Chapitre 17

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10 Juillet 2014

Margaux

Fixer le plafond ne m'aide pas à me souvenir mais je peux néanmoins situer toutes les imperfections qu'il comporte. J'aimerai avoir la clé de mon cerveau et enfin savoir mais la seule réponse que j'ai obtenu est une violente migraine qui me vrille les tempes. Si seulement quelqu'un pouvait me répondre mais je ne sais pas qui questionner. A chaque fois qu'un prénom me vient en tête, je me dégonfle aussitôt. C'est assez délicat comme situation. Je ne peux pas dire " Et, au fait, tu sais s'il m'a violé ou pas ? ". Pourtant, il va bien falloir que je trouve une personne pour m'éclairer. Je ressasse sans cesse et je vais finir par devenir folle.

Selon les témoignages lus sur internet, les victimes se sentent sales. Est-ce mon cas ? Jusqu'à hier, non. Elles ne supportent pas le contact avec d'autres hommes. Et avec Hugo, jusqu'à ce que j'ai un flash, je n'avais pas peur. Je me sentais maladroite, mal à l'aise mais sentir sa peau contre la mienne, son souffle sur mon cou ne m'a jamais dégouté.

Cela fait plusieurs minutes que Valérie est entrée dans ma chambre. Je la regarde faire des vas et viens entre l'entrée et la fenêtre. C'est très rare de la voir aussi peu loquace.

_ Hugo m'a tout raconté ?

Je me redresse vivement.

_ Quoi ?

_ Il m'a dit pour ...

Je ne sais pas ce qu'il la gêne le plus : parler de relations sexuelles ou m'avouer ce que je redoute le plus d'entendre.

Je suis en colère contre Hugo. Il n'avait pas le droit de lui en parler. J'ai cru un instant qu'il pouvait être différent des autres mecs mais non. Génial, maintenant, tout le monde va me prendre pour une barge.

_ Il n'avait pas le droit !

_ Je lui ai surtout pas laisser le choix. Soit il m'expliquait et ça restait entre nous soit je le laissais seul avec ton père. Qui au passage est fou de rage car je ne lui ai pas expliqué. J'ai seulement évoqué un problème d'ados.

Je suis surprise. Je savais qu'elle était de mon côté mais pas à ce point.

_ Tu lui as menti ?

Elle penche la tête vers la gauche puis la droite et finit pas hausser les épaules.

_ J'ai simplement omis quelques détails.

_ Il ne risque pas de t'en vouloir s'il l'apprend ?

_ Déjà, je ne vois pas qui irait lui répéter. Puis aimer, c'est aussi savoir  protéger. Je ne pense pas que connaître ces détails l'aideront dans son nouveau rôle de père. Il a laissé une enfant, il retrouve une femme.

Je vois ce qu'elle essaie de me faire comprendre et je me lève pour  l'étreindre. Malgré mes réticences et parfois mon incapacité à communiquer, elle me soutient depuis mon arrivée. J'aimerai qu'elle sache à quel point, je lui suis reconnaissante mais comme toujours les mots se bloquent dans ma gorge.

_ Merci.

Je lui souris.

_ Je pense qu'une petite discussion mère-fille s'impose même si je ne suis pas la tienne. Non ?

J'acquiesce.

_ Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je suis surprise. Je pensais qu'Hugo avait tout déballé.

_ Que t'a t-il dit exactement ?

_ Je sais tout mais je veux ta version et ton ressenti.

Ai-je le choix ? Elle est là, prête à m'écouter sans me juger alors je lui explique tout. C'est très bizarre de confier mes pensées à une adulte. Habituellement, c'était Lulu qui tenait ce rôle mais c'était avant.

_ Est ce que tu sais s'il m'a ... ?

Prononcer le mot viol à haute voix n'est pas aussi simple que je le pensais. Heureusement Val' comprend de suite ma question.

_ Non. Lors de ton admission à l'hôpital, les médecins ont procédé à un kit anti-viol. Il était négatif. Tu ne t'en souviens pas ?

_ Non, du tout.

_ Avec la dose de calmant qu'ils ont du t'administrer, je ne suis pas étonnée. Est-ce que cela répond à tes interrogations ?

_ Oui.

Personne ne peut s'imaginer à quel point, je suis soulagée. J'ai l'impression de respirer à nouveau.

_ Par contre, tes souvenirs reviennent et tu ne dois pas les garder pour toi. Ta crise en est la preuve. Ils peuvent faire avancer l'enquête même les détails qui te semblent insignifiant.

_ J'aime pas celui qui s'occupe de mon dossier.

_ Margaux, tes états d'âme n'ont pas d'importance dans ce cas. Je vais prendre rendez-vous et tout le long, je resterai avec toi. Ok ?

Je soupire.

_ Ok.

_ Bien. Maintenant, je vais laisser Hugo entrer car peu importe où en est votre relation, il a droit a une explication. Je ne l'ai jamais vu aussi mal. Le pauvre a murit d'un seul coup. Je me suis souvent demandée quelle fille arriverait à l'attraper dans ses filets. J'ai enfin la réponse.

Valérie s'est effacée aussi rapidement qu'elle était arrivée et a laissé place à Hugo. Il me regarde tout penaud alors que c'est plutôt moi qui devrait être gênée.

_ Excuse-moi.

Je ferme les yeux et j'expire.

_ Non, ne fais pas ça. C'est moi qui t'en dois.

_ Je ne suis pas d'accord. C'est de ma faute, je me suis laissé emporter par l'instant.

Il ne devrait pas avoir à subir cette situation. Je ne suis pas capable de le rendre heureux. Il mérite une copine normale, pas une cabossée. 

_ Je t'interdis de penser à me quitter. C'est hors de question.

_ Mais...

Comment a-t-il deviné ?

_ Pas de mais. Tu as des problèmes, oui, j'en ai conscience mais si tu penses que cela va me faire fuir, tu te fous le doigt dans l'oeil. Je veux t'aider.

_ Pour faire quoi ? Te donner bonne conscience ?

Je me fais l'effet d'être une connasse mais c'est pour son bien.

_ Les oeuvres de charité, ça n'a jamais été mon truc.

_ Tu vas perdre ton temps avec moi. Je suis un cas désespéré. 

_ Laisse-moi faire mes propres choix. Donne-moi une deuxième chance s'il te plait. On ira à ton rythme, je te le promets.

Il a réponse à tout. J'ai l'impression qu'il lit en moi comme dans un livre.

_ Je ne suis pas celle qu'il te faut.

En une fraction de secondes, ses lèvres sont partout, sur mon front, mes joues, mes lèvres.

_ Tu es sure de toi ?

Je suis faible face à lui et il en joue. Je n'arrive pas à le repousser.

_ Non.

_ Hum, alors fais-moi confiance, je ne merderai pas.

Pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant