L'amour d'une sœur

XIV

Quelques jours plus tard, les affaires de ma tante avaient été emportées chez moi. J'avais réquisitionné une des pièces de la maison – qui ne servait pour le moment à rien – pour en faire une sorte de bureau, ainsi j'avais un endroit où entreposer toutes ces affaires et surtout pour avoir l'arbre généalogique à portée de main. En espérant tout de même que je n'allais pas avoir besoin de le mettre à jour tous les jours. Sarah avait fait les choses bien, elle avait rangé les journaux dans de grandes caisses qui avaient permis de ne pas avoir besoin de faire trop d'aller-retour. Quand bien même, nous avions évidemment engagé des personnes pour le faire. Il ne me restait plus qu'à tout ranger dans les grandes bibliothèques.

J'avais hésité à juste les laisser dans les grandes caisses, dans un coin, me disant que ça ne servirait de toute façon pas, mais... j'avais finalement cédé à la tentation d'y jeter quand même un coup d'œil. Je savais bien que je ne pourrais jamais tous les lire et ça n'allait surement rien m'apporter de bon, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'être curieuse. Alors, j'avais profité que Arthur ne soit pas dans les parages et que La Belle soit occupée également pour me lancer dans les rangements.

En ouvrant la première grande caisse, je découvris un message de ma tante. Un mot, à mon adresse avec un journal qu'elle avait écrit de sa main, en me disant qu'elle apportait sa pierre à l'édifice, même si ça ne changerait rien. C'était accompagné d'un journal vierge aussi... qu'elle m'offrait. Cette pensée me serra le cœur, même si c'était une jolie intention. Je ne savais pas vraiment si j'avais envie de parler de tout ce que je vivais. Pour le moment, en tout cas, ce n'était pas du tout le cas. Je rangeais ça dans un coin, ne sachant pas si j'allais m'aventurer à lire le journal de ma tante. Ça me semblait encore trop proche et elle était encore en vie, je n'avais pas spécialement envie de la lire parler de mon père, de nous. Peu être plus tard. J'entrepris donc de ranger petit à petit les journaux, en les feuilletant avant de les installer sur les étagères. Il y avait divers journaux, de différentes qualités et on voyait que certain était vraiment plus vieux que d'autres. Je les ouvrais en grande partie par instinct, certain m'attirant plus que d'autre. Même si de toute façon, je ne lisais pas suffisamment profondément pour encore me faire une idée de tout ça. Ça allait être long, très long de tout ranger. J'avais déjà rempli plusieurs étagères d'ailleurs, quand mon attention fut attirée par un journal caché dans un autre. C'était un peu comme si en étant rangé, il avait glissé dans un autre plus grand. Il était petit, vieux, très sobre, fermé par une lanière en cuir. Il n'y avait qu'un grand « E » inscrit sur la couverture noire. Je ne la quittais pas du regard d'ailleurs, jusqu'à ce qu'on vienne frapper à la porte.

– Le diner est prêt Madame, entendis-je à travers la porte.

– J'arrive.

Je partageai le dîner avec La Belle, dans la chambre de celle-ci, puisque Arthur devait normalement rentrer tard du travail et que je n'avais pas du tout envie de dîner seule. Et pour la sécurité de tout le monde, la femme qui devait me donner son enfant mangeait dans sa chambre. Après le repas, je me contentai simplement de me rendre dans ma chambre, afin de me préparer pour dormir. Incapable cependant d'aller directement me coucher. Je m'installai dans mon lit, avec le journal intime miteux que j'avais gardé avec moi, pour commencer à le lire.

*

Je ne sais pas si c'est vraiment raisonnable de ma part, mais je ne peux pas m'empêcher de poser ces mots dans ce journal, simplement parce que j'ai besoin de le partager. Même s'il est évident que personne ne va jamais lire ces lignes, je vais cacher ce journal, de tout le monde. Ça sera simplement pour moi, mais j'ai besoin de poser des mots sur ce que je ressens. Sur ce que je vie.