Prologue

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LIAM

J'ai lu quelque part que le deuil était constitué de cinq phases bien précises. Elles seraient dans un ordre particulier : le déni, la colère, la négociation, la dépression et l'acceptation. Au juste, je ne comprends pas trop comment quelqu'un peut avoir l'idée de mettre des mots sur ce que l'on ressent. C'est vrai, ça ne fait que nous agacer encore plus de voir que des personnes en parlent sans vraiment connaitre ce sentiment. Ceux qui se pensent supérieurs parce qu'ils ont découverts ça m'horripile, parce que ce n'est pas parce qu'ils mettent des mots dessus que c'est forcément vrai.

Pourtant, j'ai connu ça, le deuil, et j'ai l'impression d'être passé par ces étapes. Je peux dire que je le connais encore, et qu'il est là, encré en moi et que cette douleur ne veut pas me lâcher. Après tout, à dix-sept ans, j'ai certainement connu l'une des plus difficiles de toutes les étapes de la vie : la perte de ses parents. Je croyais que ça arrivait plus tard, je n'étais pas prêts à ce que cela arrive d'un coup, si brusquement avant même que je ne commence une vie d'adulte. En même temps, qui peut s'y attendre...

Je me souviens encore de cette période, au tout début, où je refusai de voir la réalité en face. Je restai enfermé dans notre maison – celle dans laquelle j'avais grandis. J'étais emmitouflé entre leurs draps, et même la présence de ma tante n'y pouvais rien malgré tous ses efforts. Aujourd'hui, je ne sais pas encore trop où j'en suis, mais je sais que ma vie est toujours une étape en soi. J'aimerais dire que le pire est derrière moi, mais je ne le peux pas.

Je ne peux pas dire ça alors que l'horreur se continue de se cacher derrière un mur de briques grises.

— Liam ?

Mes yeux verts se plantent dans ceux d'Amelia Cooper. Son regard s'accroche au mien. Je lève finalement les yeux au ciel et ferme d'un geste brusque mon carnet à la couverture noire. Agacée par mon comportement, ma psychologue soupire. Je n'aime pas que l'on me dérange en pleine réflexion – ou du moins c'est ce que je veux lui faire croire.

Quoi ? attaqué-je.

Je sais que cette femme ne me veut que du bien, mais j'ai le sentiment qu'elle m'est parfaitement inutile, dans le sens où je ne vois pas comment elle pourrait effacer ma douleur. Honnêtement, je ne vois pas trop la façon dont elle pourrait m'aider. A moins de m'apprendre que mes parents ne sont en fait pas morts et que mon oncle n'est pas un parfait type bourré vingt-quatre heures sur vingt-quatre – et violent par-dessus le marché ! –, je ne vois pas trop la raison de ma présence ici. Je suis là uniquement parce que l'on a jugé ça « nécessaire ».

Elle secoue la tête et réajuste sa veste noire. Toujours parfaitement repassée, sans aucun pli, cette femme passe sans doute plus de temps à s'occuper de son apparence plutôt qu'à penser à ses patients. Elle n'est pas bien méchante, mais elle n'est pas non plus efficace dans son métier. Sous mon regard inquisiteur, elle fronce les sourcils. Je souffle bruyamment pour lui signifier que je n'ai qu'une envie : partir loin d'ici, que je ne me sens pas à ma place.

— Tu ne penses pas que tu pourrais un jour me parler, plutôt que de bouder dans ton coin à chaque séance ?

Je m'avance vers elle, les deux coudes sur les genoux.

— Vous savez, Amelia, je ne pense pas que ce soit une chose qu'une psychologue doit dire.

Elle tressaille et me fusille du regard lorsque je prononce son prénom. Son comportement m'amuse. Au fond, je sais qu'elle doit se dire que je suis un cas désespéré, mais elle ne l'avouera jamais car ce n'est pas son rôle.

— Et comment suis-je censée te parler, Liam ? Je te signale que, depuis que tu viens me voir, tu ne me dis rien ! Je ne comprends pas, j'ai l'impression que je perds mon temps avec toi ! Pourtant, tu sais que je ne cherche qu'à t'aider, je ne souhaite que ton bonheur.

Des espoirs |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant