Chapitre 11 - Confiance

1.8K 94 30
                                    

« Combien ?! »

La voix de Judy exprimait avant tout de la surprise, mais n'avait pu réprimer une touche d'incrédulité qui se manifestait sous la forme d'un ricanement nerveux. D'accord, l'appartement, ou plutôt le studio, n'était pas si mal. Il était refait à neuf, sa superficie était un peu plus grande que la chambre qu'elle occupait aux logements du Grand Pangolin, il disposait d'une kitchenette, d'une minuscule salle de bain avec toilettes, mais surtout d'un balcon-terrasse, luxe impressionnant s'il en était, bien qu'on puisse difficilement y tenir à plus de deux. Néanmoins, il se situait à la limite de ce qu'elle était prête à accepter en terme de distance géographique avec son lieu de travail. Au-delà des limites de Savannah Central, compter uniquement sur les transports en commun l'obligeait à partir plus d'une heure et demi en avance, en raison de correspondances parfois malvenues, surtout en tout début de journée. Or, on commençait le travail tôt au poste de police principal. Elle se voyait donc mal se lever tous les jours à quatre heures du matin, pour arriver en temps et en heure. De fait, étant donné son emplacement décentré, Judy avait espéré que ce studio rattraperait les désagréments occasionnés par un loyer attractif... Le montant qui lui fut annoncé était tout autre, si bien qu'elle pensa d'abord avoir mal compris. Cependant, l'agent immobilier qui lui faisait faire la visite, une marmotte portant un costume bon marché, qui lui donnait l'apparence d'un vendeur de voitures d'occasion, lui confirma sans la moindre gêne le prix qu'il venait de lui annoncer.

« Oui. C'est neuf-cent cinquante dollars par mois. Charges comprises. Vous ne trouverez pas moins cher dans le secteur. »

« Sauf votre respect, monsieur... » reprit Judy en jetant un coup d'œil affolé à Clawhauser, resté en retrait, et qui affichait à présent une mine dépitée. « ... Ce studio ne fait même pas vingt mètres carré, et il est bien loin du centre-ville. Je ne m'attendais pas à de tels prix... »

La marmotte poussa un ricanement moqueur, qui déplut énormément à la lapine. Le peu de sympathie que le mammifère lui inspirait s'évanouit sur l'instant. « Mademoiselle Hopps... C'est Zootopie, ici. Si vous ne pouvez-vous permettre mille dollars de loyer au minimum, il ne vous reste que deux options. Aller vivre dans les Meadowlands, ou louer dans une résidence communautaire. Il me semble d'ailleurs qu'une chambre est libre aux appartements du Grand Pangolin, si ça vous intéresse... »

« C'est celle que j'ai quitté, justement... » maugréa Judy d'une voix sombre. « Pas étonnant qu'elle soit encore libre, croyez-moi. »

« Eh bien, c'est parfait ! » répliqua la marmotte d'un ton entendu, comme si cette information réglaient tous leurs problèmes. « Dans le pire des cas, vous avez un endroit où retourner. »

« Non mais pour qui se prennent-ils, à pratiquer des prix pareils ? » vociféra Judy en tapant du poing sur la table, faisant bondir le sucrier qui se trouvait près de sa tasse de thé, dont le contenu tangua dangereusement vers les rebords.

Clawhauser lui faisait face, l'air un peu gêné. Ils occupaient tous deux une table dans un salon de thé que le guépard connaissait bien, suffisamment en tout cas pour que les propriétaires des lieux, ainsi que chaque serveur, le connaissent par son prénom, le tutoient, et lui demandent des nouvelles de sa famille. Il avait amené Judy ici dans l'espoir de la détendre suite à cette longue après-midi de visites infructueuses. Clawhauser croyait au pouvoir antidépresseur des douceurs et des sucreries... Et il supposait que son amie en avant plus que besoin, à cette heure-ci.

La journée avait pourtant bien commencé. Après son service, il avait ramené Judy chez Nick pour qu'elle puisse se débarbouiller, changer son pansement, ainsi que ses vêtements, et surtout prendre ses médicaments, puis ils étaient allés chez lui, pour planifier leur après-midi de visites immobilières. Ils avaient passé deux ou trois heures à lister des annonces pouvant convenir à la lapine, mais la plupart d'entre elles n'affichaient pas les prix locatifs, une stratégie commune à Zootopie, pour éviter de faire fuir une potentielle clientèle et générer des coups de cœur à la visite, qui la poussait parfois à aller au-delà de son budget pour accepter une offre irraisonnable. Le monde immobilier de la capitale était un environnement de requins assoiffés d'argent, prêts à toutes les combines pour vendre ou louer aux meilleurs prix. Ils avaient téléphoné aux agences en question pour planifier quelques visites pour l'après-midi, mettant leur plan d'action en marche. Une fois cela fait, Clawhauser avait invité Judy à manger dans un dinner proche de son appartement, où ils proposaient des menus mixtes, pouvant convenir autant aux proies qu'aux prédateurs. Ils avaient beaucoup ri et plaisanté, et l'ambiance bon enfant laissait augurer une journée des plus plaisantes.

Zootopie - Une route à parcourir à deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant