Le court film n'avait pas menti. Les immenses immeubles blancs nous entourent et ils nous donnent l'impression que nous ne sommes que de vulgaires fourmis, petits êtres sans importance face à ces géants. Je me retourne et mon champ de vision est obstrué par le mur de Dôme III. Je lève les yeux et j'aperçois les éoliennes placées plus haut sur celui-ci ainsi que le scintillement des zones recouvertes de peinture photovoltaïque. En dehors de ces technologies, le mur est d'un blanc homogène, comme presque tout dans la Société. En effet cette couleur est synonyme de perfection, de pureté et ces deux attributs sont le reflet de la Société. Je remarque que les autres sont aussi absorbés par la contemplation du dôme. Nathalia se racle la gorge et nous nous retournons d'un coup.
Elle sourit devant notre air coupable et nous rassure :"Je sais que c'est la première fois que voyez la Société et que tout ça est nouveau pour vous mais vous aurez tout le temps d'observer ces bâtiments dans votre aero-navette."
Celles-ci arrivent en effet quelques minutes plus tard. Nous les regardons se poser doucement, presque sans bruits. Le matériaux qui les compose semble parfaitement lisse, comme du verre ayant perdu sa transparence, laissant place à un magnifique gris anthracite. Le drapeau de la Société est représenté sur leurs flancs. Leurs portes s'ouvrent avec un sifflement discret, les pilotes descendent, nous serrent la main et nous invite à monter dans un appareil. Chaque binôme se dirige vers un engin et je fais un signe de main pour saluer mes trois camarades. A l'intérieur, les sièges sont disposés comme dans les avions d'autrefois. Leurs assises sont tissées à la manière des toiles d'araignées. Voyant mon air intrigué, Nathalia m'explique que le "tissage" des sièges est fait en soie synthétique d'arachnides, matériaux connu pour sa robustesse et son confort, et que cette forme particulière amortie extrêmement bien les chocs. Elle me désigne un siège de la première rangée, situé contre la parois de l'engin et elle se rend ensuite dans la cabine de pilotage, me laissant seule. Je m'installe et je m'attache à l'aide des sangles qui pendent le long du fauteuil. Elles forment un X sur mon torse, me maintenant parfaitement mais me laissant toutefois une grande liberté de mouvement. Nathalia revient et elle s'installe à ma gauche. Elle sort son holo-écran et pianote à toute vitesse. Des lignes de code s'affichent, j'essaye de les déchiffrer mais je comprends rapidement qu'elles sont cryptées. Elle semble absorbée par sa tache et ne lève les yeux que lorsque nous décollons. J'agrippe fermement les accoudoirs de mon siège et je m'applatit contre le dossier. Voyant mon visage blême, Nathalia tente de me rassurer :
"Détend-toi, relâche tes muscles."
Je hoche la tête, incapable de parler.
"Est-ce ton premier vol en navette?"
Nouveau signe de tête affirmatif de ma part. Elle marque une pause et reprend :
"Dans le 0.000001 % de cas où l'on s'écraserait, le choc serait si violent que tu ne sentirais rien au moment de mourir, alors il n'y a rien à craindre."
Loin de me soulager, cette idée me donne un haut le coeur mais je me force à reprendre mon sang-froid. La navette stabilise son altitude et la tension s'échappe enfin de mon corps.
"Tu peux te détacher si tu veux, le vol va durer un demi-temps."
Je me dessangle, et je m'étire pour me détendre. Nathalia me fixe, puis elle se lève et se place accroupie entre les deux rangées de sièges.
"Ceci, dit-elle tout en touchant la surface lisse et grise de la carlingue de la navette, est du verridium, un alliage extrêmement résistant mais qui possède aussi une étonnante propriété. En effet, lorsque l'on module l'intensité électrique le traversant, on en modifie l'opacité."

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La Société
Science FictionLa Grande Guerre. Elle a dévasté le monde. Elle a rendu fous les Hommes. Alors une ville a été créée. Une ville où les enfants naissent dans des cuves, où les jeunes ont pour nom un numéro tatoué sur leur bras, où l'on grandit sous un dôme jusqu'à n...