Noyade

20 2 0
                                    

  Elle est loin de moi. Les pieds cloués à la balustrade je l'observe occuper à danser. Son mouvement constant et irrégulier virevolte sous mon corps. Et cette magnifique couleur, d'un bleu foncé étincelant malgré son obscurité. Cette eau pourtant si simple me fait songer au paradis, une porte de sortie à ce monde douloureux, une obscure lumière. Cette délicate rivière me paraît profonde, elle doit cacher des milliers de secrets. Les secrets les plus improbables peuvent, malgré elle, disparaitre par sa faute.
Je passe une jambe;
Je passe l'autre jambe;
Je sens le vent battre contre mon corps, comme si la nature voulait m'empêcher de rejoindre cette beauté. Je suis désolée ma douce, tu n'y es pour rien mais je ne suis pas faite pour la vie.
Il suffit d'un pas, et je pourrai sentir cette eau sur mon corps, me chatouiller jusqu'à me tuer. Même les meilleurs de nos amis finissent par nous blesser. Mais je ne t'en veux pas, tu vas me libérer.
Un pas;
Je tombe. Une chute longue et attendue. Encore une fois le vent heurte mon corps dans le sens contraire à ma chute, il veut que je retourne les pieds sur terre. Mais mon coeur et ma tête souhaitent plus que tout atteindre l'eau. Mes orteils la touchent en premier, puis mes chevilles, ensuite mes jambes et en quelques millièmes de seconde je suis entièrement couverte d'eau. Pour la première fois de ma vie je suis heureuse, heureuse d'en finir. La température de l'eau me brûle la peau, un picotement qui arrête ma douleur mentale.
Je me noie.
Toujours de plus en plus profond
Mon âme s'enfonce avec mon corps dans ce liquide engourdissant. Mes membres sont paralysés, ma respiration bloquée.
J'effleure le fond de la rivière mais je ne réplique pas. Je laisse mon corps s'affaler complètement contre le sol. Je suis entourée de toute cette magie, la noirceur illuminée. Je vois à la surface de l'eau, les maisons tordues par les vagues. C'est tellement plus joli vu d'ici, je veux y rester éternellement. Sentir la caresse des vagues contre ma chair. L'eau, rentre en moi délicatement, goutte à goutte elle s'introduit dans mon nez, ma bouche et mes oreilles. Chaque pore de ma peau est comblé par mon eau. Mes pensées divaguent et perdent de leur logique. Je sens mon esprit s'en aller.
Enfin, je fuis cet endroit.
Je suis remplie, remplie d'eau, remplie de bonheur. Je laisse ma vue couler au rythme de la rivière.
Je l'ai rejointe, mon amie, nous ne faisons maintenant plus qu'un  

TextesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant