Je poussai un soupir de lassitude en croisant les bras sur mon torse, observant les chefs de plusieurs camps faire de la diplomatie. Cela faisait plus d'une heure qu'ils causaient, et cela commençait réellement à m'ennuyer. Les conseils de ce genre étaient de plus en plus frequents, et je n'y parlais pourtant jamais, et m'y ennuyais à mourir, pourtant, j'étais convié par Jack à chacun d'eux, qui tenait absolument à ce que je sois présent.
– Ton avis Lassa, m'interrogea soudainement quelqu'un.
Je levai les yeux vers mon protecteur, qui me regardait avec insistance, puis portai mon regard sur les autres représentants étrangers.
– Je suis d'avis que vous êtes bien mieux placer que moi pour ce genre de réflexions, soit, je me range entièrement de ton côté, débitai-je platement.
Les hauts dirigeants hochèrent les uns après les autres la tête, apparemment sastifaits, et la réunion fut close. Jack salua chaleureusement tout le monde en parlant dans différentes langues, que je reconnus comme étant des langues anciennes, telles que l'espagnol, l'italien, et ce que je crus être de l'arabe, puis, la dernière main serrée, il se tourna vers moi en souriant.
Je me contentait de le fixer, sans même dissimuler mon ennuis, et il vint à ma rencontre en ricanant.
– Ça alors, notre alliance contre les pays du monde civilisé ne cesse de s'agrandir, ce conseil nous a offert tant d'opportunités ! Nous touchons au but, me dit-il en m'entraînant vers la sortie.
– Si tu le dis, marmonnai-je vaguement.
Il me lança un regard rieur, et me frappa gentiment dans le dos.
– Tu n'as absolument rien écouté de la réunion, affirma-t-il.
– Évidemment que non, acquiesçai-je en esquissant un sourire.
Nous nous tûmes un instant, puis éclatâmes de rire.
– Bon sang Lassa, tu ne changeras donc jamais, tu es épuisant, souffla-t-il en reprenant son souffle.
– Mmh, les habitudes tu sais...
Il me lança un étrange coup d'œil, qui je dois l'avouer, m'inquiéta.
– Tu sais, je vais sur mes cinquante-cinq ans, commença-t-il.
Aïe ! Cette conversation prenait une mauvaise tournure.
– Je ne serai bientôt plus en état d'être à la tête d'un peuple, continua-t-il.
– Et alors ? T'as pas cent piges que je sache, ironisai-je en tentant d'esquiver la suite.
– Arrête de faire l'idiot petit, tu sais bien de quoi je veux parler ; après tout ça, notre camp, l'Alliance, voudront un nouveau représentant, jeune...
– Oh merde Jack, tu m'emmerdes !, m'écriai-je. Tu as Alizée ! Et combien de fois je t'ai répété que je n'avais pas l'âme d'un leader ? Je suis juste un gars qui veux une vie pénarde. Bon sang, Alizée est tellement mieux qualifiée : elle te supplie sans cesse de pouvoir assister aux conseils, elle est toujours à s'informer, elle a un esprit critique, et tout ce que tu veux. Elle ferait un successeur parfait !
– Alizée est faite pour diriger une armée, pas un village, et encore moins toute une population, répliqua-t-il. Lassa, soupira-t-il en posant une main sur mon épaule, cela fait quatre ans que tu es parmi nous, et tu es comme un fils pour moi ; tu as peut-être un passé obscure, mais tes idéaux sont identiques des miens : tu as eu le courage et la force de fuir une tyrannie, tu es d'une diplomatie sans égale, même si tu refuses de le voir, ajouta-t-il en me voyant rouler des yeux, tu es la personne sur laquelle je compte le plus et... Fiston, tu es celui que je veux pour me succéder.
Je me fis violence pour ne pas répliquer, et pour ne pas lui faire part de mon dégoût pour la politique, et tout ce qui s'y rattache, pas la peine de lui faire avoir des soupçons quant à ma vie aux cités de l'Intérieur.
J'hochai brièvement la tête pour lui signifier que j'avais bien compris, et le dégager de son emprise pour aller marcher un peu. L'envie de le transformer et d'aller faire un tour me traversa l'esprit, mais une voix m'interpella, me donnant le sourire.
Je me retournai vivement, et esquivai de justesse la personne qui voulait me plaquer. Il soupira bruyamment, puis sans rancune, me serra affectueusement dans ses bras.
– Tu arrives toujours à esquiver, c'est vraiment pas drôle, bouda-t-il en le donnant un coup de poing dans l'épaule.
– T'es juste pas assez rapide, ricanai-je.
Théo, était un jeune sang-mêlé du camp de Jack, que j'avais rencontré quelques jours après ma désagréable arrivée ici. C'était un garçon fort sympathique, de quelques années mon cadet, mais le dépassant en taille de pas mal de centimètres. Môsieur faisait un mètre quatre-vingts-dix, a fait une tignasse rousse en bataille, dont il se plaignait sans cesse, lui tombant devant ses yeux gris acier. Son nez était couvert de tâches d'un rousseurs, et il était pourvu son caractère orageux qui agaçait la plupart des gens.
J'avais tout de suite sympathisé avec lui, et nous étions inséparables, toujours à se mettre dans des ennuis pas possibles...
– Tu avais l'air totalement abattu avant que je n'arrive, la réunion s'est mal passée ?, m'interrogea-t-il.
– Hum ? Oh non c'est pas pour ça, juste euh, marmonnai-je en me grattant la tête, Jack me bassine encore avec cette histoire de succession et j'arrive pas à lui expliquer sans me griller que je ne veux pas.
– Dis-lui clairement non, un non catégorique !
– C'est pas aussi simple, il veut des arguments, et si je lui dis platement « désolé mais en fait, j'ai déjà été à la tête d'un gouvernement, entre autre, et je veux pas rééditer l'expérience parce que mon gentil papa, que vous connaissez bien hein, Adrian Elrrrrros, insistai-je en exagérant le "r", m'en a totalement dégouté ! » Alors ? Ça donne quoi ?
– Hum, ça donne qu'il te zigouillerait probablement dans les secondes qui suivront, lâcha Théo en haussant les épaules. T'as raison, mauvaise idée.
Oui, Théo sait qui je suis réellement, à l'inverse de tous les autres du Monde Oublié, à qui je n'avais rien dit pour éviter de finir en prison... Ce gamin lui, l'avait naturellement pris, sans même remettre en cause les raisons pour lesquelles j'étais ici, sans également m'indiquer de traitre et me dononcer illico. J'avais une confiance aveugle en lui comme il avait une confiance aveugle en moi. Je lui avais raconter ma vie entière, en passant par ma défunte mère surnaturelle, par Kaliska, et ma fuite. Nous étions frères d'armes, et nous protégions mutuellement.
– Bon, commença-t-il en s'étirant, on va chasser un peu ?
La chasse. Théo était un sang-mêlé, l'un des seuls du village d'ailleurs, et possédait des sens surdéveloppés, accompagnés d'une intelligence stratégique et anticipatrice inégalable.
La chasse était alors son passe-temps favoris où il pouvait utiliser ses compétences librement, n'était jamais solliciter par Jack ou même par quelconque personne dans le camp, c'était le seul moment où il se sentait utile et existé. N'allez pas croire que c'était un sadique, je dis « chasse », mais il s'agissait plutôt de traque, car jamais il n'attentait la vie d'un animal, il laissait cela aux chasseurs du village. L'idée d'ôter la vie à un innocent, animal ou humain, le révulsait, alors il se contentait de traquer, et de relâcher.
– Oh, ici la Terre, dit-il en claquant des doigts sous mon nez.
– Oui pardon, si tu veux, tant qu'on empiète pas sur le territoire des Timajis...
Il me lança un regard de défi, et partit en courant vers la forêt. Je soupirai : il me mettait au défi de le rattraper ! Tant pis pour mes fringues, je m'accroupis, et me métamorphosai en canidé dans un bruit de tissu déchiré, et partis à vive allure rejoindre cet effronté.

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Surnaturelle
FantasyLes morts se relèvent, et viennent chercher la dernière d'entre eux, la dernière des Surnaturels. Je suis un sang-mêlé, qui dans l'ombre, se bat pour la liberté ; je m'appelle Lassa Elros, et voici mon histoire.