Presque parfait

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Dicton : En août n'ôte ta flanelle qu'en cas de chaleur torrentielle

Délia ôta son débardeur et s'allongea à plat ventre sur le lit. Elle ne portait pas de soutien-gorge. C'était une tradition estivale à laquelle elle était particulièrement attachée. Elle aimait la caresse de l'air tiède s'engouffrant sous le tissu, cette sensation d'être libre, sans entrave. Quoi de plus jubilatoire que d'être nue sous une petite robe d'été ? C'était l'une des sensations les plus enivrantes au monde et elle éprouvait beaucoup de pitié à l'égard des filles qui, trop bien dotées par Mère Nature, en étaient privée.

Thibault avait proposé de lui faire un massage. Délia était aux anges. Elle adooooorrrait les massages. Elle les aimait tellement qu'il lui arrivait de simuler un mal de dos pour demander à sa mère de lui décoincer les vertèbres. Évidemment, il n'y avait aucune comparaison entre les mains pâteuses de sa mère et les doigts aguerris du plus beau garçon de la Terre.

Une bougie parfumée promenait dans la pièce un arôme de vanille épicée. La musique de Marc Lavoine ruisselait comme un doux clapotis. Quel plaisir d'écouter ces mièvreries sans avoir à craindre la moquerie ! Thibault n'était pas discriminatoire en matière de musique, nul besoin de faire appel à d'obscurs petits groupes expérimentaux pour gagner son estime.

Délia était tout à son extase – Thibault massait divinement bien – lorsqu'elle entendit, telle une fausse note :

– Tu fais quelle taille de soutien-gorge ?

Elle préféra rester évasive :

– Ça dépend des soutiens-gorge.

C'était un mensonge. Quel que soit le modèle, elle ne pouvait jamais espérer plus que du 85 A.

– Mon ex faisait du 90 C.

La surprise fut telle que Délia resta sans réaction. Elle souffrait certainement d'hallucination auditive. Il ne pouvait pas avoir dit ça.

Lorsqu'enfin elle réalisa que si, Thibault venait bel et bien de choisir ce moment d'intimité pour rendre hommage au tour de poitrine de son ex, elle renonça à lui infliger la gifle qu'il méritait. C'est comme avec les chiots, se vengea-t-elle mentalement, si la punition n'est pas immédiate, ils ne comprennent pas.

Thibault s'appliquait à continuer son massage, insouciant, tandis que les muscles de Délia se crispaient les uns après les autres. 90 C ! Qu'espère-t-il que je vais faire de cette information ?!

Lorsqu'il l'embrassa dans le cou pour clore la séance et qu'elle resta inerte comme une carpe échouée sur la plage, il comprit enfin que quelque chose n'allait pas :

– Tu dors ?

– Nan !

– Le massage est terminé. Je peux en avoir un moi aussi ?

Elle attrapa son débardeur d'une main pour s'en couvrir la poitrine.

– Dans tes rêves !

Thibault la regarda, étourdi.

– Eh, fallait pas le prendre mal. Ça ne me gêne pas que tu aies une petite poitrine.

– Moi non plus, tu vois, je n'ai jamais été complexée !

Elle enfila son débardeur avant d'ajouter :

– Jusqu'à aujourd'hui !

Thibault se confondit en excuses, lui expliquant qu'il était parfois maladroit avec les mots, mais qu'il ne fallait pas y voir une attaque personnelle.

Hier, c'était l'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant