Chapitre 4

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Les chambres furent faites, et nous y avions passé une bonne partie de l'après-midi. Nous n'avions mangé ni l'un ni l'autre, nous n'avions pas eu faim. Du moins, absorbés par nos discussions, nous n'avions pas vu le temps passer. Arriva 17h, et mon ventre se mit à gargouiller.

– Ah, c'est l'heure de la soupe ? Demanda Jenna.

– Malheureusement, je n'ai rien dans le frigo, admis-je. Il va falloir aller faire quelques courses.

– Eh bien allons-y, qu'est ce qu'on attend ?

Elle enjamba les cartons, le matelas, et même quelques coussins éparpillés dans la pièce.

– Tu comptes vraiment sortir comme ça, Jenna ?

Elle fit volte-face. Elle était couverte de peinture, de la tête aux pieds, sans exagération. Et j'étais presque certain que nous sentions la sueur tous les deux.

– On est sales, constata-t-elle. Et alors ? De toute manière, on ne sort pas pour plaire ? Alors à part si tu as l'envie folle de courtiser Mrs. Rosmerta à la supérette du coin, libre à toi de te doucher et de te préparer.

Elle n'avait pas tort. J'haussai les épaules, pris mon porte-feuille. Jenna m'arrêta dans mon élan.

– Quoi ? Fis-je, surpris.

– C'est moi qui paye cette fois-ci, objecta-t-elle.

– Ne dis pas de sottises.

– J'insiste ! Tu as payé les pizzas hier, je paye le repas de ce soir. Et je sais exactement quoi acheter pour nous préparer un bon petit repas !

Elle sautillait déjà sur place. Elle ne cessait de me surprendre. J'acquiesçai, et la suivit, fermant la porte de la maison derrière moi. Elle prit les clés de sa voiture dans sa poche et entra dans son bolide. Un vieux taco retapé par notre père il y a quelques années. Elle l'avait depuis ses 16ans, et ne s'en était jamais séparé. Mieux encore, elle en prenait soin comme si c'était son bébé.

– Elle va tenir la route, si je monte à l'intérieur ? Lui demandai-je souriant.

– Mais il est spirituel le garçon aujourd'hui, dit-elle en levant les yeux au ciel.

Je me mis à rire, tout en montant à l'intérieur. Elle me tira la langue, et s'installa derrière son volant. Elle mit le contact, et commença à rouler. Une chanson passa à la radio. Elle me fit tout de suite réagir. C'était « Soldier » de Gavin DeGraw. Je fis de mon mieux pour cacher ma tristesse, tournai la tête vers la fenêtre. Mon cœur s'emballa. Jenna chantait à tue-tête, elle ne semblait même pas remarquer que j'étais devenu morose. Tant mieux.

Cette chanson était la préférée de Thalia. C'était sûrement la chanson la plus parlante que je connaissais. La plus belle preuve d'amour que pouvait faire le chanteur à la femme qu'il aimait.

Jenna me regarda, continuant de chanter et sourire. Je lui servis un sourire, un peu forcé je l'admet, mais je ne voulais pas l'inquiéter. Elle n'avait rien remarqué. Elle ne perdait pas sa joie de vivre. J'aimais cette naïveté, cette innocence. Elle ne connaissait pas encore la souffrance, et je ne lui souhaitais pas.

La chanson se termina, et mon cœur se brisa à nouveau sur la dernière note. Une image me revint en tête. Thalia, assise derrière son piano, les yeux baignés de larmes, jouant cette même mélodie. Elle était très émotive, ressentait chaque son, chaque parole, comme si c'était une des siennes. Elle était entière, ne trichait pas, pas sur cela.

Tome 1 : Thalia [EN RÉECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant