Chapitre 8

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Romain

29 juin 2O14

En me levant, ce matin, j'ai tout de suite vu le message de Margaux, enfin le mot. Je ne lui en veux pas, il n'y avait rien de plus à ajouter.

A la maison, c'est le branle-bas de combat. Michel est rentré hier soir et s'active à ce que tout soit prêt.

Au dîner, hier, nous avons discuté de l'attitude à adopter avec elle. La patience et la douceur seront de rigueur mais pas le laxisme. Comme pour moi, la politesse sera exigée et toute sortie devra faire l'objet d'un accord. J'ai tellement de fois entendu cette phrase que je la connais par coeur.

Ils m'ont demandé qu'Hugo squatte un peu moins à la maison surtout la nuit. Je ne sais pas comment lui dire, j'espère ne pas le vexer. Ses parents sont souvent absents pour leur travail donc il passe beaucoup de temps chez nous.

Quand on parle du loup, le voilà.

_ C'est un sacré chantier chez toi! C'est quoi toutes ces voitures ?

_ Il y a une réunion avec l'équipe médical, et le camion est là pour livrer le matériel pour sa chambre.

_ D'accord. Une question me trotte dans la tête : as-tu réussi à en savoir un peu plus ce qu'elle a subit ?

_ Non, par contre, il faut que je te parle d'un truc. Je suis désolé mais au moins pour quelques jours, le temps de voir comment la cohabitation se passe, ça serait mieux si tu squattais plus chez Max que chez moi.

C'est à ça que l'on reconnait un vrai pote, il me dit que c'est normal et qu'il comprend. Du moment, que ça nous empêche de nous voir.

Après une bonne après-midi à la plage, il est temps pour moi de rentrer. Notre nouvelle pensionnaire doit être sur le point d'arriver. Les parents souhaitent que nous soyons tous présent pour l'accueillir. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir lui dire. Lorsque je passe le seuil, je suis abasourdi par le nombre de personnes présentes dans la pièce. Je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde à la maison : la coordinatrice de l'H.A.D, l'infirmière, le médecin et les flics encore. 

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Margaux

J'en ai marre. J'ai mal à la tête. J'ai des nausées et surtout mon dos me fait souffrir. Malgré les nombreux arrêts, le trajet n'a pas été de tout repos. Embouteillages, accidents, nous avons eu notre lot de galère. Les deux ambulanciers ont été sympas avec moi et m'ont inclus dans leurs discussions. Plus que dix minutes selon le GPS, et nous serons à destination : Cannes La bocca. J'angoisse de plus en plus. Une boule s'est formée dans ma gorge. Ma respiration est difficile et oblige le véhicule à se garer. Ils me disent d'inspirer et expirer doucement dans un sac en plastique mais je n'y arrive pas. Je le repousse et vomis mes tripes.

Ça y'est, nous sommes arrivés. Je suis épuisée. La famille au complet m'attend dehors. Michel est le premier à s'avancer vers moi mais en voyant ma tête, il a un mouvement de recul. Je dois vraiment avoir une sale tronche.

Je suis dans ma chambre. Ils n'ont pas eu le temps de se présenter, le médecin a insisté pour me voir en priorité. Puis l'infirmière a changé mes pansements et m'a expliqué que l'on se verra deux fois par jour. Le programme de ce soir, c'est repas léger et repos.

Je suis seule depuis quelques minutes quand mon père arrive accompagné de sa femme et des enfants. Les présentations sont brèves. Je n'ai pas pris le temps de les détailler, mes yeux se ferment tout seuls. Je veux seulement dormir. Je n'ai pas faim mais je suis obligée de manger une compote pour qu'on me laisse enfin tranquille. On dirait qu'il a été briefé par ma mère. Ils ont la même technique, le chantage.

Je mets mon Ipod et sombre dans le sommeil.

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C'est abusé, m'obliger à quitter mes potes pour avoir le droit à un « Bonjour » et c'est tout. Michel me demande de l'excuser mais je ne lui en veux pas. Seulement, ma présence n'était pas indispensable. Nous sommes tous mal à l'aise et Lou n'arrête pas de demander si Magaux (les R, c'est trop compliqué) veut zouer (jouer). J'espère que la journée de demain sera moins tendue.

Ils sont tous chez Max comme d'hab'. Je suis à peine installé que Nina me tend une bière. Je dois vraiment avoir l'air blasé.

_ Ça s'est mal passé ?

_ Bof, elle nous a à peine parlé et s'est endormie.

Hugo me demande si elle est aussi jolie que sur les photos. Je regarde Nina dans les yeux et me lance :

_ Clairement, oui mais elle ne m'attire pas. Elle fait trop fragile, j'aurais peur de la briser encore plus. Je ne la vois pas comme une future petite amie mais plutôt une soeur à protéger. Et j'ai déjà une copine avec qui je suis bien.

Nina m'enlace et me chuchote « merci ». La console est lancée, jouer à Fifa va me détendre.

Je suis rentré, il y a une heure. Le jeu m'a vraiment énervé, pas moyen de réussir mes actions. Je textote avec ma chérie lorsqu'un hurlement provient de la chambre de Margaux. Je me précipite mais Michel me demande de retourner dans ma chambre. Je reste finalement dans le couloir et lui, sur le pallier de sa chambre ne sachant pas quoi faire. Je le pousse et la vois très agitée. Je ne réfléchis pas. Je la maintiens fermement tout en essayant de la réveiller. Son père réagit enfin et m'aide en me disant de faire attention à son dos. Je me libère une main pour lui caresser les cheveux. Je lui chuchote que tout va bien, qu'elle est en sécurité. Elle finit par s'apaiser.

Nous sommes tous dans la cuisine. Maman a réussi à recoucher Lou que le bruit avait réveillé.

_ Je pense que je suis en droit de connaître son histoire, non ?

Ils se concertent du regard et finissent par acquiescer. Il n'y a pas de détails, juste des faits. Une réalité qui me donne des frissons. Traumatisme crânien, coups de couteaux et des séquelles psychologiques importantes. Nous ne savons pas comment nous allons l'aider à se reconstruire mais je prend conscience des difficultés qui nous attendent. Michel me raconte leur histoire. L'abandon qu'il lui a fait vivre. Elle n'a plus confiance à lui et elle n'a plus rien à quoi se raccrocher. Elle ne nous connait pas et vient de vivre une terrible épreuve. Ça fait beaucoup pour une personne.

Je peux essayer de l'aider, me rapprocher d'elle, être son ami et l'intégrer à mes amis. 

Pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant