Chapitre 18

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11 Juillet 2014

Michel

Au téléphone avec son ex-femme.

_ Tu plaisantes ?

_ Non, j'y ai beaucoup réfléchi et je dois aussi penser à moi.

Quel putain d'égoïste !

_ Toi, toi, et toujours toi mais as-tu imaginé comment Margaux va réagir ?

_ C'est facile de me juger mais tu étais où pendant toutes ces années ? Hein, dis le moi ! Tu sais ce que je subis tous les jours ? Non et bien je vais te le dire. Les gens me regardent bizarrement, chuchotent quand je passe devant eux. Je n'en peux plus. Je veux retrouver une vie normale. Je l'ai élevé seule pendant des années, à ton tour de prendre le relais. 

Il n'y a rien à lui dire. Elle a toujours été obnubilé par le regard des autres. Tenter de la raisonner serait une perte de temps. Je suis navrée qu'elle en soit réduite à confondre sa fille avec un colis qu'on se refourgue. Elle est pathétique.

_ Et je fais comment pour lui trouver un établissement pour la rentrée ? On est mi-juillet, je te signale.

_ Le rectorat est prévenu et tu as rendez-vous pour l'inscrire à dix sept heures au lycée Carnot. C'est le dernier délai après il sera fermé pour les vacances.

_ J'espère que tu es sure de toi car c'est une bombe qui risque de t'exploser en pleine figure.

_ Oui.

_ Ok mais pas un mot à Margaux pour le moment. Il est inutile de lui apporter du stress supplémentaire.

Je raccroche tout en la maudissant. Cette foutue bonne femme va finir par me rendre chèvre. Elle a fait des pieds et des mains pour m'empêcher d'obtenir la garde temporaire de notre fille et là, elle me la donne en exclusive et définitive.

_ Un souci, Michel ?

La voix de mon nouveau collègue me fait sursauter. J'étais tellement obnubilé par ma conversation que j'ai fini par oublier sa présence.

_ Juste mon ex qui fait encore des siennes.

_ Ah, je compatis. Quand mes parents se sont séparés, on aurait dit la troisième guerre mondiale. Allez, viens, je t'offre un verre.

J'accepte avec plaisir. Tim est le dernier arrivé dans l'entreprise. Il est en renfort pour la saison estivale afin de nous permettre de pouvoir poser des congés. Aujourd'hui, c'est sa dernière journée d'observation de la semaine. Lundi, il sillonnera seul, les routes.

Nous nous attablons dans un bar sur la plage et commandons deux cocas. J'aurais volontiers pris une pression bien fraîche mais je dois montrer l'exemple. Boire ou conduire, il faut choisir. Nous nous accordons déjà une pause car nous sommes en avance sur le planning, je ne vais pas trop abuser.

_ Alors, dis-moi, tu fais quoi comme études ?

_ Je vais entrer en troisième année de commerce à Stockholm et je suis en France pour l'été afin d'améliorer mon français.

_ Je comprends mieux l'accent. En tout cas, chapeau, tu parles très bien notre langue.

_ Merci.

Nous trinquons.

_ Et toi, tu veux discuter de cet appel qui a l'air de te perturber ?

_ Non, ça va passer. Je te remercie. Par contre, je t'aurais bien invité à manger à la maison ce midi mais j'ai des choses à régler avec ma femme mais viens, un soir, la semaine prochaine, ça te changera les idées.

_ Ne t'inquiètes pas pour moi, je ne déprime pas seul chez moi.

Je suis son regard et le surprend à mater les demoiselles de la table d'à côté. Effectivement, je n'ai pas à me préoccuper de son sort. Une blonde vient de lui déposer un petit bout de papier où son numéro est griffonné. Il a bien raison d'en profiter. Les vacances sont faites pour...

Alors qu'ils sont en pleine conversation, je décide d'en profiter pour aller aux toilettes.

_ Tim, tu surveilles mes affaires s'il te plait.

_ Comme le lait sur le feu.

Je ricane. Un client a utilisé cette expression et le pauvre n'avait pas saisi le sens de la phrase.

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Tim

Mon plan fonctionne à la perfection. Cet abruti gobe toutes les débilités que je lui raconte. Le plus difficile est de faire attention à chaque parole prononcée. Je ne dois en aucun cas me trahir.

La retrouver n'a pas été compliqué. Les gens deviennent subitement bavard lorsqu'un drame se produit. Chacun y va de sa petite phrase, son commentaire surtout les personnes âgées. Il suffit de leur prêter un petit peu d'attention pour apprendre beaucoup de détails sur la vie des gens. Ensuite, c'est simple vous hochez la tête et ponctuez vos phrases de Ah, Oh et elles vont déballent tout ce que vous voulez savoir. C'est ainsi que j'ai découvert que la pauvre petite devait surement filer un mauvais coton avec un père absent qui vit vers Cannes. Internet a fait le reste. J'ai tout retenu et mémoriser chaque détail de leurs vies. Je suis assez fier de moi, me faire employer dans l'entreprise de son père est une excellente couverture. J'ai changé d'identité et je me suis inventé une nouvelle vie. Je m'appelle désormais Tim Hank et cette pute ne m'échappera pas une deuxième fois. 

Michel s'est absenté et je remarque immédiatement qu'il a laissé son portable sur le comptoir. J'y vois tout de suite une occasion remarquable de m'amuser un peu mais je dois d'abord me débarrasser de cette greluche.

_ Chérie, promis on se voit ce soir mais là, tu vas devoir me laisser. Je suis avec mon boss.

Je ne suis plus à un mensonge près et ça fonctionne, elle s'éloigne enfin.

Je m'empare rapidement de son téléphone tout en surveillant constamment son retour. Je m'empresse de fouiller mon répertoire jusqu'à tomber sur la lettre M. Il est tellement prévisible. Je fais une capture d'écran et me l'envoie. A l'instant où je repose l'appareil, Michel est retour. C'était moins une.

_ Hé bien, quel succès. Entre les clientes et celle-ci, tu les fait toutes craquer. Un vrai tombeur.

_ C'est l'attrait du smoking, les femmes adorent. Je n'ai jamais eu autant de rencard que depuis que je porte ce genre de vêtements. I love la France et les françaises.

J'ai vraiment raté ma vocation. J'aurais du faire comédien.

_ Profites-en bien avant qu'une d'entre elles ne te passe la corde au cou.

Impossible, elle m'a quitté et pour me venger, je l'ai tué. Il a du remarqué mon trouble car il enchaine très vite.

_ Une de perdue, dix de retrouvées. En attendant, tu vas t'amuser ce week-end et je suis certain que tu n'auras pas de mal à trouver une nouvelle victime.

Si il savait... 

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