Memoria

Chapitre 18

Je vis Taehyung s'agiter, totalement indifférent à la souffrance de Yoongi. Il fouilla dans l'armoire et en ressorti une grosse valise. Il commença à vider la penderie puis les étagères. Non. Pas tout de suite.

- Nous allons devoir partir plus tôt que prévu Kookie.

Non je ne voulais pas partir. Je voulais rester ici avec Yoongi. Je ne le quittais pas du regard, je le suppliais mentalement de tenir le coup. Encore un petit peu. Taehyung compris rapidement notre petit manège.

- Tu ferais bien de lui dire au revoir, tu ne le reverras plus.

Je recommençais à pleurer. Je craquais, j'étais à bout. Tout ça était allé beaucoup trop vite. Tout était de ma faute. Entièrement. Si je n'avais pas rencontré Yoongi ce jour-là rien de tout ça ne se serait produit. Taehyung m'aurait emmené avec lui et j'aurais été le seul à souffrir. C'était bien mieux comme ça. Je soutenais toujours le regard de Yoongi, qui au fil des secondes se faisait plus vide, plus fuyant. Puis d'un seul coup il m'adressa un sourire tendre, bien que déformé par la douleur, et je perdis son regard.

Non pas ça !

Au même moment des pas lourds et précipités se firent entendre dans l'appartement.

- Police !

Enfin, nous étions sauvés.

Les hommes en uniformes se ruèrent sur Taehyung et l'immobilisèrent au sol. Immédiatement je m'agitais sur mon lit. Un des hommes s'approcha de moi et me libéra. Je ne lui laissais pas le temps de me poser la moindre question et me précipitais sur Yoongi. Je pris sa tête entre mes mains, et le secouai, le suppliant désespérément de reprendre conscience.

- Celui-là est blessé, faites venir les ambulanciers !

Un des hommes armés c'était adressé à son collègue, et quelques instants après je vis entrer deux hommes en blouses blanches portant une civière et du matériel de soin. Je hurlais, alors qu'on tentait de m'éloigner de Yoongi. Non, je ne voulais pas le laisser. Pourtant je n'en eus pas le choix, et deux bras m'agrippèrent fermement pour finalement me faire asseoir de force sur le lit. Un des hommes s'occupa de ma cheville et coupa la chaîne à l'aide d'une pince. Je ne cessais de m'agiter et de me débattre. Je voulais qu'ils me laissent tranquille. Je tentais vainement de me soustraire à cette poigne, et ils décidèrent finalement de passer à une solution plus radicale.

- Apportez une seringue de tranquillisant, il est beaucoup trop agité je n'arrive pas à le calmer !

Ah non alors ! Je continuais à me débattre, cognant et griffant. Mais l'étreinte se fit elle aussi plus forte et tandis que je protestais furieusement contre ces hommes qui pourtant étaient là pour nous aider, je sentis une piqure dans mon bras. Merde.

Immédiatement ma vision devint floue et je me sentais flotter. On m'allongea dans le lit, et il ne me fallut pas plus d'une minute avant de sombrer.

Yoongi, je t'en prie, tiens bon.

Je m'étais réveillé quelques heures plus tard. Encore cette chambre d'hôpital, encore cette chemise de nuit. Encore du déjà-vu. Retour à la case départ. Sauf que normalement, à la case départ Yoongi était encore en vie, or, à ce moment précis je n'en avais absolument aucune certitude. Je tentais de me redresser et sentis quelque chose dans mon bras. Une perfusion. Je devais être déshydraté. Tant pis, je dois savoir. J'arrachais précautionneusement l'adhésif et retirais l'aiguille, non sans un gémissement de douleur. Je devais retrouver Yoongi.

J'étais encore faible, et je chancelais légèrement en descendant du lit. Une fois le vertige passé, je me dirigeais vers la porte mais alors que je tendais le bras pour saisir la poignée elle s'ouvrit devant moi, sur une infirmière.

- Jeune homme vous devez rester allongé !

Je me fichais éperdument de ce que je devais faire, tout ce que je voulais pour le moment c'était le revoir.

- Laissez-moi passer.

J'étais froid. J'étais inquiet, mort d'inquiétude même. Et celle-là venait me faire chier pour que je retourne me coucher, hors de question. Elle baissa le regard sur mon bras gauche.

- Vous avez enlevé votre perfusion en plus ! Vous avez été blessé, vous ne pouvez pas bouger de votre chambre pour le moment.

Cette fois c'était trop. Je n'en pouvais plus d'attendre, de ne pas savoir.

- Mais je dois aller le voir !

Elle parut perplexe.

- Mais de qui parlez-vous ?

Elle sembla réfléchir un moment puis releva brusquement la tête vers moi, me pointant du doigt.

- Mais oui ! Vous êtes le jeune-homme arrivé en même temps que celui avec une blessure à l'abdomen. C'est bien de lui que vous parliez ?

Blessure à l'abdomen ? Oui ça ne pouvait être que Yoongi.

- Oui c'est ça ! Vous savez comment il va ?

Elle avait capté cette lueur désespérée dans mon regard. Je priais intérieurement pour qu'elle me sorte la bonne information.

- Non je n'ai pas eu de nouvelles, mais si vous voulez je peux aller en demander.

J'acquiesçais vivement. J'allais enfin savoir. Je commençais à m'incliner pour la remercier mais me relevais aussitôt, dans un couinement de douleur, ayant oublié que j'avais pris de nombreux coups dans les côtes. Elle me lança un regard réprobateur.

- Et vous allez vous recoucher, vos blessures sont encore présentes. Je vais demander, vous ne bougez pas de cette chambre.

Je lui offris un sourire timide compte-tenu de l'incertitude de la situation et partis aussitôt me recoucher. Pour une fois j'allais écouter ce qu'on me disait et patienter, malgré l'attente insupportable. Heureusement pour moi elle ne mit pas trop de temps à revenir, et arborait un visage calme. Plutôt rassurant.

- Votre ami est tiré d'affaire. Ils sont en train de terminer l'opération et il n'y a aucune complication. Vous pouvez être rassuré.

Et je l'étais. Tellement qu'un immense sourire se dessina sur mon visage alors que des larmes commençaient à dévaler mes joues. Tout ce qui c'était passé ces derniers jours était en train de retomber. Yoongi était vivant.

L'infirmière vit mes larmes et s'empressa de me donner un mouchoir en posant sa main sur mon épaule.

- Si vous voulez je peux demander à ce qu'il soit transféré dans votre chambre.

Je la remerciais silencieusement, à travers mon regard humide. Tout était fini. Enfin.

- L'opération sera finie d'ici un quart d'heure le temps de recoudre et de protéger la plaie. En attendant, donnez-moi votre bras, je vais remettre votre perfusion. Vous devez la garder encore un peu.

Je la laissais faire, complètement amorphe. Je ne parvenais pas à réaliser. Le retour à la réalité était plus dur que prévu. Je n'avais même pas cillé lorsqu'elle avait réintroduit l'aiguille, et voyant mon manque flagrant de réaction, et m'adressa simplement un sourire réconfortant avant de quitter la pièce.

J'allais revoir Yoongi. Vivant.