Épisode Flash-Back (2) : Abus.

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Elle avait 13 ans.

Cela faisait un an que Manon avait emménagé dans Northville avec son père, un an qu'elle avait fait la rencontre de ses deux nouveaux amis, Kirua et Karma. Ils rigolaient bien ensemble, tous les trois, que ce soit à l'école qu'en dehors.
Manon se sentait elle-même, quand elle se trouvait avec eux. Elle était heureuse. La journée, elle avait le sourire, mais quand c'était pour rentrer chez elle... il s'agissait d'une tout autre histoire.
Elle ne voulait pas en parler aux garçons, de peur qu'ils la jugent, ou qu'ils se moquent d'elle. Et puis aussi, elle n'avait pas envie de les mêler à tout ça. C'était ses affaires.
- Bon les gars, moi j'y vais.
Les deux garçons qui était placés devant elle, dans la voiture de Karma, se retournèrent en même temps, l'air étonné.
- Déjà ? Demanda Kirua.
- Ben il est quand même 18h. Et j'habite loin.
- Ouais mais bon...
- J'vous l'ai dit, il faut que je rentre avant le soir moi.
- Je te dépose ? Lui demanda Karma tout en jetant sa cigarette par la vitre.
- Non c'est bon, je vais rentrer à pied.
Ils la regardèrent encore plus surpris qu'au début. Manon fronça alors légèrement les sourcils :
- Ben qu'est-ce qui y'a ?
- C'est plutôt à nous de te demander ça. Dit Kirua.
- Pourq...
- T'es sûre que tu vas bien ? Reprit Karma en la coupant. D'habitude tu me supplies de te déposer devant chez toi, mais depuis quelques temps tu veux souvent marcher.
- Bah... j'aime bien marcher, c'est tout.
- D'un seul coup tu aimes marcher toi ?
- Oui, et alors ?
Sa voix paraissait soudainement froide en ayant posé cette question.
"Non Manon. Ne t'embrouille pas avec eux, tu as déjà assez de soucis comme ça. Ne te les met pas à dos."
- Bon, salut les gars.
Elle ouvrit la portière pour sortir rapidement, et la referma derrière elle. Elle ne prit pas la peine de se retourner vers les garçons, c'était déjà assez difficile pour elle d'avoir pris cette décision. En y repensant, des larmes coulèrent sur ses joues. Elle s'était décidée, si ce soir son père allait encore en faire des siennes, elle allait en finir.

- Elle nous cache quelque chose, dit alors Kirua en la regardant partir.
Karma fixa son ami, plus ou moins d'accord. Cela faisait en effet quelques jours que Manon agissait de manière bizarre, et ça, les garçons l'avait bien remarqué. Elle avait beau sourire, rire avec eux, ils la connaissaient bien maintenant.
- Tu veux la suivre ? Demanda alors Karma.
- Non laisse, elle est grande.
- Tu sais, si elle avait vraiment quelque chose, j'pense qu'elle nous en parlerait.
- Mmh, pas sûr. On verra bien demain après tout.
- Ouais. Bon, on se casse ?
- Vas-y.
Karma démarra le moteur avant qu'ils ne se mettent à partir hors du village.

Après plusieurs minutes de marche, Manon arriva chez elle. Elle soupira de désespoir : comme si elle avait envie de franchir cette foutue porte d'entrée. C'est ce pourquoi depuis quelques jours elle marche jusqu'à chez elle : Comme elle habite loin, elle prend plus de temps à arriver.
- Allez, quand faut y aller, faut y aller.
Elle soupira un bon coup avant d'ouvrir lentement la porte. Que ne fut pas sa surprise quand elle ne découvrit personne aux alentours. Ni aucun bruit d'ailleurs. Étrange... mais quel soulagement !
Elle n'attendit pas plus longtemps et fonça dans sa chambre pour s'enfermer après. Elle y resta quelques heures, sans n'entendre toujours aucun bruit. Elle commença à avoir soif, et faim, mais se raidit à y aller, par peur de croiser son père.
Il était maintenant 21h, et toujours aucun signe de celui-ci. Elle se disait "tant mieux" même si un autre côté d'elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Pourquoi
n'était-t-il toujours pas rentré ?
Son estomac qui prenait le dessus, elle se leva de son lit et se dirigea dans la cuisine.
Mais alors qu'elle était en train de fouiller les quelques gâteaux dans le placard, elle entendit le cliquetis d'une clé.
Et merde.
Elle se mit à marcher en vitesse dans sa chambre mais c'est dans la précipitation et la panique qu'elle fonça sans faire gaffe vers son père, qui titubait. Il baissa les yeux vers elle, fronçant les sourcils :
- T'es là toi ?
- Euh...
- Putain, mais j'hallucine. Quand est-ce que tu vas crever, nom de Dieu ?
Ça y'est, ça recommence.
"Vas-y Manon, tiens le coup" pensa-t-elle.
- Pousse-toi de là.
Son père la poussa violemment sur le sol tout en lançant un "traînée" avant de partir. C'était tous les jours comme ça. Son père qui la maltraitait, abusait, frappait sans cesse. Et ça depuis la mort de sa mère, il ne lui avait plus donné aucune attention.
Mais pourquoi était-il devenu si froid avec elle alors qu'il a été jusqu'à tuer sa mère pour la garder ?
À chaque fois qu'elle se posait cette question, elle essayait d'y trouver une réponse, seulement rien ne lui venait à l'esprit. Parfois, son père lui marmonnait des phrases comme "pourquoi je t'ai gardé" ou encore "j'aurais dû te tuer toi et ta mère"... et pour la jeune brune, moralement, elle en souffrait terriblement. Et depuis ce terrible jour, elle n'avait eu aucun soutien, aucun réconfort.
Elle se mit à pleurer en entendant son père hurler depuis le salon. C'était un hystérique. Un fou. Elle avait besoin d'une autre personne pour la soutenir, pour lui dire de ne pas tout abandonner. Sa mère.
Seulement, elle n'était plus là. Depuis 10 ans maintenant.
Sa mère voulait juste protéger sa fille. C'était tout ce qu'elle voulait. Son père, qui déjà, ne supportait pas d'avoir été quitté, ne l'entendait pas de cette oreille, et voulait récupérer sa fille, par n'importe quel prix. Et c'est en séquestrant et brûlant sa mère qu'il avait réussi à la lui arracher des mains. Le pire, c'est que Manon était là. Elle avait vu toute la scène. Elle se souvenait de tout : des cris, des pleurs, des flammes qui entouraient le corps de sa mère, et la fumée insupportable qui envahissait ses poumons.
- J'en peux plus... maman, j'en peux plus...
Elle essuya ses larmes, et prit une grande inspiration. Même si c'était compliqué, elle devait l'assumer maintenant. C'était son choix.
Elle fouilla alors dans son tiroir pour en sortir une boîte de pilules. Juste une bouchée. Une seule bouchée et ce sera fini. De toute façon, qui laisserait-t-elle derrière elle si elle mettait fin à ses jours ?
Alors qu'elle avait les pilules dans ses mains et qu'elle s'apprêtait à en finir, son téléphone se mit à vibrer sous elle. Elle sursauta puis le prit rapidement pour y lire un message de Kirua :
"Si tu as un problème, tu nous en parles, ok ?"
Elle couvrit sa bouche avec sa main, terriblement émue. Ses amis... c'est eux qu'elle allait laisser derrière elle... Ses larmes se remirent à couler sans le vouloir. C'était la première fois qu'elle s'en était fait. Et même si ça ne faisait qu'un an qu'ils s'étaient tous les trois rencontrés, elle ne pensait pas autant s'attacher à leur personne.
Quand bien même qu'ils soient là, on sait qu'une amitié ne dure pas éternellement. Ils finiraient bien par se lasser, voir pourquoi pas, la laisser tomber.
"J'arrive... maman..."
Elle avala les pilules en une bouchée, puis quelques minutes passèrent avant qu'elle ne tombe dans un profond sommeil. Voilà ce qu'elle voulait. Partir, reposer en paix afin de rejoindre sa mère.

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