Pour toi

Chapitre 9

Margaux

30 juin 2014

Cela fait une heure que je suis réveillée mais la maison me semble silencieuse. Je ne peux pas descendre seule du lit alors que mon envie de faire pipi se fait de plus en plus pressante. Je ne vais quand même pas être obligée de demander de l'aide. Si je fais tomber un objet, cela va peut-être les alerter. Finalement, quelqu'un frappe et entre dans ma chambre, c'est Valérie. Quel soulagement quand elle me propose son aide. Je pourrais presque chanter Libérée, Délivrée...

C'était notre chanson avec Ludi, nous l'avions adapté à toutes les sauces. Le dernier jour avant les vacances, c'était Libérée, Délivrée, je ne ferai rien de l'été.

L'aide soignante, Camille vient de me faire ma toilette. Je déteste ça. Elle a été très douce pourtant mais je suis très pudique et, à chaque fois, je me sens humiliée et sale. La kiné ne devrait plus tarder. J'ai hâte. Mes épaules me font vraiment souffrir et j'ai peur qu'elle puisse me soulager beaucoup à cause mes points. Deux belles entailles, une de dix centimètres et l'autre de quinze. Je n'aimais déjà pas mon corps mais maintenant c'est pire.

Un raclement de gorge me ramène à la réalité. Un homme se trouve à l'entrée de ma chambre. Il dit être mon kiné. Il prend place à coté de moi, se présente et me demande de déboutonner ma chemise. C'est la seule chose que je retiens et c'est non. Il ne me touchera pas. Je ne me plains pas, je ne réclame presque jamais rien. J'avais juste formulé une requête : que se soit une femme qui s'occupe de ma rééducation. Une fois de plus, personne n'a fait l'effort de chercher une solution. Mon avis tout le monde s'en fout et ça tombe bien, ils m'indiffèrent aussi.

_ Margaux, c'est mon métier. On peut se tutoyer ? (je hoche la tête) Tu n'as rien à craindre de moi, je veux seulement te soigner.

Je tourne la tête, et je retiens mes larmes. Une fois de plus, je ne vais pas avoir le choix si je veux avoir la paix.

_ Mes cicatrices

_ Elles font partie de toi. Il va falloir que tu les acceptes. Pour aujourd'hui, je vais te laisser ta bande qui maintient les pansements. Je vais me concentrer sur ta nuques et tes épaules. D'accord ?

Je hoche légèrement la tête. Je suis incapable de plus.

Il réajuste le lit et se place derrière moi. Il me demande de fermer les yeux et de penser à une journée heureuse. Ses mains sont douces et ses gestes lents. Ses doigts exercent une légère pression sur mes cervicales. C'est agréable, je me détend peu à peu. Je prend de l'assurance et je lui parle des zones douloureuses. Il m'explique que ce sont des « noeuds » dus à l'accumulation de stress et insiste sur ces points. C'est douloureux et pourtant ça me soulage. Il effectue des rotations avec ma tête et je sens et entends des craquements qui me font me raidir.

_ Ne te crispes pas. Tu vois bien que ce n'est pas douloureux.

_ Je sais mais je n'y arrive pas.

Il reprend alors ces massages et mon corps flotte. Je n'ai jamais connu cette sensation. Il a des mains magiques, je dois le reconnaître. La séance se termine et j'aurais aimé qu'elle dure encore des heures. Prochain rendez-vous dans deux jours. J'ai presque hâte.

Le reste de la journée est long. Je m'ennuie et dans ces cas-là, je pense. Je cherche qui a bien pu nous faire ça. Les enquêteurs veulent que je leur liste les noms des personnes qui pourraient nous en vouloir. Le moindre indice peut les aider. Je commence par noter les noms de nos ex. Dans mon cas, c'est très court. Il n'y a que deux personnes. Pour Ludi, c'est plus compliqué. Elle a embrassé pas mal de mecs en soirée, mais jamais rien de sérieux. Je poursuis avec ceux qui nous auraient menacés. Je ne vois pas. Ceux avec qui nous aurions eu une altercation. Rien ne me vient. Je cherche mais je suis interrompue par Romain qui se tient à l'embrasure de ma chambre.