Épisode 5 : "Tu ne pourras jamais gagner contre un adulte."

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Il arriva devant la maison de Karma. Le soleil commençait à se coucher, le ciel était maintenant teinté d’une couleur orange. 
Il frappa ensuite plusieurs fois à sa porte : son ami finit par lui ouvrir. Au début il fut étonné de le voir, puis esquissa directement un sourire.
- Je savais bien que t’allais revenir.
- J’me suis barré si tu veux tout savoir.
Karma écarquilla les yeux le temps d’une seconde, puis son sourire réapparut.
- Tu t’es cassé de chez toi ?
- J’en ai eu marre.
- Ben dis donc…
- Bon, tu vas me laisser poireauter dehors encore longtemps ou bien tu me laisses entrer ?
Le garçon aux cheveux rouges pencha sa tête en arrière comme pour guetter quelque chose, puis se tourna vers son ami.
- J’ai pas envie qu’on reste chez moi, allons chez Manon. 
Il prit ses affaires puis ferma la porte, direction la maison de Manon. Elle habitait dans une petite maison moderne, juste devant l’entrée d’une forêt. Personne à part les deux garçons n’y avait mis les pieds, cette maison placé devant cette forêt donnait l’effet d’une maison abandonnée, que tous les habitants de Northville craignait. De plus, la maison de Manon était un peu plus éloigné du village, donc cela était plus fatiguant de devoir y aller à pied.
- On aurait dû prendre ta voiture. Parla Kirua dans un soupir.
- C’est pas ma voiture, celle que j’ai prise ce matin était à ma mère.
Ils arrivèrent enfin devant chez elle. Kirua frappa à la porte, et Manon l’ouvrit directement. Elle fut surprise de les voir et n’eut le temps de dire quelque chose qu’ils entrèrent sans prévenir.
- Eh bien, faites comme chez vous.

Karma s’étala sur le canapé, Kirua l’imitant.
- Quelle journée de merde. Souffla ce dernier.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- T’as à boire s’te plaît ? Demanda Karma.
Manon regarda dans le frigo les boissons restantes.
- Je n’ai que du Ice Tea et du Coca en boissons “normales”. Le reste, ce n’est que de l’alcool ou de la bière.
- J’veux bien du Ice Tea, et mets moi un peu de vodka au passage. Demanda Karma.
- Ok. Kiru tu veux boire quelque chose ?
- Non ça va.
La jeune brune prit donc un verre et versa un peu de vodka suivit de Ice Tea. 
- Ton père n’est pas là ? Demanda le garçon aux cheveux blancs.
- Non, tu le connais, il est parti chasser comme d’hab. Répondit-elle en posant le verre de Karma sur la table.
- Cimer. Il lui passa une cigarette.
Manon la prit avant de l'allumer.
- Alors Kirua, qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda-t-elle ensuite.
- J’ai juste décidé de ne plus revenir chez moi tant que ma mère n’ira pas mieux.
- Oui, mais pourquoi ?
- Parce que mon père est revenu.
Les deux se stoppèrent un instant, sous la surprise.
- Elle a encore laissé ton salaud de père revenir ? Demanda Karma, exaspéré.
- J’t’en parle pas. Alors que je lui avais pourtant dit que je ne voulais plus revoir sa tronche.
Il serra les poings sans le vouloir.
- Calme-toi mec. Le rassura Karma.
- Comment tu veux que je reste tranquille ? Ce salopard est revenu faire des siennes ! Si seulement il pouvait pas nous foutre la paix une bonne fois pour toutes…!
Il tapa du poing la table basse situé devant lui, fou de rage, alors que son nez se remit à couler.
- Kirua, ton nez…
Manon se précipita dans sa salle de bain où elle ramena du coton. Elle le passa ensuite sous le nez de Kirua.
- Comment tu as fait pour saigner du nez ? S’inquiéta t-elle.
- Je vous laisse deviner.
- J’parie que c’est ton père qui t’en a mise une.
- Quel salopard ! S’écria la fille aux yeux verts.
- Je lui ai mis un coup de poing en même temps.
- Ouais, mais lui il l’a bien mérité ton coup de poing. 
Karma posa sa cigarette sur le cendrier avant de boire une gorgée de sa boisson.
- Kirua, j’veux pas dire mais si ça continue comme ça, il va finir par foutre ta vie en l’air. Dit Manon d’un air triste.
- Je sais. Si tu savais comment j’ai la haine… qu’il brûle en enfer, c’est tout ce qu’il mérite.
- Tu veux le terminer ?
Karma avait subitement posé cette question.
- Hein ?
- Je te le redemande : tu veux qu’il te lâche toi et ta mère pour de bon ?
- J’aimerais…
- Alors y’a qu’un seul moyen mec. Parce qu’on sait tous que jusqu'à ce que les adultes nous traiterons comme des moins que rien, on sera considérés comme des moins que rien.
Il se rapprocha de son ami et passa une main sur son épaule.
- Je comprends ce que tu ressens. En fait, je l’ai toujours compris car on ressent la même chose tous les deux : La haine, la rage.
- Et donc ?
- Et donc ? Si tu veux te débarrasser de ton père, fais-le vraiment et ne prie pas Dieu pour qu’il ne revienne jamais.
Kirua fronça les sourcils, l’air de ne pas comprendre. C’est alors qu’il se recula vivement et s’exclama :
- Je t’ai dit quoi Karma ? C’est hors de question !
- De quoi ?
- Arrête de jouer les innocents. Je sais très bien de quoi tu veux parler.
- Et de quoi je parle là ?
- De ton site pourri ! Tu veux m’inciter à tuer des gens juste par plaisir !
- Pas par plaisir, par haine. Et puis je veux t’inciter à tuer ton père, nuance.
- Mais…
- Tu veux qu’il sorte de ta vie ou pas ? Tu veux qu’il arrête de harceler ta mère ? Ben c’est comme ça que ça marche mon gars.
- Pas forcément. Je peux très bien appeler la police.
À ces mots, Manon partir d’un pouffement de rire, suivit de Karma.
- Qu’est-ce qui vous faire rire dans ce que j’ai dit ?
- Attends parce que tu crois que la police va faire quelque chose Kirua ? Demanda Karma sur un ton moqueur.
- Ben…
- Kiru, si tu crois que ce sont les flics qui vont t’aider, tu te trompes. Comme l’a dit Karma, les adultes ont le dessus sur nous. Tu pourrais prévenir les flics et porter plainte, ton père va toujours trouver un moyen de s’en sortir. Les gens croiront simplement que tu délires, comme t’es qu’un gosse, ils vont penser que t’aimes juste pas ton père, c’est tout.
- Elle a pas tort. Fais-toi une raison mon pote, tu ne pourras jamais gagner contre un adulte. Sauf si tu lui montres par la force…
De là, Karma se leva du canapé et prit un couteau de cuisine situé sur le meuble d’à côté.
- ... qui est le plus fort.
Il tourna le couteau coincé entre ses doigts, l’observant avec admiration. Puis d’un coup, il le posa d’un coup brusque sur le meuble de la cuisine, où la pointe du couteau se bloqua contre celui-ci. Les deux amis sursautèrent avant de se retourner vers lui, effarés.
- T’es malade de nous faire flipper comme ça ! S’exclama Kirua.
- Alors, tu veux bien ou pas ?
- Je viens de te dire que jamais je ne tuerai quelqu'un !
- Même le père que tu hais tant ?
- Même le…
- Kirua…
Manon prit soudainement la parole. Elle s’approcha de lui et, accroupie par terre, appuya ses mains contre ses genoux.
- Il est vrai que tuer, c’est mal. C'est même bien pire que ça. Mais… quand on ressent tellement de souffrance au fond de nous depuis longtemps à cause d’une personne, nous n’avons plus que ça en tête. On y pense chaque jour... chaque nuit. Chaque jour nous pensons à le tuer.
Manon parlait d’une voix douce, calme, où Kirua n’osait même plus la regarder.
“Quand elle parle comme ça, elle peut pas savoir à quel point elle peut être craquante…”
Sans le vouloir il se mit à penser cela, sans être embarrassé. Pour lui, c’était tout à fait normal de penser cela sur son amie. Il ne ressentait rien que de l’amitié pour Manon, malgré qu’il la trouve jolie, mais ne pensait absolument pas à avoir des sentiments outre que de l’amitié, même en songeant à ce genre de choses.
- J’vais vous dire un truc que je n'ai jamais dis à personne. Il y a 3 ans, j’ai tenté d'assassiner mon père.
À ses mots, le visage des deux garçons changèrent. Les deux avaient subitement relevés les yeux vers elle.
- C’est vrai ? Demanda Karma.
- Manon…
Celle-ci hocha la tête.
- Il avait trop bu, et était complètement achevé. Alors, je me suis approchée, et pendant qu’il dormait, j’ai pris un coussin et l'ai appuyé sur sa tête.
Elle fronça les sourcils tout en gardant les yeux baissés, comme pour se retrouver dans ses souvenirs.
- Après, il s’est brusquement réveillé et je m’étais arrêtée. Alors il s’est relevé et a commencé à me frapper. Ensuite, il m’a jeté sur le lit et il a…
Elle hésita à dire la suite de sa phrase, alors que des larmes perlèrent aux coin de ses yeux. Elle les essuya discrètement alors que Kirua passa une main sur son épaule.
- Qu’est-ce qu’il a fait ?
Elle releva légèrement la tête et aperçut Karma qui s’était positionné derrière elle.
- Il a… il a commencé à me dire “tu mérites une punition.” sur le coup je comprenais pas trop, où il voulait en venir, et…
Un sanglot apparut, alors qu’elle voulait continuer de parler. Elle devait tout leur dire, elle avait gardé ce secret rien que pour elle depuis trop longtemps. C’était ses meilleurs amis, après tout.
- Il a commencé à me déshabiller et… et il m’a…
Là, s’en était trop pour elle. Elle ne pouvait pas aller plus loin alors que ses souvenirs refirent surface. Elle se mit à pleurer sous l’étreinte de Kirua qui la serrait dans ses bras. Karma qui était resté accroupi derrière elle, se mit à lui caresser gentiment la tête. Manon fut surprise mais ce n’est pas pour autant qu’elle se dégagea, les garçons ne lui avaient jamais donné un signe de tendresse jusqu'à aujourd'hui.
- Pourquoi tu ne nous en a jamais parlé ? Demanda Karma entre ses dents.
Vu son ton, Manon compris qu’il était en pleine rage.
- Il ne voulait pas que j’en parle. J’étais qu’une gosse à l’époque... je ne comprenais pas ce qu’il m’avait fait. J’avais tellement eu mal qu’il m’a dit qu’il recommencerait si jamais j’en parlais à quelqu’un, même à vous.
- C’est cruel…
Kirua n’en revenait pas. Il comprit mieux alors pourquoi Manon voulait suivre Karma. Comme lui, elle avait la rage pour son père… et notamment les adultes qui eux, avaient tous les pouvoirs. Mais devait-il vraiment les rejoindre ? Certes, il avait une haine immense envers son père, mais de là à vouloir le tuer… il ne savait pas.

C’est alors que du bruit se fit entendre au dehors.
- Oh non…
Manon se releva de vitesse, et Kirua comprit alors que son père était revenu.
- Il ne sait pas que vous êtes là…
Karma serra les poings. Il semblait révolté. Il ne connaissait pas tellement bien son père, et malgré qu’il est une rancune envers tous les adultes du monde entier, trouvait cela inadmissible qu’un parent se comporte de la sorte. Surtout que Manon n’était pas n’importe qui, c’était son amie, et ça, c’est ce qui ne fit qu'augmenter sa colère.

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