plus de trois heures du matin lorsque Fangmeyer avait été tiré d'un sommeil agité par le fennec, qui venait tout juste de quitter l'usine désaffectée où se déroulaient visiblement des combats clandestins visant à vanter les mérites inquiétants du Hurleur Sauvage, la nouvelle drogue à la mode, dont on ne parlait que du bout des lèvres, et au couvert de regards gênés.

S'il fallait en passer par une implosion de masse, il n'importait guère à Fangmeyer d'être celui qui allumerait la mèche. Il avait l'impression de travailler au milieu d'une harde de spectres craintifs depuis quelques temps. Les évènements de la Marche pour la paix avaient peut être mis au jour le véritable visage des Gardiens du Troupeau, mais elle avait également présenté le ZPD comme une force prise pour cible par ces terroristes psychopathes... Après tout, c'était plus d'une vingtaine d'officiers, en sus de quelques civils involontairement touchés, qui avaient été directement ciblés par les terroristes, et s'étaient vus malmenés par les effets dégradants du sérum.

Aucun d'entre eux n'avait encore repris le service actif, bien qu'on ait vu commencer à poindre le bout du museau de quelques visages connus, venus en repérage pour tâter le terrain, prendre l'eau du bain, voir comment les choses se profilaient... Il y aurait des traumatismes, c'était certain. Mais en dépit de l'effectif réduit avec lequel devaient composer les forces de l'ordre depuis les attentats, le poste de police principal ne bourdonnait pas de cette activité pétulante et entraînante qui caractérisait l'environnement de ses espaces ouverts et de ses couloirs lumineux. Quelque chose s'était éteint, une chape de plomb étrange, à laquelle tout le monde était sensible, mais dont personne n'osait réellement parler. S'ils avaient tous décidé de faire la sourde oreille, ou de détourner le regard face à ce qui se tramait dans l'ombre, alors il faudrait les obliger à ouvrir les yeux, en leur plaquant directement le paquet sous la truffe.

Ce rapport y aiderait peut être, si Fangmeyer était à même d'y apporter un peu de poids. Pour l'instant, il ne s'agissait guère plus que d'un compte rendu des évènements rapportés par Finnick, le tout entrecoupé d'interrogations, de recoupements et d'interprétations personnelles par rapport à la situation... Retisser un réseau, établir les liens d'intérêt, établir des responsabilités, des priorités dans les filatures, ce genre de choses. Un travail tout à fait non-officiel, mais indispensable aux yeux de l'officier, qui commençait sérieusement à se lasser de voir les criminels jouer tranquillement leur petit jeu dans leur coin, sans s'inquiéter, et encore moins s'alarmer, de ce que le ZPD soit à même d'y mettre son grain de sel. Ça ne se passerait pas comme ça, pas s'il avait son mot à dire. Et il ne se gênerait pas pour provoquer le mouvement, quitte à passer pour l'emmerdeur de service. On le considérait déjà comme pathologiquement obstiné... Il ne risquait rien à coller à l'étiquette qu'on lui avait de toute manière attribué.

Resterait à collecter suffisamment de preuves pour que ce rapport compromettant oblige Bogo à sortir de son mutisme et de son inaction. Le comportement du chef du poste de police principal était étrange depuis que le nom de la Compagnie 112 s'était pressé sur le devant de la scène du crime. Nul doute qu'il en savait plus à ce sujet que ce qu'il voulait bien laisser paraître... Même pas besoin de se montrer suspicieux pour le comprendre, Fangmeyer l'avait compris à son seul regard. Mais il n'aurait pas pensé que la rétention d'informations s'étendrait à une rétention totale d'activité. Bogo resserrait les forces disponibles autour de lui, comme pour transformer les locaux en une sorte de bastion... Son attitude habituellement décontractée, et la façon plutôt désinvolte avec laquelle il donnait suite aux directives du conseil municipal semblaient bien lointaines : le buffle avait peur, et ce sentiment incohérent semblait avoir contaminé tous ses subordonnés. Les flics rasaient les murs, et prenaient tout avec des pincettes, gérant la moindre affaire avec la plus extrême précaution. Un climat lourd et délétère qui lui déplaisait particulièrement. Pas sûr qu'Hopps apprécie d'avantage, une fois qu'elle reprendrait du service. Quant à lui, de toute manière cantonné depuis des jours à un monotone et banal travail de compulsage administratif, on le privait de toute manière par ce seul biais de fureter plus en profondeur dans toutes les directions qui s'offraient à lui. S'il voulait des réponses, il devrait sortir des sentiers battus, et se lancer en solo, avec tous les dangers que représentait l'anonymat... Agir en tant que citoyen, en dehors de ses heures de service, sa plaque comme seule décoration, et son flingue... de préférence bien au fond de son étui, mais à portée de patte.

Zootopie - Une route à parcourir à deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant