Pour toi

Chapitre 15

9 Juillet 2014

Michel

_ Margaux, dis-moi ce qu'il manque dans ta chambre ?

Elle observe les photos de sa chambre dévastée que sa mère nous a envoyé par internet mais ne fait aucun commentaires.

_ Il y a forcément quelque chose qui a disparu. Fais un effort s'il te plait.

_ J'en sais rien. C'est un tel capharnaüm.

_ Tu comptes de foutre longtemps de notre gueule ?

_ Michel, doucement...

Je sais ce que ma femme veut me faire comprendre, qu'il ne faut pas s'énerver, ne pas la brusquer... mais là, je suis à bout de nerfs.

_ Non, Valérie. Elle nous prend pour des cons. Personne ne croit à la thèse de la coïncidence donc elle nous cache forcément quelque chose.

Je me retourne vers ma fille et je la regarde droit dans les yeux.

_ Quand vas-tu comprendre que nous voulons seulement t'aider ? Tu es la seule à détenir la clé de l'histoire. Je croyais que ta priorité serait d'aider à arrêter l'assassin de ton amie?

_ Tais-toi ! Tu ne sais pas de quoi tu parles. Tu n'étais pas là-bas. Moi, si.

Elle crache ces mots avec véhémence. J'ai touché une corde sensible.

_ Vas-y, nous t'écoutons.

_ Je te déteste. Tu veux vraiment savoir ce que je pense. J'aurais préféré crever à sa place. Tu crois que je ne me sens pas assez coupable ? Que je ne pense pas à aller la rejoindre ?

Ce qu'il y a de pire pour un père, c'est d'entendre son enfant menacer de se foutre en l'air. Mes yeux me picotent. En la provoquant, je voulais la faire réagir mais pas entendre cette sombre confession.

_ Je t'interdis de le dire, de le faire et même de le penser. Je ne t'ai pas retrouvé pour te regarder mourir. Nous sommes une famille et nous allons nous battre ensemble mais tu dois nous dire la vérité.

Je la regarde se lever et quitter la pièce. Je n'essaye pas de la retenir. Je me sens si impuissant. Son mutisme va me rendre me fou.

_ La forcer ne t'aidera pas. Elle t'a entendu. Maintenant, laisse faire le temps. Elle viendra vers toi quand elle sera prête.

J'ai aimé la mère de Margaux mais avec Valérie, c'est différent. Elle est ma vie, mon oxygène, ma bouée quand je sombre. Quand je l'ai rencontré, je lui ai raconté mon histoire. Jamais, elle ne m'a jugé. Elle m'a soutenu et écouté les regrets que j'éprouvais. Je lui serais infiniment reconnaissant.

_ J'espère que tu as raison.

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Margaux

Je quitte ma chambre sur la pointe des pieds. Je ne veux pas le voir, lui et ses reproches. A la première occasion, il m'a abandonné et en un claquement de doigts, je devrais lui faire confiance. La bonne blague. Quand comprendra t-il que je n'ai rien de plus à ajouter sur cette terrible nuit ? Dès que je ferme les yeux, des brides me reviennent mais c'est tout. Après, c'est le vide, le néant. Je bloque toujours sur la même scène. Est-ce réellement de ma faute ? Etais-je visée ? Qu'avons nous bien pu faire pour déclencher une telle fureur ? Ces questions tournent dans ma tête mais ne trouvent pas de réponses.

Je marche juste pour oublier, ne plus penser. Je me dirige sans but précis, je me contente seulement d'avancer. Je ne suis pas en colère contre mon père. J'ai menti mais je suis en colère contre lui. Je suis sa fille, il devrait me croire sans douter de mes dires. Je ne suis pas une menteuse et je ne l'ai jamais été.

Je suis désormais dans un lotissement. Je me suis légèrement égarée mais je ne panique pas. Je devrais retrouver mon chemin facilement. J'ai tourné à gauche en sortant de la résidence puis je suis allée tout droit. Il me suffit de le refaire en sens inverse. Je dois affronter mes peurs pour avancer. Il fait jour, il y a du monde, des maisons autour de moi. Rien ne peut m'arriver.

_ Margaux, attend !

Je sursaute et me retourne en entendant cette voix. Mon cerveau ne comprend pas tout de suite mais mon coeur sait immédiatement, il bats plus fort.

_ Hugo ?

_ Je te manquais déjà, ma puce ?

Il se colle à moi et m'embrasse avec ferveur. Les enfants qui jouent plus loin nous sifflent. Je ne suis pas à l'aise de sa démonstration en public et il s'en rend compte.

_ Viens, rentrons. Mes parents ne sont pas là, nous serons plus tranquilles.

Docilement, je le suis sans formuler aucunes objections. J'ai besoin de lui, de sa tendresse et de tout ce qu'il peut m'apporter maintenant.

Nous traversons l'entrée et je distingue clairement que sa famille est riche. Tout sent le fric. Que se soit le sol que je foule ou les meubles que j'aperçois sont luxueux. Je n'ai jamais vu une aussi belle maison. Hugo s'assoit sur le canapé et m'invite à le rejoindre. J'ai même peur de l'abimer. Je suis grave.

Nous passons un bon moment à pousser la chansonnette. Il n'a clairement aucun don dans ce domaine mais du talent dans d'autres. Il se rapproche subtilement mais je grille direct sa manoeuvre.

_ Tu n'es pas très discret !

_ Je sais mais j'avais trop envie de ...

Il ne finit pas sa phrase et m'embrasse à nouveau.

_ Une objection, miss ?

_ Non, non...

Il recommence mais cette fois, il me pousse à m'allonger. L'une de ses mains glisse sous mon tee-shirt et caresse ma peau nue. Elle reste dans une zone que je juge acceptable. Je l'imite à mon tour. C'est la première fois que je vais aussi loin avec un garçon. J' effleure son dos. Même pour un geste si banal, je suis gauche. Je ne sais pas quoi faire.

Ses doigts glissent de plus en bas. Il joue avec l'élastique de mon legging. Je suis immobile. Je ne bouge pas. Je ne respire pas mais je ne le repousse pas. Dans ma tête, c'est le chaos. Des flashbacks me reviennent.

Arrêtes de bouger où je t'en colle une... Je suis sure que tu vas aimer ça, salope...

Mes larmes coulent mais je m'en rend pas compte. Je vais vomir. Un murmure lointain m'appelle mais je n'ai pas la force de chercher sa provenance. Il faudra qu'il me secoue pour que je revienne à moi.

_ Qu'est ce qui se passe Margaux ? Tu m'a foutu la trouille.

Il tente de m'étreindre mais je me dégage violemment.

_ Ne me touche pas.

Je me lève et tente de lui échapper sauf qu'il est plus rapide que moi. Il me retient par le poignet. 

_ Parle-moi s'il te plait. Tu ne peux pas partir sans m'expliquer.

Je dois m'échapper le plus vite possible.

_ Laisse-moi.

Il doit me prendre pour une folle mais je m'en fiche. Et je pars le plus vite possible.