Les pages suivantes étaient toutes tâchés d'encre. Je ne parvenais pas à savoir s'il y avait eu des écritures sous l'encre ou si les pages étaient vierges. J'avais beau tourner ces dernières, je ne trouvais plus rien de la fameuse « E ». Du moins, jusqu'à ce qu'un parchemin tombe du carnet alors que je tournai encore frénétiquement les pages. L'écriture de ce parchemin me rappelait celui de « E » et je m'empressai de lire.
*
J'ai mis beaucoup de temps avant de parvenir à mettre au point tout ça, mais j'y suis enfin parvenu. Je ne sais pas si quelqu'un lira un jour ces mots et sans doute que ça n'aura guère d'importance, parce que je me contente de faire ce que je dois faire.
J'ai réuni tous les ingrédients, tout ce qu'il me fallait pour lancer cette malédiction. Je crois que je n'ai jamais autant touché à la magie noire. Mais elle n'est qu'un salue à mes yeux en cet instant précis.
Il vivra sans doute heureux avec sa nouvelle famille, je lui souhaite d'être heureux oui. Il doit vivre heureux. Parce qu'il doit souffrir de tout perdre ensuite. Il perdra tout. Il devrait tout perdre pour ressentir ce que je vis à présent.
Et je ne veux plus jamais rien ressentir, pour qui que ce soit, pour quoi que ce soit. Il était le seul, l'unique, la personne que j'aimais plus que moi-même et ça sera le cas jusqu'à ma mort. Je le hais, autant que je l'aimais, à présent pour la façon dont il a broyé mon cœur. Pour le manque de soutien... Je ne souhaite pas ce malheur à quiconque, à toutes ces femmes qui risqueront de vivre la même chose que moi. Alors, elles ne le vivront pas.
*
Le courrier s'arrêta là, mais je ne pus m'empêcher de le relire de nombreuses fois, afin de comprendre tout ce qui était indiqué. Je m'attardai plus longuement sur ce mot : « malédiction ». J'avais compris que la fameuse « E » avait des capacités magiques, mais maintenant j'étais en train de me demander si je ne tenais pas dans mes mains le carnet de la femme qui avait provoqué toutes ces histoires, l'écriture de tous ces journaux, cette angoisse constante que j'avais de perdre mon frère. Elle n'était pas une ancêtre, ou pas vraiment, elle était celle qui était la cause de tout ça.
Mes mains tremblaient alors que je le comprenais, ne sachant pas réellement comment je devais réagir. Parce que je savais que si elle était responsable, si elle était cette sorcière qui avait causé autant de malheur, alors je devais normalement la détester. Parce que c'était à cause d'elle que Joshua allait partir, sans doute bientôt, et que j'allais terminer ma vie seule. À cause d'elle qu'aucune femme de notre famille n'ait pu avoir une vie de famille normale et qu'elles avaient vu leurs frères se dissoudre. Et en même temps, elle me faisait tellement de la peine que je ne parvenais pas vraiment à la détester. Quand bien même, j'ignorais encore beaucoup de son histoire.
Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il pouvait bien être, finalement, mais je savais que je ne trouverais dans tous les cas pas le sommeil tant que je n'en saurais pas un peu plus. Si j'étais réellement capable d'en savoir plus. Sans perdre plus de temps, je montai dans ma nouvelle pièce. Je me doutais que ça ne servait à rien que je fouille dans les journaux de mes ancêtres. Quand bien même l'une d'entre elle avaient eu le fin mot de cette histoire, je n'avais pas du tout le courage de tout lire. Mais je me disais que je pouvais trouver quelques réponses sur notre arbre généalogique, remontant le plus lointaine possible. J'observai tous les noms, les uns après les autres, cherchant le moment où tout avait pu commencer. Et je le trouvais. Mon regard s'attarda longuement sur le prénom « Christopher ». C'était lui, sans doute. Cet homme qui avait fait autant de mal et qui avait provoqué nos malheurs à tous. Il avait été marié, il avait eu des enfants. Sa fille n'avait pas eu d'enfant et au vu de la date du décès de ses fils, ils n'avaient pas vécu très vieux. Suffisamment vieux pour avoir des enfants à leur tour et ainsi de suite. Mon regard s'attarda longuement sur ce nom, parce que je ne pouvais que le considérer responsable de tout cela.
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L'amour d'une sœur
General FictionQuand on est né dans une famille maudite, on n'a pas le choix que de vivre avec cette malédiction, même si elle nous semble particulièrement injuste. C'est l'histoire de Grace, une jeune femme devant faire avec la mort prochaine de ceux qu'elle arr...