Le dé nous ment - 2

107 26 7
                                    

Edouard cligna des yeux, comme on se sort d'un mauvais rêve. Il fit mine de se trancher la gorge avec la main pour éteindre son Toshiba. Il était énervé. Il resta face à l'écran qui s'éteignait. Le soleil se refléta dans l'écran noir. Il n'avait jamais été gêné par ce rayon qui traversait le store toujours fermé, derrière lui. Ce reflet nouveau l'intrigua. 

Peu à peu, il distingua la pièce derrière lui qui se reflétait dans l'écran noir. Les contours de différents objets. La lumière du dehors était mordue par les silhouettes d'une chaise, d'un pouf ou de sa lampe halogène qui ne fonctionnait plus. 

Il aurait pu regarder les ombres des objets toute une vie. Il se leva. Il se retourna. Il regarda le rayon de lumière directement, ce qui l'éblouit un peu. Il aperçut peu à peu des vagues de poussière tourbillonnant dans le rayon.

Il n'avait pas réussi à faire ravaler leurs préjugés à Killernoob. Ni à Jjabrahmssabeach. Il avait passé un an à tenter de vaincre cette chimère. Un an à espérer gagner un pouvoir sur eux. Mais personne ne contrôle les autres. Qui, de celui qui obtient le contrôle ou de celui qui le concède, détient le pouvoir ? Le pouvoir était illusoire. 

La poussière sembla se figer. Ses tourbillons paisibles s'inversèrent. Le débat, même intérieur, lui sembla futile. Pourquoi juger ? Pourquoi interpréter ce qui l'entourait ? Pour l'asservir ? Non. Pour le comprendre ? La sagesse avait fait son temps.

Il ne pouvait contrôler les autres. A partir ce jour, il s'occuperait donc de lui. De ce qui le préoccupait. Son bonheur finirait peut-être par rayonner sur son entourage. L'espace d'un instant, il fut satisfait de sa réflexion. Il devait améliorer son monde. Comment ? Il fallait déjà le voir. Il s'avança dans le rayon lumineux. Il marcha sur des vêtements sales jusqu'à la baie vitrée. Il tâtonna jusqu'à trouver l'interrupteur de l'ouverture du store. Celui-ci ne fonctionnait plus. 

Il retira l'exemplaire de La République de Platon, qui maintenait la porte vitrée fermée. Il ouvrit la porte tant bien que mal, repoussant des vêtements qui gênaient l'ouverture. 

Puis il s'accroupit, saisit le bas du store des deux mains et le souleva. La lumière qui s'engouffra dans la salle dès les premiers centimètres levés l'aveugla. Il lâcha le store quelques secondes. La deuxième tentative fut la bonne. Debout, les yeux fermés, les bras en l'air le temps de s'assurer que le store tenait seul, il sentait la chaleur du soleil dilater sa peau. Le soleil baignait de rouge ses paupières. Il les entrouvrit au bout d'une minute. 


(Photo : Cocozi, Pixabay.com)

Wattys 2040Où les histoires vivent. Découvrez maintenant