22-Sujet 8

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Mes yeux sont rivés sur les trois écrans de l'ordinateur quantique d'Antoine. Sur celui de droite, je distingue des lignes de code tandis que le gauche affiche ce qui s'apparente à un liste . Mais c'est sur celui du centre que se trouve le plus intéressant. En effet, un dossier y est ouvert. Antoine ne tarde pas à nous donner des précisions : « Ce dossier était un des plus protégés. Pas moins de six méthodes de cryptage différentes. Il y en avait d'autre avec le même niveau de protection mais, du moins pour ceux dont j'ai cassé avec succès la sécurité, ils n'étaient pas aussi intrigants. La première fois que j'ai visionné une vidéo, je n'y croyais pas. Cependant, au fur et à mesure que je regarde, je ne peux m'empêcher de me rendre à l'évidence : elles sont toutes véridiques. » Ses yeux fuyant trahissent aussi bien son inquiétude que sa peur. Iris me lance un regard interrogateur. J'hausse les sourcils pour lui signifier que je ne comprends pas non plus où il veut en venir.
« Montre-nous. » dit Iris. Il effleure alors l'écran. Tout est noir au début. Puis, écrites en blanc, apparaissent les inscriptions suivantes : «Projet : régénération. Sujet 8. ». Ceci laisse place à Nathalia dans toute sa splendeur. Froide, glaciale. Seule l'étincelle d'impatience ardente qui brille dans ses yeux me paraît nouvelle. Les reste semble immuable : ses vêtements immaculés, ses cheveux d'une blancheur surnaturelle et son image de perfection prédatrice . Je reconnais l'endroit en apercevant les lignes noires au sol. La salle de torture. Le frémissement qui remonte le long de ma colonne vertébrale est suffisamment perceptible pour qu'Antoine pose une main sur l'une de mes épaules. Mes globes oculaires restent fixés à l'écran. Je ressens sa voix comme des milliers d'aiguilles de glace :  « Première séance du projet régénération. Celui-ci à pour but de créer un être exceptionnel, capable de résister à toutes les épreuves. Cette perfection devra représenter l'idéal de la Société. Lorsque ce projet sera aboutit, le sujet 8 représentera un modèle pour tous les habitants de la Société. Toutes les séances seront enregistrées pour permettre une transparence totale aux yeux du conseil. Je m'engage à leur fournir chaque enregistrement et à suivre leurs éventuelles requêtes concernant le conditionnement du sujet. Cette vidéo et les suivantes serviront également de témoignages dans le cas où l'expérience serait reproduite soit après une réussite totale, soit après la mort du sujet.» Elle recule alors et s'écarte de l'axe de la caméra. Nous pouvons alors voir ce qui se trouve derrière elle. J'entends alors Antoine siffler entre ses dents : « C'est là que les choses sérieuses commencent. » En effet, elle cache depuis tout ce temps ce qui le rend si nerveux. Sur une table en métal se trouve une jeune fille allongée. Ses membres sont enserrés par des sangles noires épaisses. Le point de vue change soudain. La caméra semble s'être déplacée juste au-dessus de la fille. Son corps est entièrement nu, à l'exception de son visage qui est couvert par un masque noir. Seul ses yeux sont visibles. Leurs iris pâles, d'un blanc fantomatique brillant, me transpercent. L'effroi, la panique, l'incompréhension que ressent la jeune femme s'immiscent alors dans les méandres de mon cerveau, s'imprime dans celui-ci. Durant un instant, elle observe la camera. Son regard est alors d'une puissance incroyable. Il redevient immédiatement fuyant. Sa tête est attachée de telle sorte que son champ de vision soit réduit au plafond blanc. Au niveau de sa bouche se trouve un embout circulaire entouré d'encoches ainsi que d'un cercle brillant d'une lumière ténue rouge. Nathalia pose une main sur son épaule. Instantanément, le sujet cherche désespérément à se dégager. En vain. La main de Nathalia remonte le long de son cou alors que les tremblements parcourant le corps de la fille s'intensifient. Arrivé au sommet de son crâne, elle le caresse avec une affection abhorrante. Elle rompt le contact et sort ensuite du champ. Elle revient avec un table lévitante chargée de divers instruments. Elle balaye l'air de sa main et trois écrans holographiques apparaissent. La femme au cheveux blancs prend ensuite de petits disques plats qu'elle colle sur le corps de la fille. Des données apparaissent alors. Rythme cardiaque, débit sanguin, fréquence respiratoire ou encore volume de sang dans l'organisme. Elle passe ensuite un coton humide dans le creux du coude de la captive qui frémit. Elle pince sa peau et y enfonce doucement un cathéter. Le gémissement de douleur est étouffé par le masque. Elle relie l'implant à une poche remplie d'un liquide rouge sombre suspendue à une potence. Du sang à n'en pas douter. Elle répète l'opération plus haut sur le bras. Le contenu de la poche est cette fois-ci vert émeraude. « Je sais ce que c'est. » murmure Iris. « C'est pour la réveiller si elle sombre dans l'inconscience. Un peu comme l'adrénaline. J'y ai eu droit moi aussi. » enchérit Antoine. Nathalia prend alors un tuyau relié à un cylindre noir. Son extrémité est pourvu de ce qui ressemble à des petits crochet. Elle le branche à l'embout présent sur le masque. Un sifflement discret et des petits cliquetis mécaniques se font entendre à ce moment là. Puis, rapide comme l'éclair, elle saisit alors un imposant couteau et le plante dans l'abdomen de sa proie. Ce qui devrait être un hurlement déchirant n'est plus qu'un bruit étouffé. Le monstre retire alors le couteau et l'enfonce à nouveau à trois reprise dans la chair tendre. Les sangles sont inébranlables. Nathalia reste de marbre et explique alors avec un ton égal à son calme olympien : « Le sujet 8 devra, à la fin du programme, avoir une résistance à la douleur maximale et cela en restant le plus inexpressif possible. Aujourd'hui, il éprouve ce qu'une personne normale du même âge éprouverait. Ceci rentre en compte dans la perfection. Cela lui permettra d'être indestructible et lui assurera de paraitre insensible aux yeux des éventuels perturbateurs de l'ordre qu'elle devra affronter. Cette aptitude de contrôle va de pair avec ce qui la rend unique. Un don de la nature. Un modification infime, incompréhensible, que l'on ne peut créer artificiellement, de son génome. » Elle se tait alors et attend. A mesure que le sang jaillit des plaies béantes et que le rythme cardiaque augmente, le volume présent dans l'organisme diminue faiblement. Trop faiblement. Je jette un œil à la poche qui est pourtant toujours pleine. Je me tourne alors vers Antoine, interrogatrice. « Attend et regarde.» m'ordonne-t-il, anticipant ma question. Je me concentre alors sur les blessures. Au début, tout semble normal et je mets quelques instant avant de comprendre ce qui me rend mal à l'aise. Au bout d'environ deux minutes, je lui demande : « Reviens en arrière. » Il obéit. « Comment est-ce possible  ? Ça ne peut pas être réel. » Lâché-je alors à demi-voix tout en fixant le détail surréaliste qui s'impose maintenant que je l'ai remarqué. Devant mes yeux, les trous béants sanguinolents ne sont plus que de la largeur d'un doigt et se referment lentement. Nathalia, silencieuse jusqu'alors, confirme mes observations : « Cette particularité génétique confère au sujet 8 une capacité de régénération hors du commun. Aujourd'hui, les blessures du type de celles infligés mettent seulement quelques minutes à se refermer totalement sans aucune cicatrices. Le but du programme est également de faire chuter ce temps pour qu'une poignée de secondes seulement soit nécessaire. Le processus de réduction de la douleur et d'amélioration de le régénération passe par la répétition régulière des sévices. Je n'arrêterai que lorsque les résultats seront satisfaisants. » Tout en parlant, elle entaille le ventre de la fille qui rue avec violence. Les lignes rouges peu profondes sont presque toutes refermées lorsqu'elle finit son discours. Elle reprend tout en posant le couteau et en attrapant une pince : « La régénération est efficaces sur les blessures superficielles mais aussi sur les profondes comme celles causées par de balles et enfin à la perte de parties plus importante comme les doigts ou un membre entier. ». Nathalia place alors un doigt entre les crocs acérés de la pince. Elle le tranche sans ménagement. Les ruades deviennent plus violentes.
« Dans le cas de la perte d'un doigt, si celui-ci est assez proche, il se recollera au reste, précise-t-elle. Sinon, un nouveau repoussera et l'autre se désagrègera plus rapidement. Cependant, la repousse est un processus long et douloureux qui peut durer plusieurs heure. Naturellement, nous souhaiterions réduire ce temps au maximum. » Le doigt est déjà presque entier. La démarcation s'amenuise de plus en plus. Nathalia pose la pince. Elle jette alors son dévolu sur un objet dont le manche se termine par un arc de cercle. Elle presse un bouton situé sur cet instrument. Un léger crépitement retentit et un laser apparaît, fermant alors le demi-cercle. Elle l'approche du bras gauche du sujet 8. Le laser entre en contact avec la peau en produisant une fumée grisâtre. Il coupe la chair, les os comme s'ils étaient entièrement fait de beurre tendre. Les yeux hypnotisants de la fille se ferment alors et un des écrans signale la perte de connaissance. Nathalia ouvre alors le robinet de la poche verte et le liquide pénètre doucement dans l'organisme de la jeune femme. En se réveillant, le rythme cardiaque de cette dernière s'accélère encore. Sa cage thoracique se soulève de plus en plus vite. Nathalia lève l'avant-bras sectionné. La peau, à l'endroit de la coupe, est cautérisée. Elle le place ensuite dans le champ de vision de la victime. Celle-ci écarquille les yeux, sombre à nouveau dans l'inconscience puis est réveillée par Nathalia. Des rivières de larmes s'échappent des yeux de l'adolescente. Madame Halter replace alors le bras. Celui-ci commence déjà à se raccommoder. Elle désigne alors les yeux de la fille. Sa voix d'un calme contendant retentit alors : « Le programme à également pour but d'annihiler toute forme de faiblesse mentale tout en rendant le sujet docile et obéissant. Le chemin sera long mais je vous assure que cela sera concluant. Fin de la séance 1. »

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