Lorsque le tonnerre gronda au loin, ils s'empressèrent de rentrer.
– Je prendrai bien une douche. Pas toi ? lança Julien en gravissant les escaliers, tout en faisant passer son tee-shirt par-dessus sa tête, dévoilant deux épaules puissantes et bronzées.
Était-ce une invitation ? Le clip de Modjo ressuscita dans la tête de Délia. Elle vit le ciel bleu ruisseler sur leurs peaux fatiguées, l'eau brûlante jaillissant de partout, leurs corps nimbés de brume et les mains de Julien...
– Comme je suis galant, je te laisse passer la première.
Bien sûr, on n'était pas dans un clip vidéo ! Délia déclina l'offre, prétextant qu'elle risquait de monopoliser la salle de bain. Et elle commença à énumérer tous les rituels qu'elle avait à accomplir : shampoing, après-shampoing, lait hydratant, crème réparatrice pour les pieds. Julien ne se fit pas prier plus longtemps.
Délia se réfugia dans sa chambre, pantoise, se demandant si Julien était pudique ou insensible à ses charmes. Elle scruta son nuancier de bougies et, en une seconde, sa main fut aimantée par Premier amour. À la base, elle possédait six exemplaires de cette bougie – rose pâle incrustée de paillettes dorées, une atrocité sans doute aux yeux de Julien. Il n'en restait plus qu'une, mais pour la première fois l'allumer semblait une évidence. Et tant pis si elle n'était pas au goût de Julien. S'il avait pu supporter ce qui venait de se dérouler durant les trois dernières heures, il pouvait bien endurer la vue d'une bougie à paillettes. Elle prit néanmoins soin de placer le message – beaucoup trop effrayant pour Julien – face au mur.
Quand le bruit torrentiel de l'eau conquit la maison, elle alluma la radio pour évacuer de son esprit l'image de Julien, nu, dans sa baignoire. Mais, malgré la musique, elle continuait à entendre l'eau fouettant les parois de la douche. C'était comme un chant de sirène qui murmurait : « Rejoins-moi ». Et la fragrance euphorisante de Premier amour lui envoyait exactement le même message.
Elle s'aventura sur le palier et se mit à roder autour de la porte de la salle de bains, les doigts palpitant d'hésitation. La perspective d'entrer par effraction et de surprendre Julien dans le plus simple appareil avait quelque chose de nettement moins magique que son petit clip vidéo intérieur. D'un autre côté, si elle ne tentait rien, elle risquait de le regretter toute sa vie.
Elle tira doucement sur la clinche et posa un orteil sur le carrelage glacé. Le corps de Julien se dessinait à travers le rideau de douche. L'étroitesse de la pièce donnait l'impression qu'il allait transpercer le plafond. Elle se déshabilla pour se mettre à égalité – il y a quelque chose de malsain à porter des vêtements lorsque l'autre en est totalement dépourvu. Elle resta un moment à contempler la silhouette derrière le rideau sans savoir quoi faire. Elle voulait éviter tout mouvement brusque, le but n'étant pas que Julien, surpris, glisse dans la baignoire et rejoigne sa mère aux urgences.
Finalement, elle se contenta de l'appeler. Le bruit de l'eau cessa, laissant place à un silence gênant.
– Délia ?
Comme s'il se pouvait que quelqu'un d'autre ait pénétré dans la salle de bains !
– Est-ce que tu verrais un inconvénient... murmura-t-elle d'une voix mal assurée.
Le rideau de la douche s'entrouvrit. Pas assez pour la confronter à une vision indélicate, mais suffisamment pour qu'elle puisse se glisser dans la baignoire devant Julien. Elle se plongea immédiatement dans une profonde contemplation de la mosaïque des carreaux. Julien entreprit de suspendre le pommeau à la barre de douche, ce qui sembla prendre un temps interminable durant lequel Délia, sous l'arcade des bras de Julien, demeura raide comme une statue.
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Hier, c'était l'été
Novela JuvenilÉté = floraison de la Beauté. Automne = floraison des Adieux. Délia ne se sent vivante qu'en été, saison des retrouvailles avec ses trois amis. Rob, l'apprenti militaire. Julien, le géant au cœur de pierre. Et Thibault, le garçon le plus sexy de la...