18-Évasion

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Je me réveille soudain. Je suis dans ma chambre. Mon dos est moite, mes draps blancs sont humides. Je m'assois au bord de mon lit et je me lève. Je suis aussitôt prise de vertiges. Je m'appuie contre le mur et je ferme les yeux un instant. Lorsque je les réouvre, tout parait plus stable. Du coin de l'œil, je déchiffre le temps indiqué sur le réveil. Temps 12 moins 15 minutes. Il est presque l'heure de manger. La porte de l'ascenseur s'ouvre soudain et Aaron entre comme si de rien n'était, sourire charmeur aux lèvres, éclat malicieux dans les yeux. Je ne lui laisse pas le temps de s'exprimer et je lâche d'un ton tranchant : « Qu'est ce que tu fais dans ma chambre ? » Son sourire disparaît aussitôt mais il me répond en gardant son calme : « Je venais voir si tu étais réveillée. Ma mère t'as injecté un peu trop de somnifères. Tu aurais du émerger plus tôt. Il est bientôt l'heure du repas.

-Je ne veux pas venir, je n'ai pas faim.

-Tu n'as pas vraiment le choix. En ce moment tu auras remarqué que Nathalia est légèrement tendue. Et à moins que tu ne veuilles vraiment retourner en bas, je te conseille d'obéir.

-Très bien. Mais avant tout, je dois me changer. Sors d'ici.

-J'aimerais beaucoup rester. »

Tout en disant cela, il se rapproche et pose une main sur ma hanche. Je recule et m'exclame : « La prochaine fois que tu me touches, je ne retiendrai pas mes poings.

- De ce que je peux voir, la leçon n'est pas bien passée. Ici, nous faisons la loi. Tu as pourtant bien dormi pendant trois jours. Je pensais que la nuit portait conseil.

- Trois jours !

-Oui. Surdosage du produit. Ma mère devait être énervée ou elle l'a fait exprès pour s'amuser un peu. Bon, je te laisse mais ne tarde pas trop si tu ne veux pas finir avec un doigt en moins. »

Il quitte la pièce en riant, me laissant enfin seule. Trois jours. Je ne pensais pas avoir dormi autant. Le visage d'Iris m'apparaît alors. Peut-être est elle toujours attachée sous mes pieds. Je repense alors à la façon dont elle m'a traitée. Je ne fais même pas partie du plan. Si tant est qu'il ait existé un jour. Encore une fois, le mensonge semble devenir vérité. Elle m'aurait menti. Mais alors pourquoi m'avoir montré la boîte de craquage ? Dans mes souvenirs, Nathalia ne nous a pas posé la moindre question à son sujet. Si elle avait utilisé les caméras, elle aurait vu l'appareil illégal et si c'était un micro, alors elle saurait aussi. Mais elle avait seulement évoqué notre évasion. Alors, comment pouvait-elle connaitre l'objet de notre conversation ? Peut-être par déduction. Iris avait certainement tenté de sortir d'ici avant et, sachant qu'elle aurait pu m'apprendre quelque chose de confidentiel qui m'aurait effrayé, Nathalia aurait déduis le sujet de notre échange. Cette hypothèse expliquerait tout et la rebelle n'aurait fait que mentir en prétendant qu'il n'y avait aucun plan et le fait que je ne sois pas incluse dans ses projets pousserait Nathalia à penser que je déteste Iris. L'idée est excellente, si il s'agit bien de ça. Je reviens alors à la réalité. Temps 12 moins 5. Je me rue vers mon armoire et je revêt une tunique ainsi qu'un pantalon blanc. Je revois alors les murs de la salle de torture. Je déteste cette couleur froide et vide. Je ferme le placard, regrettant de ne pas posséder des habits colorés comme les autres habitants de la Société. Je prend ensuite place dans l'ascenseur.

Les portes s'ouvrent sur la salle à manger. Trois paires d'yeux se braquent sur moi. Trois sourires dévoilant des dents affûtées fendent leurs visages. Seule Iris fixe son assiette, le regard perdu dans un endroit qu'elle seule voit. Le silence s'étire avant d'être brisé par la voix mielleuse de Nathalia : « Je t'en prie, assieds-toi. » Elle désigne la chaise vide en face d'elle. Je m'installe timidement. Ils recommencent à manger, sans me prêter plus d'attention. Je regarde avec dégoût le cube nutritif posé au centre de mon bol. J'envie leur ragoût qui semble si chaud et délicieux. Mais je ne puis demander de goûter sans recevoir un regard noir désapprobateur. Le bruit métallique des couvert est insupportable. Je jette un discret coup d'œil à Iris. Cette dernière semble absente, comme si elle n'était pas vraiment là. Clifford m'interrompt alors dans ma contemplation : « Ne t'inquiète pas, elle ne s'est pas transformée en légumes. Heureusement. » Les rires des deux autres résonnent dans la pièce. Aaron enchaine : « Franchement tout ce travail d'élevage gâché, cela aurait été vraiment dommage. Mais mère n'aurait pas fait cette erreur. Tu ne les abîmes jamais de toute manière. Ou du moins pas leur chair. » Ils pouffent tous les trois. J'essaye de me faire toute petite. Je n'ose croiser leurs regards que je sais perçants. Je ne comprends pas pourquoi ce qu'ils disent est si drôle. La pièce redevient silencieuse un moment avant que la vois de madame Halter ne vienne heurter mes tympans : « Tu reprendras ton apprentissage normal dès demain. Je t'octroie une journée de repos.

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