L'Ampe houle

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Agence multinationale pour les employeurs. L'enseigne étincelait dans la semi-pénombre du hall souterrain.

C'est le président Sylvain Durif qui avait mis à jour le nom et le fonctionnement de Pôle emploi. D'un constat simple : les employeurs étaient les plus satisfaits des services de l'agence. Ils pouvaient y recruter des salariés rapidement, pas chers, pour des emplois précaires. Ils étaient de plus considérés comme des demi-dieux par les recruteurs de Pôle emploi le cas échéant. Certes les chômeurs étaient souvent surqualifiés, mais à ce prix-là, les employeurs n'étaient pas trop regardant. Au début.

Pôle emploi était d'abord redevenu l'ANPE, puis l'Ampe, en fusionnant avec les services d'autres pays de l'Union européenne.

A l'Ampe, les demandeurs d'emploi devaient se former pour correspondre au maximum aux attentes des employeurs. On leur demandait de réaliser de nombreuses formations pour correspondre à un maximum d'offres d'emploi. Les employeurs estimaient que cela les divertissait en attendant de trouver du travail. De quoi se plaignaient-ils, c'était gratuit.

A l'intérieur, de multiples files d'attente zébraient le hall d'accueil de la principale agence de la ville. Chacune menant à une formation spécifique.

On pouvait se former à tout, à l'Ampe. Il y avait des prépas d'études en tous genres, des sessions de sport, des formations à la musique, des formations à l'utilisation des pointeuses ou même des formations pour bien trouver sa formation à l'Ampe.

Edouard avançait d'un pas hésitant dans le hall. Son regard semblait perdu quand il s'accrocha à la seule file d'attente qui menait à un écran d'accueil.

Le jeune homme s'y rangea. Un homme encore plus jeune que lui l'interpella. Il avait une casquette et une veste rouges siglées "Ampe".

- Quel service recherchez-vous ? demanda-t-il.
-Je cherche une formation.
-C'est parfait, vous êtes dans la bonne file, le félicita le jeune homme.

L'Ampe était elle-même un employeur, après tout, se dit le plus moche des deux (c'était Edouard), étonné par ce job de vérificateur de files. Le garçon ne prêta pas attention à son regard insistant et se tourna vers une jeune femme qui se trouvait juste derrière lui :

- Que recherchez... Vous êtes ensemble, peut-être ? s'interrompit-il en regardant Edouard à nouveau.

Ce dernier se retourna et découvrit une jeune femme toute mignonne. Non. Une jeune femme carrément canon qui le dévisagea, chose rare, en souriant.

-Heu... eh bien, non, bredouilla-t-elle en rougissant.

"Heu eh bien non". "Heu", "eh bien", "non". Edouard n'avait jamais connu d'ouverture aussi flagrante lors d'une première rencontre. La jeune femme portait un bonnet, comme lui, ce qui devait avoir induit l'aiguilleur en erreur. De petites mèches blondes et lisses s'échappaient de son couvre-chef faussement négligé. Elle portait une doudoune blanche et avait le plus beau sourire qu'Edouard avait vu ces derniers jours. Et la poitrine des filles "qui habite près de chez toi".

-Ce doit être le bonnet, tenta-t-elle après un léger silence.
-C'est définitivement le bonnet ! lui répondit sans réfléchir Edouard, tout sourire. Quelle réponse idiote, pensa-t-il.

Puis le silence se réinstalla. De plus en plus gênant à mesure que la file avançait.

Wattys 2040Où les histoires vivent. Découvrez maintenant