Hier, c'était l'été

Vents contraires (2/2)

Le repas terminé, Julien lui proposa de l'accompagner à L'Arc-en-ciel, le café que Rob et lui avaient l'habitude de fréquenter.

– C'est vraiment un hasard qu'on se soit rencontrés. En général, on va toujours à l'Arc-en-ciel. C'est le seul bar que je supporte. Il n'y a que là qu'on passe de la bonne musique. Mais la semaine dernière, une bagarre a éclaté, alors on s'est réfugiés à L'Embuscade. Et Rob a flashé sur toi...

– C'est dingue ! s'exclama-t-elle.

– Oui. Au fait, ta copine Amandine n'est pas là ?

– Ambre, tu veux dire ? Non, elle m'a laissé tomber.

– Non, Amandine, rectifia Julien. Celle avec qui je suis sorti.

Délia revit soudain la scène. Elle, blottie contre Rob, observant Julien, deux tables plus loin, penché sur Amandine. Sur le coup, elle avait eu pitié d'Amandine, se demandant si elle avait abusé de la boisson au point de devenir aveugle. Elle avait éprouvé un brin de dégoût et d'incompréhension. À présent, une pointe de jalousie lui effleurait la poitrine.

Lorsque Rob débarqua à L'Arc-en-ciel avec deux heures de retard, Délia prétexta qu'elle devait rentrer. Rob lui attrapa les deux mains et se confondit en excuses :

– Je suis désolé. Je n'y peux rien si mon train a heurté une vache. J'ai dû prendre un autre train avec une correspondance. J'ai couru comme un dératé dès que j'ai débarqué. Tu me pardonnes?

Son grain de beauté frémissait au coin de sa lèvre. Délia lui adressa un sourire contrit, tout en retirant ses mains. Elle ne lui en voulait pas. Il n'y pouvait rien. Mais tout avait changé en l'espace de deux heures.

Rob, sans le savoir, était devenu invisible.