Lundi 25 octobre 2040. Enfin. La cérémonie pour laquelle il se préparait depuis un an. Il alluma son Toshiba. Il saisit un boîtier dont il sortit deux lentilles, qu'il plaça l'une après l'autre sur ses rétines.
En un clin d'œil, le plafond de sa maison disparut et laissa place au ciel étoilé. Les murs de son appartement s'évanouirent et laissèrent place aux champs de lithium dans lesquels Edouard, petit, courait. Il se trouvait dans l'écran d'accueil de sa RA ou Réalité augmentée.
Il ne l'avait pas utilisée depuis un moment. Ses meubles étaient recouverts d'écrans lumineux de toutes sortes. L'un affichait une liste de courses conseillées, en fonction du contenu de son frigo et de ses habitudes. Un autre indiquait la dose d'eau que devait recevoir une plante. C'est-à-dire zéro car la plante était morte. Certains des écrans virtuels étaient publicitaires. Quelques-uns lui conseillaient d'acheter la version premium pour éviter d'avoir des écrans publicitaires. La photo d'une fille qui habitait près de chez lui popa sur son rouleau de Sopalin.
Il commanda un verre à son frigo. Il regarda l'écran de son ordi qui affichait la cérémonie d'ouverture des Wattys 2040. Il ferma les yeux, tourna la tête vers un mur puis rouvrit les yeux. Aussitôt la scène de son écran d'ordinateur s'afficha en grand sur le mur. Il prit son verre de rhum et s'assit au milieu de son salon. Il posa son verre. Il fit un dernier geste avec les mains et, cette fois, il se retrouva carrément au milieu de la salle de théâtre. Derrière lui (il était favori et donc placé dans les premiers rangs), les fauteuils rouges se remplissaient au fur et à mesure d'hologrammes habillés classe. Il eut honte de sa dégaine.
Son Iphlobe à l'oreille, il attendit que le spectacle d'ouverture soit terminé pour applaudir avec le reste de la salle. Soudain, une explosion retentit au milieu de la foule holographique. Une énorme boule de fumée s'éleva en volutes grises vers le lustre en diamants du haut plafond rouge et doré.
- Gooooooood evening, laaaaadies and geeeentlemen !, s'écria une voix chaleureuse alors que les projecteurs éclairèrent le lieu de l'explosion, faisant apparaître le maître de cérémonie.
Édouard tapota sur ses lèvres trois fois avec l'index et le présentateur se mit à parler français avec une voix féminine et un léger accent britannique.
"Ils font une explosion pour lancer la cérémonie mais n'ont pas les moyens de mettre un traducteur du même sexe que l'original, songea le Normand. Le prix ne va pas me rapporter beaucoup de sous."
En trois mois, il avait pris beaucoup d'assurance quant à ses chances d'obtenir un Wattys. Il était nommé dans douze catégories du concours. Le buzz autour de son histoire n'avait jamais faibli. Ses 50 000 abonnés obtenus en quelques mois l'avaient propulsé en tête de la plupart des concours existants sur l'application Wattpod.
Les Wattys étaient le seul concours officiel. Nommé dans douze catégories, il était assuré de gagner un prix. Sans suspens, il aurait celui de la meilleure progression du nombre d'abonnés. Peu glorieux étant donné la manière dont il y était parvenu (ce que les autres ne savaient pas). Mais sur douze catégories, il décrocherait forcément l'une des plus prestigieuses.
Depuis le coup de pouce de Houston, il avait forgé son histoire au gré de la multitude de commentaires : encourageants, décourageants, enthousiastes ou insultants (certains Wattpodiens jugeaient louche l'ascension extraordinaire de l'histoire d'Édouard, bande d'incrédules !).
Une communauté s'était formée autour de son œuvre. Des lecteurs se rencontraient tous les jeudis pour en discuter. Son œuvre l'avait dépassé. Façonnée par la communauté.
VOUS LISEZ
Wattys 2040
Science FictionDans l'univers impitoyable de Wattpod, un homme lutte pour avoir des étoiles. Son nom ? Edouard. Enfin c'est son prénom. Bon, vous avez compris, quoi... Alcoolique, naïf et asocial, il découvre un but à sa vie en se faisant insulter sur une appli d...