Chapitre 12

1.3K 85 5
                                    


CHAPITRE XII

« Tu as toujours une famille »

Clarke ouvre difficilement les yeux, comme si elle avait dormi pendant plusieurs jours. Il lui faut une poignée de minutes pour rassembler les évènements de ces dernières heures et tout remettre en place dans son esprit. Une fois le puzzle reconstitué, elle se remémore qu'elle est loin de chez elle, complètement perdue et qu'elle est devenue orpheline. C'est comme si le souvenir de sa mère en train de lui parler ou de rire avec elle s'était déjà évadé, sans qu'elle ne puisse changer quoi que ce soit : elle a l'impression que tout est en train de lui filer entre les doigts. Clarke se lève d'une façon lasse, elle a le sentiment que tout ce qui se trouve autour d'elle devient flou, dépourvu de forme et de profondeur. Elle se met à marcher, les épaules courbées et n'ayant pour seule mélodie que le silence, résonnant dans ses oreilles et dans sa tête.

Clarke trouve que tout cela est dépourvu de sens, c'est vrai, à quoi ça rime ? Elle ressent alors de la colère monter, et peu à peu, un ouragan de rage se déchaine en elle, mais elle ne sait absolument pas comment l'arrêter. La jeune femme se rappelle alors de la mort de sa mère, comment tout cela s'est déroulé. Pourquoi aucun médecin ne veillait sur elle ? Comment a-t-elle pu mourir alors qu'elle semblait aller bien ? De quelle manière cela est-il arrivé ? C'est complètement inadmissible qu'une telle chose se soit produite ! Clarke continue à se déplacer, d'une manière beaucoup plus énergique et déterminée qu'auparavant. Elle compte bien obtenir toutes ses réponses, et comprendre réellement ce qu'il s'est passé. Ils ont tué quelqu'un, ce n'est pas anodin : c'est impardonnable, inexcusable et doit être puni. La tornade blonde arrive à l'intérieur du bâtiment et se dirige vers la chambre de sa mère, mais une fois arrivée devant, toute cette rage retombe aussi vite qu'elle est arrivée pour laisser place à un autre sentiment : de la culpabilité.

Elle se rend compte qu'au lieu d'accuser les autres et de trouver un coupable à cette mort, elle devrait d'abord se regarder dans un miroir. Clarke sent alors une rafale de culpabilité éclater en elle, et ce sentiment est bien pire que la colère qu'elle ressentait précédemment. Elle a l'impression d'être complètement inutile et remet en cause toute son existence. Abby est morte. Et ça changera la vie de plusieurs individus bien sûr mais dans une centaine d'année, sa mort sera oubliée, ensevelie, comme si elle n'avait jamais existé, ni elle ni la majorité des personnes se trouvant dans cet hôpital. Tout le monde souffre dans sa vie, c'est inévitable, cette douleur que l'on ressent. Mais la véritable question est : pourquoi ? Pourquoi se faire mal à ce point, étant donné qu'on tombera tous dans l'oubli un jour ou l'autre. La jeune femme essaie de ne pas penser à toutes ces interrogations se bousculant dans sa tête, ces questions sur la mort de sa mère, cette énigme sur la vie.

Clarke fait demi-tour et prend place aux côtés de tous ces gens qui attendent des nouvelles de leur mère, père, frère, sœur, ami... Son cœur se gonfle de chagrin lorsqu'elle aperçoit les larmes d'une petite fille coulant le long de ses joues en un violent torrent de tristesse. Elle se souvient alors des nombreuses opportunités qu'elle a eu de tendre la main vers sa mère mais où elle ne l'a pas fait. Ça allait de l'aider pour quelque chose de futile comme débarrasser la table ou faire la vaisselle à des choses plus sérieuses : par exemple ne pas avoir été présente à ses côtés lorsque son père est mort. Elle se rend compte que lorsqu'elle a perdu une figure paternelle, Abby a dû laisser derrière elle son mari, l'homme qu'elle aimait. Clarke s'en veut terriblement de ne pas avoir su profiter de sa mère lorsqu'elle le pouvait, elle le regrette amèrement désormais.

La jeune femme sent tout sentiment positif restant s'enfuir aussi vite qu'un cheval au galop pour laisser place à une intense et gigantesque tristesse prendre place dans tout son corps. Ce puissant chagrin l'envahit de toutes parts, sans qu'elle n'y puisse quoi que ce soit. Tout ce qui lui reste désormais se résume à un trou béant dans son cœur, et elle n'a absolument aucune idée de comment le reboucher. Elle remarque à peine lorsque Wells arrive précipitamment vers elle, un air désolé collé sur le visage. Clarke en avait presque oublié ce qui lui restait : Wells, Octavia et Bellamy. Mais c'est compliqué de voir le bon côté des choses lorsqu'il se résume à trois amis étant donné qu'à eux quatre il leur reste seulement un parent sur huit, qui soit dit en passant n'est pas réellement un modèle à suivre. Evidement qu'ils sont adultes, mais cela ne change rien : c'est toujours une épreuve difficile, limite insurmontable de voir partir quelqu'un à qui on tient et qui plus est nous ayant élevé et aimé durant toute notre vie. Clarke a la sensation que tout autour d'elle se déroule au ralenti : les conversations plus ou moins mouvementées qu'entretiennent les personnes à proximité. Les médecins poussant le plus rapidement possible les brancards pour arriver au bloc. Tous ces bruits auxquels elle ne fait jamais vraiment attention : ces pleurs, ces bips incessants provenant d'un peu partout, le bruit des civières roulant à toute vitesse sur le sol. Tous ces sons auxquels elle a toujours été habituée étant donné qu'ils provenaient de son lieu de travail qu'elle identifiait jusqu'alors comme une maison, lui semblent maintenant refléter tout sauf quelque chose où elle se sent chez-elle.

Tout quitter pour tout changerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant