Edmund me regardait avec de grands yeux, alors que nous nous trouvions dans la cuisine de la maison de ma mère, pendant que Helena était occupée à s'occuper du ménage. Son regard ne me quittait que quelques secondes dans le but de se poser sur la fiole que j'avais déposé sur la table de la cuisine, juste en face de mon ancien domestique. Pendant plusieurs longues minutes, il ne me dit rien du tout, se contentant de nous regarder, moi et la fiole, les mains tremblantes. Finalement, au bout d'un moment, il finit par reprendre la parole.
– Je ne peux pas faire ça, me dit-il et je pus sentir son malaise dans sa voix.
– Je sais que c'est difficile, mais j'ai besoin de vous.
J'avais songé à demander directement à Helena de m'aider, puisqu'elle avait plus facilement accès à la nourriture que mangeait ma mère, mais je m'étais dis qu'elle n'accepterait jamais, qu'elle n'aurait pas les épaules pour une telle tâche. Je n'étais pas sûre que Edmund allait accepter, mais j'osais croire que je pouvais réussir à le convaincre. J'étais loin d'avoir encore dévoilé toutes mes cartes.
– Vous m'avez bien dit qu'elle avait tué Anthony... il ne méritait pas ça, repris-je en me montrant le plus sûre de moi possible. J'étais loin de l'être en réalité, mais il fallait que je me montre forte pour inspirer du courage à l'homme sous mes yeux. J'étais déterminée dans tous les cas, parce que ma mère devait mourir. La seule chose qu'elle mérite pour ce qu'elle a fait, c'est de mourir, terminai-je donc, dans le but de le convaincre.
– Je ne dis pas le contraire Madame Grace. Ça me faisait toujours bizarre quand il m'appelait Madame, malgré les mois qui s'étaient écoulés depuis mon mariage avec Arthur. Mais je ne peux pas faire ça, vous m'en demandez trop.
– Je ne sais pas pourquoi elle a fait ça à mon petit frère, mais cette femme est dangereuse.
Edmund baissa son regard, semblant regarder un instant dans le vide, les poings serrés sur la table. Je ne dis rien, me contentant simplement d'attendre qu'il reprenne la parole, espérant que ça soit pour finir par se laisser convaincre.
– J'ai... il sembla hésiter un instant, relevant ses yeux vers moi. J'ai découvert des bleus sur Helena, reprit-il avec une voix prenant soudainement un ton plus grave. Elle m'a dit qu'elle s'était cognée, mais...
– Ce n'est pas vrai n'est-ce pas ?
Je n'avais pas pu m'empêcher de le couper, comprenant parfaitement où il voulait en venir. Est-ce que je devais le croire ? Est-ce qu'il devait croire que ma mère était derrière tout cela ? Après la mort de Anthony, il valait mieux partir du principe que tout était possible.
– Vous voulez qu'elle soit la prochaine ? lui demandai-je vivement, dans le but de le faire réagir. C'était bas, je le savais, mais j'avais trop besoin de son aide pour ne pas user de toutes les cartes qui pouvaient se trouver dans mes mains. Et je m'inquiétais réellement pour Helena.
– Évidemment que non ! s'exclama-t-il, choqué par mes propos. Mais vous me demandez quand même de l'empoisonner, ce n'est pas rien. Et qu'est-ce que nous allons devenir ? Personne n'engagera des domestiques de notre âge maintenant ?
Il était temps que je sorte l'une des autres cartes qui se trouvaient dans ma main. Je plongeai ma main dans la grande poche de mon manteau que je portais toujours, pour en sortir une enveloppe que je déposai à côté de la fiole.
– Dedans, il y a assez d'argent pour vous permettre d'acheter une maison.
Peut-être pas un palace, mais quelque chose de suffisamment bien pour tous les deux.
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L'amour d'une sœur
General FictionQuand on est né dans une famille maudite, on n'a pas le choix que de vivre avec cette malédiction, même si elle nous semble particulièrement injuste. C'est l'histoire de Grace, une jeune femme devant faire avec la mort prochaine de ceux qu'elle arr...