Après la pluie... Été, 23 ans

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– Je l'ai eu, je l'ai eu ! hurla Délia en traversant le couloir, atterrissant dans les bras d'Arnaud, nouant ses jambes autour de sa taille. Maintenant, je suis philosophe !

– À mes yeux, tu l'as toujours été, mais c'est super.

Il déposa un baiser sur sa joue.

– Et toi ?

Arnaud relâcha son étreinte, laissant Délia rejoindre le sol. Il baissa la tête, se cachant sous son chapeau :

– Moi, j'ai raté mon année.

– Oh, je suis désolée.

Il ôta son couvre-chef :

– Je vais devoir m'en acheter un nouveau.

– Pourquoi ? Il ne te porte plus chance ?

– Non, mais... (Son visage s'illumina d'un grand sourire.) J'ai été embauché pour jouer le rôle d'Arlequin pendant six mois !

Délia poussa un cri de joie, se jetant à nouveau à son cou.

– Promets-moi juste une chose, demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Tu ne vas pas t'habiller en Arlequin tout l'été ?

– Seulement les quinze premiers jours.

– Dans ce cas, ne t'étonne pas si je marche à quinze mètres de toi, le menaça-t-elle, un sourire au coin des lèvres.

Une heure plus tard, Délia accueillait les débordements enthousiastes de ses deux chiens. Lollipop souffrait à présent d'arthrose – tout du moins c'est ce que prétendait le vétérinaire. Délia, elle, ne pouvait en juger, car sitôt qu'elle franchissait le seuil, Lollipop semblait plongée dans un bain de jouvence et était capable de faire des allers-retours incessants dans les escaliers.

Les chiens à ses trousses, elle pénétra dans la cuisine et constata que la maison était mieux entretenue. Aucune toile d'araignée ne décorait le plafond et seulement trois bouchons traînaient sur le comptoir. Ce devait être l'effet de l'aide familiale. Récemment, elle avait convaincu sa mère de consulter un médecin spécialisé dans les addictions. Délia ne voulait pas se faire trop d'illusions – même si sa mère prétendait vouloir changer, elle disait toujours en être incapable. Néanmoins, il y avait un faible espoir auquel se raccrocher, un faible et rassurant espoir. Au moins, sa mère reconnaissait qu'elle avait un problème, c'était déjà un progrès. Elle ne faisait plus comme si tout cela était normal. Elle s'efforçait même de rester éveillée lorsque Délia était à la maison.

Après avoir discuté un moment avec sa mère et lui avoir montré les résultats de ses examens, Délia monta dans sa chambre. Cela faisait plusieurs mois qu'elle n'y était plus entrée, à cause de la préparation de son mémoire qui réclamait de rester à proximité de la bibliothèque. Elle s'allongea sur le lit, épuisée. Elle portait une jupe couleur glycine et des ballerines blanches qu'elle ôta d'un frottement de pied.

Son mémoire, elle l'avait dédié au thème du bonheur. Sa thèse était que le bonheur de l'homme réside dans ses projets. Ainsi le bonheur est toujours à construire, il n'est jamais donné.

Elle tenta de songer à son avenir, mais elle ne vit pas grand-chose, hormis un jardin fleuri et ses chiens galopant dans l'herbe. Si elle avait un seul projet dans sa vie, c'était celui-là : avoir un jardin. Quand Arnaud lui avait annoncé que ses parents désiraient les aider à s'installer, elle avait répondu qu'elle se fichait éperdument de vivre dans une caravane pourvu qu'elle dispose d'un coin de verdure rien qu'à elle. Mais si les parents d'Arnaud voulaient à tout prix leur acheter une maison, pourquoi pas... Elle planterait des primevères, ces fleurs téméraires qui déploient leurs jupons avant toutes les autres. Voilà pour le projet. Quant à ce qu'elle ferait « concrètement » de son diplôme, elle avait tout l'été pour y réfléchir.

Hier, c'était l'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant