Le temps d'étude fut extrêmement monotone : il ressemblait en tous points à un jour normal, mis à part la légère tension dans l'air et les quelques mots d'encouragement que nous adressaient les plus jeunes. Plusieurs professeurs nous félicitèrent : tous avaient hâte d'assister à la cérémonie de demain. En effet, les rares adultes vivant à Dôme III étaient conviés mais ils ne devaient rien dire à propos de cet instant aux jeunes, nous laissant ainsi dans le flou le plus total. Aucun futur membre de la Société ne savait vraiment ce qu'il allait se passer mais de nombreuses rumeurs circulaient, toutes vraisemblablement fausses car personne n'était censé savoir la vérité. Je fus donc heureuse de prendre le chemin pour rentrer chez moi.
Je suis maintenant en train de fixer la porte de ma maison, songeant au fait que c'est une des dernières fois que je vais franchir sa porte, une des dernières fois que je vais glisser mon avant bras dans la fente de reconnaissance. Je rentre et, sur la table basse, je remarque tout de suite le paquet en plastique végétal légèrement opaque mais laissant tout de même deviner quelque chose de rougeâtre à l'intérieur. Je le déchire et je déplie précautionneusement l'uniforme couleur sang, l'uniforme que je devine réservé à cette occasion si particulière. Je ne l'avais jamais vu car la cérémonie ayant lieu au temps 12, tous les étudiants sont dans leurs salles de classe qui ne sont pas pourvues de fenêtres car cela aurait des conséquences sur la concentration des élèves. Je sais qu'il est parfaitement à ma taille car on nous mesure tous les mois pour adapter nos vêtements à nos formes et à notre corpulence. Je le replie et le repose doucement, en faisant attention à ne pas le froisser.
Je commande mon repas, je m'assois et je continue la lecture de mon livre. Je suis maintenant a la fin du chapitre sur la vie de Mathias et Shay Halter. Je viens de lire le passage sur le grand recueillement qui s'est déroulé après leur mort et j'ai maintenant sous les yeux une page détaillant la généalogie de cette grande famille. Nous sommes maintenant quatre générations après celle des Génies et leurs descendantes semblent toutes incroyablement charismatiques : en effet, Shay et Mathias on eu une fille, Lania, qui s'est marié et qui à également eu un fille et ainsi de suite. Toutes on eu une vie remarquable et palpitante. C'est alors que je vois la dernière photo et mes yeux s'agrandissent de surprise. Le portrait d'une femme au grand yeux noir est imprimé sur le papier. Ses cheveux sont d'un blond platine et ses traits parfaits. Pas de doutes possibles : il s'agit de la femme qui nous a transmis le message de l'avancement du jour tant attendu. Nathalia Halter, chef du conseil suprême et de la Société. Mes yeux restent rivés un moment sur la photo, ne pouvant se détacher de son visage sans défauts, sans aspérités. Sa biographie est rédigée sur la page suivante. J'apprend qu'elle mesure 1,90m, quelle dirige la Société depuis la mort de sa mère alors qu'elle avait seulement 17 ans, qu'elle maitrise à la perfection une bonne dizaine d'arts martiaux et qu'elle est passionnée par la création d'armes en tous genre. Elle a, entre autres, inventé le générateur plasma, dotant la majorité des armes actuellement. Il y en a quelques unes à Dôme III mais elles sont à la disposition des professeurs qu'en cas de circonstances exceptionnelles.
Je ferme le livre lorsque j'entends le livreur. Je me précipite vers la porte que j'ouvre rapidement et il me tend le plateau en souriant. Il part et je remarque la légère condensation qui s'est formé contre le couvercle en plastique végétal. Je fronce les sourcils car ce n'est, en théorie, pas possible : les liquide présents dans nos repas ne peuvent, en effet, pas s'évaporer. Je sens également, pour la première fois, une odeur particulière qui s'échappe du plateau. Je rentre, je m'assois et j'enlève la partie supérieure légèrement opaque : au centre se trouve un bol contenant un liquide orangé fumant et à droite, toujours les éternels cubes colorés. Je remarque alors le rectangle de papier posé a gauche du plateau. Un mot écrit sur celui-ci m'explique que pour notre avant-dernier repas on nous a préparé une mixture spéciale à base de légumes, denrée très rare de nos jour à cause de l'absence d'insectes pollinisateurs qui ont été tués par les virus, et que l'on a ajouté des nutriments pour l'équilibrer. J'hume la soupe et le délicieux fumet se répand dans mes narines. Je décide d'avaler les cubes en premier pour profiter pleinement de ce qui allait probablement être le meilleur liquide nutritif que j'avalerais à Dôme III. Les petits solides sont fades comme toujours et lorsque je goute la soupe, une gigantesque explosion de saveur secoue mes papilles. Je frisonne de plaisir et je me force à ralentir, à boire de petites gorgées pour savourer l'instant. Elle est exactement à la bonne température : ni trop chaude, ni trop froide, simplement tiède. Une fois entièrement vidé, je lèche goulument le bol pour ne pas perdre une goute du précieux breuvage, véritable nectar divin. Je regarde le plateau que je viens de poser dans le composteur avec une légère forme de nostalgie en repensant au gout du mélange de légumes. Je détourne le regard pour tenter d'oublier et je me rends à ma capsule de sommeil. Je modifie les réglages pour me lever au temps 8 et ainsi être reposée pour le grand jour. Je m'installe et le processus de fermeture démarre, identique comme toujours. Je ferme les yeux et je m'endors, ayant toujours dans la tête le gout exquis de la soupe. Je n'entendis donc pas le chuintement signifiant l'ouverture de ma capsule et je ne sentis pas non plus la grosse aiguille pénétrer la chair de mon bras droit et passer entre le réseau de fines veines pour y déposer un petit cylindre en métal.
Mon esprit est éveillé, alerte. J'attend la décharge car, pour une fois, ce n'est pas elle qui m'a réveillée ce matin. J'ouvre les yeux, et je remarque que ma capsule est ouverte. Je fronce les sourcil et j'entreprends de me redresser. J'enfile mes chaussures et je jette un œil au panneau de contrôle : tous semble normal. Je me gratte la tête tout en réfléchissant à ce qui a pu causer cette erreur. Soudain, j'écarquille les yeux : dans le coin supérieur du contrôleur, le chiffre 11 est affiché. Temps 11 ! Il ne reste plus que une heure avant le début de la cérémonie. Je me rue dans le salon, heurtant au passage l'encadrement de la porte avec mon épaule. Je ne me préoccupe pas de la douleur et j'enfile rapidement mon uniforme rouge sang en faisant tout de même attention de ne pas le plier ou pire, le déchirer. J'attrape mon sac contenant les maigres effets personnels que je possède : mon carnet à dessin, mon crayon, ma gomme ainsi que mon holo-écran portatif. Je dois à contrecœur laisser mon livre sur la table car il ne m'appartient pas. Je me précipite dehors, manquant de marcher sur mon plateau repas du matin. Je songe que je n'ai rien mangé et j'attrape à la volée les cubes nutritif que j'avale sans ménagement. Je me mets ensuite à courir à toute vitesse car je ne peux pas prendre le risque d'être en retard, le bâtiment étant assez loin de chez moi. Jambe Gauche, jambe droite, jambe gauche : elles passent l'une devant l'autre en cadence, telle une machine parfaitement huilée.
J'arrive presque essoufflée devant le Bloc, en même temps que AK1304, qui m'apprend que lui aussi a eu un problème de réveil. Je peux voir les grosses goutes de sueur perler sur son front. Il a du mal à reprendre son souffle et son visage et rouge pivoine : il n'a jamais excellé en course à pied. Deux autres arrivent quelques minutes après nous. Il s'agit de JO2350 et KL0109 : cette dernière ne semble pas du tout épuisé par sa course et aborde un grand sourire mais on dirait que l'autre va s'évanouir. Elles aussi n'ont pas reçu leur décharge de réveil. Curieuse coïncidence. Je regarde l'horloge : il reste 10 min avant le début de la cérémonie.
Un homme brun nous accueille et nous tend un morceaux de papier avec un numéro inscrit et il nous explique qu'il est associé à notre place. Il nous pousse doucement vers le tunnel obscur et s'éclipse, nous laissant seuls.Nous marchons quelques mètre dans le noir, guidées par des flèches vertes allumées qui nous indiquent la direction et nous descendons une volée de marche. Je sens alors un air plus froid et j'entends nos pas résonner, trahissant notre arrivée dans une grande pièce. La salle qui doit être gigantesque est plongée dans le noir à l'exception de bandes luminescente bleues le long des marches et les numéros lumineux rouges sur les dossiers des fauteuils. Je repère mon siège, le numéro 9996 et j'apprends que mes camarades sont juste à côté de moi. Nous dévalons les marches à toute vitesse et nous sentons les regard des autres posés sur nous. Nous nous asseyons finalement, haletant et transpirant. Un silence religieux règne dans la pièce et personne n'ose le briser. Soudain, des bruits de talons claquant sur le sol. Un faisceau de lumière s'allume éclairant un femme habillée tout en blanc, à l'exception d'un tache noire qui doit en fait être son micro. Ses cheveux sont presque aussi immaculés que ses vêtements. Elle relève la tête et nous dit calmement tout en souriant :
"Bonjour !"

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La Société
Science FictionLa Grande Guerre. Elle a dévasté le monde. Elle a rendu fous les Hommes. Alors une ville a été créée. Une ville où les enfants naissent dans des cuves, où les jeunes ont pour nom un numéro tatoué sur leur bras, où l'on grandit sous un dôme jusqu'à n...