VI

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J'avais pu passer des heures seule avec Joshua, regrettant simplement qu'Anthony ne puisse pas nous rejoindre. Mais au vu de l'heure tardive, il avait été ramené chez nous – cette maison qui n'était plus la mienne, mais je ne parvenais pas encore à m'y faire – afin d'aller se coucher, gardé par Helena. Mon seul soulagement était qu'il était entre de bonnes mains et que je pouvais tout de même être avec mon jumeau. Tout allait tellement être différent à partir de maintenant, je le savais depuis un moment, mais le fait d'y être pleinement confronté m'angoissait plus que je ne l'aurais cru. J'étais dans une chambre, qui devait être la mienne, celle que je partage avec l'homme que je venais d'épouser, mais je ne m'y reconnaissais pas du tout. Je ne verrais plus mes frères autant que je le voudrais, je ne verrais pas non plus autant Helena et Edmond. J'étais en train de perdre tous mes repères et je n'avais même pas eu le temps de m'en faire de nouveau.

Quand Joshua avait dû partir, m'abandonner, à mon plus grand regret, j'avais décidé de me changer et de retirer enfin cette robe de mariée qui me donnait de plus en plus le sentiment de couper ma respiration. J'enfilais la toute nouvelle robe de nuit qu'on m'avait offert pour l'occasion, me laissant de nouveau emporter par une nouvelle angoisse. Je n'avais aucune idée de comment Arthur voyait les choses, de ce qu'il avait l'intention ou même l'envie de faire. De mon côté, ce que je savais, c'était que j'avais simplement envie de m'enfermer dans une grotte, loin d'ici. Ou mieux, de revenir en arrière, avant que mon père ne décède et que tout ça ait lieux. Malheureusement, c'était impossible. Je pris donc simplement le parti de me coucher, sans savoir quand Arthur viendrait de toute façon et en priant finalement pour que ça soit le plus tard possible. Je me glissai donc dans les draps fins du lit que je devais partager à présent avec cet homme, dans le but de dormir, sans arriver pour autant à fermer l'œil.

Ce ne fut qu'au bout de nombreuses heures, sans que je sache exactement combien, que j'entendis la porte de la chambre s'ouvrir de nouveau doucement. J'étais allongée dans le lit, sur le côté, mon regard tourné vers le mur en face de cette porte. J'aurais peut-être dû me retourner, mais je ne le fis pas. Je me contentai de rester là, tentant de garder un rythme de respiration normal, tendant cependant l'oreille pour comprendre les bruits que j'entendais. Ce n'était pas évident, puisqu'il semblait qu'il fasse en sorte de ne pas trop faire de bruit. Mon cœur s'emballa un peu en entendant qu'Arthur – puisque ça ne pouvait évidemment qu'être lui – était en train de se déshabiller. Après plusieurs autres bruits de tissus, je le sentis se glisser à son tour dans le lit. Puis, plus rien, il ne bougea pas et je compris rapidement qu'il s'était endormi. Ce fut presque comme une libération pour moi et je pus enfin trouver le sommeil à mon tour.

Quand j'ouvris les yeux de nouveau, le soleil frappait déjà fortement la chambre par la fenêtre aux volets ouverts. Je n'avais même pas prêté attention au fait qu'ils n'étaient pas fermés la veille. Le lit était vide. Il n'y avait de trace d'Arthur que ses vêtements de la veille posés négligemment sur le sol, dans un coin de la chambre. Mon regard se perdit un moment sur cette chambre justement, qui me semblait encore plus étrange maintenant à la lumière du soleil. Et dire que j'allais sûrement y passer le reste de ma vie... Je ne fus sorti de mes songes que lorsqu'on frappa à la porte.

– Entrez ! À peine j'avais prononcé ce mot, que la porte s'ouvrit sur une jeune femme, un peu plus jeune que moi.

– Bonjour Madame, dit-elle d'une voix presque timide s'arrêtant devant la porte qu'elle avait fermé à son entrée. Elle portait dans ses bras un tas de vêtement. Je suis votre servante, Sofia.

Je ne savais même pas que j'aurais une femme de chambre. Peut-être que ce détail avait été abordé lors de quelques rendez-vous avec ma mère et la mère d'Arthur, mais je ne m'en souvenais pas. J'étais un peu surprise par cette nouvelle et Sofia sembla prendre cela comme de la réticence.

L'amour d'une sœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant