5 - Nuit mouvementée

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Après ces paroles super rassurantes nous avons continué de discuter de tous et de rien pendant pratiquement toute l'après-midi, au point que le soleil commençait déjà à se coucher. Notre principal sujet de discussion avait été la différence. En gros, comment les autres nous percevaient, comment nos familles se comportaient avec nous, toutes les remarques que nous pouvions entendre et surtout le fait que, dorénavant la situation allait peut-être changer puisque deux monstres de foires étaient maintenant réunis à Mistreria. Pour la première fois de ma vie, je pouvais parler de ma " différence " sans pour autant me sentir triste. Non, pour une fois au lieu de sangloter en dessinant n'importe qu'elle chose un tant soit peu réconfortante, je me sentais prête à m'envoler. Je me sentais enfin libre, je pouvais enfin être moi-même.

Quand nous avons enfin remarqué que le soleil commençait à décliner à l'horizon, nous avons décidé de rentrer chez nous. Je pensais tranquillement retourner dans une maison où comme d'habitude je ne me sentirais pas à ma place, entre une mère qui voudrait que je sois plus à son image et un frère qui ne voudrait tout simplement pas que je sois là. Mais Sylvia avait préparé une surprise pour que je me sente moins perdue. Une surprise qui n'allait pas vraiment améliorer ma situation familiale mais uniquement changer ma vie. Et d'une façon vraiment traumatisante. Là vous devez vous dire que j'exagère alors lisez bien la suite et vous comprendrez.

" Ah ! Alix tu es là. Comme tu étais sortie on a monté ta valise dans une des chambres. Ton frère a été sympa il a bien voulu te laisser la plus grande. " me dit Sylvia à peine eu-je franchi le seuil de la maison.

" Ah. Ok, c'est cool. Et laquelle c'est ? " lui demandais-je pour pouvoir m'éclipser au plus vite et peut-être essayer de m'habituer à ce nouvel environnement.

" Celle de gauche. " répondit-elle simplement sans lever le regard de ce qu'elle faisait.

Lorsqu'elle me répondit cela les paroles de Steven me revinrent en mémoire et se mirent à tourner en boucle dans ma tête : " J'ai cru le voir un soir quand je dormais dans la chambre de gauche ... dans la chambre de gauche ... de gauche. " .

Comment Sylvia pouvait-elle rester aussi calme alors que moi, je sentais la peur monter doucement au fond de moi, me formant comme une boule dans le ventre, m'obligeant à rester immobile tellement elle pesait lourd. Il y avait un monstre dans ma chambre. Lorsque mon cerveau eu enfin mis le doigt sur ce qui me faisait aussi peur la boule prit deux kilos supplémentaires et je devins paranoïaque. Pour moi Laurian l'avait fait exprès. Il m'avait gentiment offert la plus grande chambre uniquement pour que je me fasse bouffer par le monstre qui l'habitait. Quand je disais qu'il voulait que je disparaisse j'avais raison finalement ! Le sale traître !

Une petite voix, celle de la sagesse, vint stopper toute cette paranoïa vraiment stupide en me disant : " Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu te rends compte à quel point tu es stupide ? Ce monstre n'est qu'une histoire, une histoire dont Laurian ignore l'existence puisque Steven te l'a raconté lorsque vous étiez juste tous les deux. Tu te fais des films pour rien. Si Laurian t'a laissé cette chambre là ça doit être uniquement dû à Sylvia. Et a dû lui demander de prendre la chambre de droite et il a été obliger de te céder celle avec le soi-disant monstre. Mais tu verras qu'il te fera la guerre pour récupérer la plus grande. Tu n'as vraiment rien à craindre, c'est juste une histoire après tout. "

Après ce petit monologue dans ma tête je pus enfin calmer mon rythme cardiaque et me mouvoir comme je l'entendais mais malgré ces paroles rassurantes je ne pouvais m'enlever de la tête que j'allais passer une très, très mauvaise nuit dans ce manoir hanté par des monstres imaginaires.

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Durant tout le reste de la soirée j'avais presque réussi à effacer ce monstre imaginaire de mes pensées mais pendant que je me mettais en pyjama et que je me brossais les dents une pensée, vraiment très bizarre, m'obsédait : j'avais combien de paires de chaussettes dans mon placard.

Oh, bien sûr je savais que c'était idiot mais quand même j'allais tout de même passer la nuit dans la chambre de gauche, celle où le monstre aimait prendre son casse-croûte, fait exclusivement de chaussette.

Je savais que ce n'était qu'une histoire à dormir debout créé pour faire peur aux enfants mais juste, au cas où, pour être sûre de ne pas faire une nouvelle crise de panique demain matin je me mis à compter mes paires de chaussettes.

Et bien sûr c'était à ce moment-là que Sylvia se décida à entrer dans ma chambre pour me dire bonsoir. " Maintenant elle a des TOC. " dû-t-elle penser en refermant la porte.

Après avoir compté au moins cinq fois de suite mes paires de chaussettes et même mes petites culottes et mes jeans - je suis vraiment très prévoyante - je me mis au lit.

Tandis que je me glissai doucement sous mes couvertures une nouvelle crise de paranoïa me saisit : " Je vais oublier. Je vais tout oublier et tout ce que j'ai faits ce soir n'aura servi à rien. J'aurai passé une demi-heure à compter mes sous-vêtements pour rien. ".

Je me relevai subitement, envoyant voler ma couverture à l'autre bout du lit, allai jusqu'à un carton où se trouvait quelques-uns de mes dessins et pris un brouillon sur lequel je notai la liste de tous mes vêtements. Je plaçai ensuite la feuille sous mon oreiller et pris une grande inspiration avant de remonter dans mon lit.

Je m'allongeai, fermai les yeux et essayai de penser à quelque chose de doux, d'apaisant pour pouvoir doucement partir dans le monde des rêves mais le temps ne devait pas vouloir la même chose que moi. En effet, dehors, un vent énorme s'acharnait sur ma fenêtre.

Ce vent ressemblait au sifflement d'un serpent géant, le bruit des branches sur la fenêtre aux coups qu'un être invisible donnait pour rentrer et le grondement des éclairs aux grondements de folie d'un monstre affamé. Pour combler cette scène d'horreur, la lumière de la lune mêlée à celle des éclairs faisait danser des ombres sur mon mur, des ombres prenant doucement la forme de monstre.

En panique totale, je décidai d'allumer ma lampe de chevet et de dessiner pour me calmer. Après quelques minutes durant lesquelles je vérifiai qu'aucune créature ne se trouvait dans ma chambre je pris le dessin du satyre que j'avais continué plus tôt dans la journée. Je comptais faire le haut de la tunique du satyre. J'avais remarqué que dessiner des détails m'aidait souvent à me calmer.

Je faisais les boutons de la tunique quand mon crayon commença à s'affaisser doucement, mes genoux tombèrent sur le côté, s'ordonnant parfaitement sur le matelas, mes yeux se fermèrent et ma tête trouva tranquillement sa place sur l'oreiller. J'avais enfin réussi à m'endormir !

Durant toute la nuit je ne fis que m'agiter : je rêvais de ce monstre informe venu pour me dévorer même si selon l'histoire il ne mangeait que des chaussettes, après tout un cauchemar est rarement logique. Plusieurs fois je me réveillai en sursaut lorsqu'il se jetait sur moi. A chaque fois j'allumais la lumière et regardais dans toute la chambre pour être sûre que rien n'était venu et que rien ne viendrai avant de pouvoir me rendormir.

Quelque fois j'entendais des bruits, des grincements dans la maison mais à force de persuasion - merci petite voix de la sagesse - je réussissais à retomber dans les bras de Morphée.

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Alors d'aprés vous y avait-il réellement quelqu'un chez Alix ? A-t-elle raison de ce faire des films ?

Dites-moi ce que vous avez pensé de ce chapitre et n'hésitez pas à laisser des commentaires et à voter.

Les Fantastiques (Tome 1) - L'Ombre dans le placard.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant